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RESURRECTION. PROBLÈME DE L’IDENTITÉ


dist. XII, a. 1, q. m et scholion ; dist. XIII, a. 2, q. il et surtout scholion ; dist. XIV, part. II, a. 2, q. i ; dist. XV, a. 1, q. ii ; dist. XVII, a. 1, q. ii, ad Gum et a. 2, q. ii. Sur les « raisons séminales », voir In II nm Sent., dist. VII, part. II, a. 2, q. i ; dist. XVIII, a. 1, q. ii, m : In IVum Sent., dist. XII, part. I, a. 2, q. i.

Cette permanence incomplète des formes inférieures ne concerne que leur essence, non leur existence (puisqu’elles n’existent plus qu’in potentia). Saint Bonavenlure a donc une tendance très marquée à ne retenir que l’explication métaphysique de la résurrection : la permanence des éléments corporels à l'état de simple puissance dans la matière. Aussi, à ne considérer que les possibilités naturelles de la matière, il ne lui paraît pas possible qu’elle rende, aux éléments qu’elle détient ainsi, l'être même qu’ils possédaient auparavant sous les formes précédentes. Elle leur conférerait non une essence nouvelle, mais un être, même substantiel, nouveau : quamvis cnim natura non det novam essenliam, dal tamen novum modum essendi, non lantum accidentaient, immo etiam substanlialem… Dieu seul est capable de rendre, avec les formes inférieures latentes dans la matière, l'être identiquement le même que ces éléments possédaient jadis.

Pour peu qu’on réfléchisse, on voit que, dans la théorie de saint Bonaventure — si proche de celle de saint Thomas, malgré les divergences — - c’est donc encore l’identité des formes subordonnées et de la forme principale, restituées par Dieu aux éléments conservés en puissance dans la matière, qui explique l’identité numérique des corps vivants et des corps ressuscites.

Dans la réponse à l’ad 3um, saint Bonaventure expose que l’immortalité conférée au corps ressuscité ne s’oppose pas à son identité avec le corps mortel, car l’essence du corps n’est pas modifiée, c’est son état, sa manière d'être nouvelle.

On retrouve quelques-uns des traits de la doctrine bonaventurienne, notamment les rationes séminales, comme explication de la résurrection chez Pierre de Tarentaise, In iVum Sent., dist. XLIII, a. 7, ad llum.

Duns Scot, comme saint Bonaventure, admet le principe général de diverses formes substantielles subordonnées. Mais, en fait, Scot admet dans l’homme une seule forme substantielle subordonnée à l'âme, la forme corporelle (forma corporeilatis) ou organique par laquelle la matière est organisée et rendue apte à l’information de l'âme. Voir surtout In IVum Sent., dist. XI, q. iii, n. 2. Tandis que, chez saint Thomas, le sujet informé par l'âme est la matière première, chez Duns Scot, c’est le corps organique qui reçoit de l'âme d'être corps vivant.

Cette forme de « corporéité » est le terme intermédiaire nécessaire entre le corps mortel et le corps ressuscité : terme intermédiaire nécessaire, car seul il peut expliquer certains faits dont, au dire de Scot, ne saurait rendre compte la théorie thomiste. La solution du Docteur angélique est incompatible avec la résurrection des animaux, dont le Docteur subtil trouve des exemples dans certains récits dévie des saints. La corporéité, contenue dans la puissance de la matière, explique, en reparaissant sous l’influence d’agents extérieurs, la reconstitution numerice eamdem des êtres successifs aussi bien que des êtres permanents. Il suffît que la même matière retombe sous l’influence causale de l’agent qui, une première fois, en avait produit les déterminations et les formes. Ainsi, spéculativement parlant, il ne serait pas impossible que des causes créées fussent les agents de la résurrection. Report. Paris., t. IV, dist. XLIII, q. iii, n. 1-20. Nous avons vu plus haut, col. 2553, qu’en fait, seule la vertu divine interviendra comme cause de la résurrection.

La restitution que cette vertu divine fera à la matière de sa corporéité permettra aux éléments corporels de

reprendre, numerice eadem, leur place dans le composé humain. Dans l’intérêt du dogme, Scot réclame, pour l’unité numérique du corps, l’identité non seulement des éléments qui ont été donnés à l’origine dans la génération, mais encore de quelques autres qui sont survenus par l’assimilation des éléments nutritifs pour porter l’individu humain à sa grandeur normale et naturelle. Il unit ainsi la première et la deuxième explication examinées par saint Thomas. Report. Paris., dist. XLIV, q. i, n. 3-4, 5-14. Ainsi le corps reprendra tout ce qui fut de verilate natures ejus et, de plus, parmi les éléments qui ont fait partie du corps vivant, ceuxlà seulement qui suffisent pour rétablir le corps dans son état normal quantitatif, celui qu’il a eu vers la trentième année. Id., n. 15.

4. Réaction de Durand de Saint-Pourçain.

L’exposé des thèses de saint Thomas et de Duns Scot était indispensable pour faire comprendre la position adoptée par Durand de Saint-Pourçain, que l’on a tort, croyons-nous, de présenter comme un novateur. Il serait plus exact de le qualifier de rénovateur, tout en reconnaissant que certaines de ses assertions revêtent une forme insolite, si on les prend séparées de l’ensemble de sa doctrine.

a) Doctrine sur l’identité numérique du corps vivant et du corps ressuscité. — Il s’agit, on l’a dit, d’un dogme de foi et Durand le professe explicitement. Dans le commentaire In 7Vum Sent., dist. XLIII, q. i, il se demande utrum possil idem homo resurgere. Nous citons d’après l'édition de Lyon, 1586, p. 877 sq. Et il répond, n. 13, qu’il en sera < infailliblement » ainsi, principalement en raison des affirmations de l'Écriture, mais aussi des raisons de convenance qui justifient, pour l'âme, la reprise de son corps. Ces raisons sont au nombre de deux. Baison métaphysique : l'âme raisonnable, l’une des plus nobles créatures, faite à l’image de Dieu, ne peut convenablement demeurer séparée de son corps, puisqu’elle lui reste ordonnée comme la forme à sa matière. Baison morale : le corps ayant participé aux bonnes et aux mauvaises actions de l'âme, la justice divine semble appeler la résurrection pour récompenser ou punir tout le composé humain. P. 879 a. b.

b) Explication. — a. Rejet des hypothèses scolistes. — Scot considère la forme intermédiaire de corporéité comme nécessaire à l’explication de la résurrection. Avant lui Henri de Gand avait soutenu la même opinion et saint Bonaventure voulait trouver dans les raisons séminales » le moyen d’expliquer la réapparition dans la matière des formes inférieures disposant cette matière, redevenue ainsi numériquement la même que celle abandonnée par l'âme au moment de la mort. Durand, s’inspirant du principe thomiste incontestable de l’unicité de forme dans le composé humain, rejette ces conceptions qui avaient amené leurs auteurs à enseigner la possibilité, au moins spéculative, d’une résurrection opérée sous l’action d’agents purement naturels. Aussi dans la q. ii, utrum aliquid corruplum possit per naturam idem numéro reparari, p. 870 6-881 a, il prend nettement position contre la restauration de cette identité dans l'être sous l’influence d’un agent naturel. L’agent naturel serait différent de celui qui, la première fois, aurait communiqué à la matière sa forme corporelle ; il faudrait donc que la nouvelle forme produite soit différente de la première tout au moins numériquement : quando aliquid dependel ab alio per se et ex necessilale, mulliplicalo eo, oportel ipsum necessarie mulliplicari. N. 7, p. 880 b. Cela posé, Durand reprend l’argumentation de Scot qui voulait démontrer, voir col. 2554, que l'âme raisonnable ne peut être réunie au corps que par Dieu. Si les agents naturels, dit-il, peuvent naturellement faire réapparaître la forme de corporéité, comme ultime dis-