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RÉSURRECTION. AUTRES QUESTIONS


vation, peut-être parce que ses détracteurs n’ont jamais lu son texte : Ad primum dicendum quod cuicumque maleriie uniatur anima Pelri in resurrectione, ex eo quod est eadeni forma secundtim numerum, perconsequens erit idem Petrus secundum numerum. N. 6, p. 888 a. Mais il a bien soin de noter que c’est là une réponse à une question exceptionnelle, qu’il n’envisage point comme représentant le cas ordinaire : Si aliquo modo deberet habere locum. Voilà pour expressions et exemples insolites.

Quant à la doctrine, c’est celle-là même que nous avons déjà trouvée chez saint Thomas. La matière est une pure puissance qui, de son unique forme substantielle, reçoit toutes ses déterminations. N. 6. La meilleure preuve, c’est que, dans la transformation des aliments par la nutrition, malgré les changements que l’assimilation implique du côté de la matière — saint Thomas parlait du flux et du reflux des éléments — l’animal demeure toujours identique à lui-même. N. 7. Sans doute l’élément matériel est réel, mais sa réalité actuelle est due toute à la forme, n. 8, et c’est parce qu’elle est a actuée » par une forme déterminée qu’on peut la distinguer d’une matière « actuée » par une autre forme, n.9 ; et ce, non seulement dans son devenir (in péri), mais dans son être constitué. N. 10.

En bref, c’est par la forme substantielle — l’âme raisonnable — que la matière devient, dans l’homme, ce corps de cet homme déterminé. Donc, si dans certains cas des éléments matériels autres que ceux jadis possédés devaient être repris à la résurrection par l’âme, cela n’empêcherait pas la reconstitution de l’homme : seraient sauvées non seulement l’identité de la forme, mais encore celle de la matière. N. 11.

Il faut n’avoir pas lu le texte de Durand de Saint-Pourçain pour lui prêter une doctrine en opposition avec celle de saint Thomas.

Nota. — Il semble inutile de poursuivre notre enquête chez les théologiens postérieurs. Tout d’abord un grand nombre de théologiens ne commentent plus les Sentences de Pierre Lombard et s’attachent à la Somme de saint Thomas. En général, le Supplément est délaissé. Suarez, par exemple, traite de la résurrection dans son commentaire sur la III a pars, à propos de la Résurrection du Christ, disp. XLIV. C’est surtout dans les manuels récents que la question de l’identité numérique des corps est étudiée sous l’aspect précis que lui avaient donné les commentateurs des Sentences. Et les auteurs y signalent simplement deux tendances : celle, disent-ils, de l’ensemble des théologiens qui, outre l’identité de l’âme, requièrent pour l’identité numérique des corps, qu’il subsiste « quelque chose de la matière » qui fut jadis possédée par l’âme ; et celle de Durand de Saint-Pourçain qu’on veut retrouver chez Billot, Pègues, Hugueny, Van der Meersch et quelques autres. C’est là, pensons-nous, un cadre quelque peu conventionnel, que nous serions heureux d’avoir brisé.

Propriétés des corps ressuscites.

Il n’est question

ici que des propriétés des corps en général et non des propriétés des corps glorieux, qui ont été étudiées à l’art. Corps glorieux, t. iii, col. 1898 sq.

Nous nous contenterons de résumer très brièvement les réponses généralement admises et empruntées presque toujours à saint Thomas. Elles témoignent surtout de la curiosité des théologiens, avides de donner des solutions aux problèmes les plus obscurs. Les théologiens ont d’ailleurs l’excuse, très souvent, de pouvoir s’abriter derrière l’autorité de saint Augustin. Il sera bon cependant d’attendre au jour de la résurrection générale pour être définitivement fixé sur ces points.

t. Identité des puissances dans le corps ressuscité. — Pour les puissances spirituelles, pas de difficulté. Seules

les facultés du composé pourraient provoquer quelque hésitation. Toutefois, même si cette hésitation était fondée, elle ne toucherait pas l’identité substantielle de la personne ressuscitée, les puissances de l’âme et du composé n’étant que des propriétés accidentelles. S. Thomas, SuppL, q. lxxix, a. 2, ad 3um.

2. La matière reprise par l’âme rclrouvera-t-elle dans le corps restauré exactement la même place et la même fonction ? — Saint Thomas opine que la réponse affirmative est plus vraisemblable, surtout en ce qui concerne les parties et les fonctions essentielles. Id., ibid., a. 3.

3. Les corps ressusciteront dans leur intégrité.

Ce principe général comprend un certain nombre d’applications :

a) L’homme doit ressusciter parfait, puisqu’il ne ressuscite que pour atteindre sa perfection. En conséquence, de même que l’âme retrouvera ses puissances, de même le corps aura ses organes et ses membres intègres. Les mutilations et les déformations doivent donc disparaître. Si certains organes sont destinés à des fonctions peu nobles, mais en rapport avec les exigences de la vie terrestre, ils subsisteront, mais avec des fonctions en rapport avec les exigences de l’autre vie. Id., q. lxxx, a 1.

b) Les cheveux et les ongles n’appartiennent pas à la perfection première du corps ; mais ils ressortissent à sa perfection seconde : « Et parce que l’homme ressuscitera dans toute la perfection de sa nature, il faut que les cheveux et les ongles ressuscitent en lui. » Id., ibid., a. 1.

c) Les humeurs appartenant à la perfection de la nature humaine reparaîtront, mais toujours en conformité avec les exigences de la vie de l’au-delà. « Les membres qui servent à la génération existeront après la résurrection pour l’intégrité de la nature humaine, mais non pour opérer les actes qu’ils accomplissent maintenant. » Id., ibid., a. 3, et ad 2um. En bref, tout ce qui se rapporte à la véritéetà l’intégrité de la nature humaine ressuscitera avec les corps. Id., ibid., a. 4.

d) La matière sera rendue à l’homme selon les exigences de l’espèce humaine : il est trop évident que la totalité de la matière qui, au cours de la vie terrestre, a pu passer dans un corps humain, n’est pas due à l’intégrité de la personne ressuscitée. Id., ibid., a. 5.

e) D’après saint Thomas et bon nombre de théologiens, les hommes ressusciteront à l’âge parfait, c’est-à-dire, d’après saint Augustin, vers l’âge de trente ans, « la perfection existant dans l’âge viril auquel s’arrête le mouvement de croissance et où commence le mouvement de décroissance. » Suppl., q. lxxxi, a. 1. Mais d’autres théologiens estiment cette solution discutable et peu conforme avec les assertions empruntées aux monuments de l’antiquité chrétienne. Le P. Terrien déclare que « cette règle ne doit pas être comprise avec une exactitude mathématique. Il semble convenable qu’il y ait dans l’apparence extérieure des ressuscites quelque chose qui rappelle leur vie d’ici-bas. On aime à penser qu’un saint Stanislas, par exemple, conservera les grâces de sa jeunesse et le vieillard Siméon, la noble majesté qui le caractérisait, quand il reçut entre ses bras le Sauveur du monde. » La grâce et la gloire, t. ii, t. X, c. ii, p. 268-269. Cf. F. Segarra. De idenlitate corporis morlalis et corporis resurgenlis, Madrid, 1929, p. 241-256.

f) Par contre, saint Thomas concède que les morts ne ressusciteront pas tous avec la même taille ; ils ressusciteront avec la taille qu’ils ont eue ou qu’ils auraient eue à l’âge viril, terme de la croissance. Si toutefois la nature a fait des excès dans un sens ou dans l’autre, « la puissance divine retranchera ou ajoutera ce qu’il y aura dans l’homme ehtrop ou en moins ». Suppl., q. lxxxi, a. 2.