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    1. RÉSURRECTION##


RÉSURRECTION. CONCLUSIONS

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rection que dans la vie présente. Et cette transformation s’impose aussi bien pour les damnés que pour les élus, puisque la vie corporelle de tous ne finira pas et comportera l’incorruptibilité. L’idée de germe, bien qu’incomplète, doit être aussi retenue, tout au moins pour les corps des élus : c’est encore saint Paul qui la propose, I Cor., xv, 42 sq. Ces deux considérations, puisées aux sources mômes de la révélation, doivent nous empêcher de formuler des jugements trop absolus sur Yidenlilé matérielle des corps vivants et des corps ressuscites.

Mais, d’autre part, les progrès et les incertitudes des sciences physiques et physiologiques doivent également nous inciter à la réserve. Dans quelle mesure les éléments derniers du corps participent-ils à la vie de l’individu ? Se renouvellent-ils complètement ? Comment expliquer l’identité personnelle d’un être dont le corps est en changement perpétuel ?

En dehors des grandes lignes doctrinales fixées par l’Église — l’âme, forme du corps humain, principe vital, unique dans le composé humain — il est difficile de formuler un enseignement ferme. Affirmer, même sous le couvert de savants biologistes, qu’un « quelque chose » demeure permanent dans la substance corporelle, nonobstant le « tourbillon vital », c’est émettre une opinion assez discutable, même scientifiquement, et qui, en tout cas, ne saurait servir de support à une explication théologique. Saint Thomas rapportait jadis une opinion semblable, voir col. 2557, et la considérait comme moins probable.

Troisième réflexion enfin : la persistance de quelques éléments de la substance corporelle n’est pas encore suffisante, semble-t-il, pour expliquer l’identité physique des corps. Pour satisfaire pleinement aux exigences d’une telle identité, il faudrait refaire le miracle de saint Nicolas ressuscitant les trois petits enfants dont la chair avait été salée et conservée par le méchant boucher… L’hypothèse, à laquelle se réfèrent plusieurs auteurs modernes en interprétant quelques phrases du Traité élémentaire de physiologie du D r Gley dans le sens d’une permanence réelle des cellules cérébrales et d’une partie du tissu musculaire, passe encore à côté d’une solution adéquate du problème de l’identité numérique des corps. Cette permanence ne s’étend pas au-delà de la vie terrestre. Et donc, se posera toujours la question de la reprise par l’âme des autres éléments qu’elle aura possédés durant son existence terrestre.

La vraie solution semble donc devoir être reportée dans le champ de la métaphysique. C’est la seule façon d’éviter les questions oiseuses sur la quantité de matière à reprendre, sur l’âge auquel on doit ressusciter, sur le moment exact de la vie terrestre qui fournira les éléments du corps ressuscité, etc., etc.

Il convient donc, disons mieux, il est nécessaire, de n’infliger aucune note théologique aux explications qui affirment conserver intégralement les trois données du dogme catholique, et surtout il faut se défier, en les jugeant, de céder aux illusions de l’imagination.

Voici, sahw meliori judicio en matière si obscure, notre avis sur les doctrines en cours :

1° On peut soutenir une identité matérielle stricte du corps vivant et du corps ressuscité, en sorte que notre corps, ne subissant ici-bas aucune modification, même dans son élément matériel, se retrouverait tel quel à la fin du monde. Cette conception est évidemment absurde au point de vue physiologique, le corps humain étant en perpétuelle évolution : mais du moins, au point de vue des exigences du dogme, elle serait irrépréhensible.

2° On peut vouloir sauvegarder l’identité numérique des corps par l’hypothèse de la permanence tout au moins d’un certain nombre d’éléments fixés dans l’or ganisme humain au cours de la vie terrestre et repris par l’âme au moment de la résurrection, Dieu achevant, complétant ce qui manque à ces éléments partiels pour la reconstitution complète du corps. C’est la théorie généralement enseignée et qui s’appuie sur de nombreux textes de saint Thomas (nous avons dit plus haut pourquoi nous estimons que cet aspect de la thèse de saint Thomas est secondaire).

3° Tout en acceptant le principe général de cette solution, on peut admettre qu’en certains cas exceptionnels. Dieu sera obligé de suppléer partiellement ou même totalement au défaut de matière. C’est la théorie dont saint Thomas a très certainement posé le principe, voir col. 2559, et qu’on retrouve, avec un accent plus net mis sur l’exception, chez Durand de Saint-Pourçain et, de nos jours, chez Billot, Pègues, Ilugueny, Van der Meersch, etc. Explication tout aussi acceptable que la précédente et qui présente l’avantage d’ouvrir les voies, le cas échéant, à une solution plus métaphysique et moins susceptible de soulever des difficultés quasi insolubles.

4° On peut enfin, entendant comme règle générale ce que les derniers auteurs cités entendent comme exception, vouloir expliquer l’identité numérique des corps ressuscites pal la seule identité de la forme substantielle, laquelle reconstituerait toujours, au moment de la résurrection, avec n’importe quels éléments matériels, sa matière propre et individuée, son propre corps. ( "est la thèse de Mgr Laforèt, Dogmes catholiques, t. iv, Paris-Tournai, 1860, p. 448, de Mgr Élie Méric ; L’autre vie, t. ii, c. iv, § 2, p. f8-70 et de différents auteurs des Dictionnaires de Migne. Même à cette thèse nous ne ferions pas d’objection de principe, car elle entend bien respecter les trois données du dogme : la résurrection — générale — des corps selon {’identité numérique. De ce système toutefois, nous ne rapprocherions qu’avec prudence l’explication dynamique fournie par Leibniz, dans son Système théologique, en raison même de son apparentement avec la doctrine spirite du pcrispril. Cf. I. épicier, De nouissimis, p. 423, et Le monde invisible, Paris, 1031, p. 147 sq., mais surtout Monsabré, Exposition du dogme catholique, carême 1889, notes à la 101° conférence.

5° Mais, ù coup sûr, on doit rejeter comme ne sauvegardant pas l’identité numérique requise par le dogme catholique, les explications peu théologiques île l’abbé Le Noir, se contentant d’une identité spécifique, dans laquelle, par conséquent, l’identité numérique est en péril. Dictionnaire des harmonies de la raison et de la foi, Paris, 1850, article Résurrection de la chair, t. xix de la IIIe série des encyclopédies de Migne, col. 1 177 sq. A plus forte raison faut-il réprouver toute explication fondée uniquement sur le sentiment intérieur de la peisonnalité, explication proposée, précisément à rencontre du dogme catholique, par Diderot, dans l’Encyclopédie, t. xiv, p. 197.

(5° C’est vers cette dernière explication que tendent un certain nombre d’auteurs protestants : « Immortalité de l’âme et résurrection, écrit Eug. Picard, doctrines profondément distinctes à l’origine et qui se sont fondues et pénétrées peu à peu. « Article Eschatologie, dans l’Encyclopédie des sciences religieuses de Litchtenberger, t. v, p. 500. Ces doctrines, ajoute l’auteur, font aujourd’hui double emploi.

Les réformateurs, d’ailleurs, avaient été très réservés sur la question de la résurrection. Calvin admettait que nous ressusciterons en la même chair que nous portons aujourd’hui quant à la substance, mais différente quant à la qualité. Institution chrétienne, t. III, c. xxv, n. 8, c’est-à-dire que l’organisme humain sera transformé, glorifié. Depuis le xixe siècle, une tendance s’affirme en faveur du conditionnalisme, c’est-à-dire que des seuls bons l’âme survivrait et le corps ressus-