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RÉSURRECTION. PROBLÈMES PRINCIPAUX


Saint Thomas, tout en concédant la convenance de la résurrection, déclare que le corps n’étant qu’en puissance passive par rapport à son union avec l’âme, ne saurait être naturellement disposé à se réunir à elle : une telle disposition ne peut être produite par la nature que d’une seule manière, déterminée par la génération ex semine. La résurrection doit donc être considérée absolument comme miraculeuse ; elle ne peut être dite naturelle que secundum quid, parce qu’elle a pour terme une vie naturelle restaurée. Suppl., q. lxxv, a. 3.

Saint Bonaventure apporte ici quelques précisions intéressantes. Trois choses, dit-il, sont à considérer dans la résurrection : la reconstitution du corps de ses cendres, et ceci est contre la nature ; l’union de l’âme au corps reconstitué, et ceci est selon la nature ; la perpétuité de cette nouvelle union, et ceci est au-dessus de la nature. D’où, prise dans son ensemble, la résurrection n’est pas naturelle. Faut-il dire que les cendres humaines conservent une tendance à la reconstitution du corps qu’elles ont jadis formé ? D’aucuns l’ont soutenu, mais à tort : cette « tendance » n’existe pas naturellement et n’est rendue aux éléments dissous du corps humain que par la divine Providence qui réintroduit dans l’élément matériel du composé humain la disposition positive nécessaire à l’union avec l’âme. In /V™ Sent., dist. XLIII, a. 1, q. v, concl. 6.

Duns Scot répond, plus subtilement, que la raison humaine ne saurait démontrer ni la réalité, ni la nécessité d’une résurrection future. Pour établir semblable démonstration, il faudrait prouver au préalable trois points : que l’âme intellective est la forme du corps, qu’elle est rigoureusement et réellement immortelle, qu’elle exige de nouveau l’union avec le corps qu’elle anima autrefois. Or, de ces trois propositions, la première seule s’impose avec évidence ; la seconde est très probable et la troisième n’est pas certaine du tout. In 7Vum Sent., dist. XLIII, q. H, n. 11-13. Cette dernière réponse permet à Scot de déclarer avec les autres théologiens qu’en fait la résurrection ne peut être réalisée que d’une manière surnaturelle et par la vertu divine ; mais elle lui permet d’envisager la possibilité d’une coopération de certaines causes secondes à la résurrection. Voir plus loin.

Pour Durand de Saint-Pourçain, dont la théologie de la résurrection mérite une attention toute particulière, il nie d’une façon absolue que la résurrection puisse naturellement s’expliquer : rien de ce qui est corrompu ne peut être naturellement réparé. In /Vum, dist. XLIII, q. n. Mais il est nécessaire, pour expliquer la résurrection, d’admettre la permanence d’éléments essentiels, sur lesquels s’appuiera la puissance divine, car il est impossible à Dieu lui-même de restaurer un être soit permanent, soit mobile dont tous les éléments essentiels seraient disparus. Ibid., q. m. Cette assertion, en ce qui concerne les êtres permanents, n’est admise ni par saint Thomas, Quodl., IV, q. iii, a. 5, ni par saint Bonaventure, dist. XLIII, q. i, n. 4.

2. Causalité divine dans la résurrection.

Tous les sententiaires sont d’accord pour affirmer que la cause efficiente principale est le Christ, considéré dans sa divinité qui lui est commune avec le Père, ou mieux la Trinité elle-même. Cf. S. Thomas, Suppl., q. lxxvi, a. 1 ; S. Bonaventure, dist. XLIII, a. 1, q. vi, concl. Mais le Christ, comme homme, étant notre médiateur vis-àvis de Dieu, il a été convenable qu’il effaçât notre mort par la sienne et que, par sa résurrection, il nous fît jouir d’une résurrection éternelle. Ainsi sa propre résurrection est à la fois cause instrumentale efficiente et cause exemplaire de la résurrection des hommes. L’effet de la résurrection du Christ sur la nôtre ne se produira d’ailleurs qu’au moment déterminé par la Providence divine. La résurrection du Christ est cause exemplaire

de la résurrection de tous les hommes sans exception, tous devant ressusciter pour une vie immortelle ; mais la résurrection glorieuse des élus sera un point particulier de ressemblance plus parfaite. Loc. cit., corp. et ad lum, ad 4um. Saint Bonaventure ajoute un trait ; l’exemplarisme de la résurrection du Christ consiste surtout en ce que, dans la résurrection du Christ, notre chef, celle des membres est déjà commencée, ébauchée. Loc. cit., n. 6. Les autres théologiens sont substantiellement d’accord. Cf. Alexandre de Halès, Summa, part. III, q. xx, memb. 2, a. 1-6 ; Duns Scot, In IVum Sent., dist. XLIII, q. v, n. 7 ; Albert le Grand, ibid., q. 4, 5, 26 ; Pierre de Tarentaise, ibid., a. 4 ; Bichard de Médiavilla, ibid., a. 3, q. m.

La philosophie très spéciale de Scot sur la forme de corporéité, voir plus loin, col. 2561, et sur la possibilité d’une coopération des forces naturelles à la reconstitution du corps, oblige ce théologien à préciser la raison pour laquelle, en fait, seule la vertu divine interviendra comme cause de la résurrection. L’âme raisonnable ne peut être réunie au corps que par Dieu et la forme de corporéité sera elle-même reproduite par Dieu dans la matière corporelle en raison de l’instantanéité de la résurrection, qui ne peut convenir à une cause de vertu limitée. Reporlala Paris., t. IV, dist. LXIII, q. iii, n.21 ; q. v, n. 4-9.

3. Causalités accessoires dans la résurrection.

Il s’agit surtout d’expliquer I Thess., iv, 15, le son de la trompette, signal de la résurrection, que le Maître des Sentences rapproche de Joa., v, 28, pour en faire la voix du Christ. Il s’agit aussi d’expliquer le rôle que pourront jouer les anges.

a) Pour saint Thomas, la trompette, c’est la voix même du Fils de Dieu qui annoncera la résurrection ou bien, selon une autre interprétation moins littérale, c’est l’apparition même de Jésus-Christ comme juge. Cette apparition est dite une voix, comme la voix du héraut qui cite à un tribunal, ou encore une trompette, soit à cause de son éclat, comme le suppose le Maître des Sentences dans la dist. XLIII, soit en raison des rapports qu’elle a avec l’usage de la trompette sous l’ancienne Loi. Suppl., q. lxxvi, a. 2.

Saint Bonaventure explique que les morts ressusciteront d’abord pour entendre cette voix, bien que le texte de saint Jean semble affirmer qu’ils l’entendront encore au tombeau. La voix du Christ n’aura pas une causalité proprement dite à l’égard de notre résurrection ; elle en marquera simplement l’accomplissement par la vertu infinie de Dieu. Dist. XLIII, a. 1, q. vi, concl. n. 4.

Les explications theologiques ultérieures sur ces métaphores ont bien été résumées par Suarez, De mysleriis vitse Christi, disp. L, seet. IV. Nonobstant l’interprétation purement métaphorique proposée dans le Supplément de la Somme, Suarez veut que la voix du Christ se fasse entendre d’une façon sensible, comme saint Thomas lui-même l’a enseigné dans son Commentaire sur Saint-Jean, c. v, lect. 5. Voix articulée, dit D. Soto, 7n /V"™ Sent., dist. XLIII, q.i, a. 4. Toutefois, il semble raisonnable de concéder que le Christ n’émettra pas lui-même ce son articulé, mais que la voix qu’il fera entendre sera le résultat d’un mouvement puissant se produisant dans l’air, peut-être par le ministère des anges. Suarez, op. cit., sect. iv. Cette interprétation serait confirmée par Matth., xxiv, 31 ; I Cor., xv, 52 et I Thess., iv, 15, dont le rapprochement semble indiquer que la voix de l’archange sera le son de la trompette. A la fin de la section, Suarez cherche à expliquer comment cette voix du Christ pourrait être vraiment cause de la résurrection.

b) D’ailleurs, tout en acceptant aussi cette interprétation dans l’art. 3, saint Thomas indique que les anges concourront encore à la résurrection en réunissant les cendres dispersées et en les préparant pour