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RÉSURRECTION DES MORTS. LA THEOLOGIE


dix siècles, le dogme de la résurrection de la chair trouvait encore, au ixe siècle et dans les siècles suivants, des contradicteurs. Jonas d’Orléans intercale tout un chapitre, le c. xvi, dans son De insliiutione laicali, pour répondre à ces détracteurs, P. L., t. cvi, col. 265. Mabillon signale qu’au xe siècle, un certain Walfrid aurait attaqué ce dogme. Prsefaliones et dissertaliones, Trente, 1724, Præf. in ssec. v ord. S. Benedicti, § 3, p. 407408. Au xi° siècle, l’usage de la dialectique dans les écoles devait fatalement occasionner, contre la possibilité de la résurrection, de vives attaques d' ordre philosophique. Manegold de Lautenbach nous en avertit expressément dans son Libellas adversus V olfelmum, c. xxii, P. L., t. et v, col. 170. C’est vraisemblablement la raison pour laquelle un certain nombre de conciles de cette époque prescrivent aux évêques et aux clercs d’inculquer ce dogme aux fidèles. Cf. concile de Mayence de 847, c. ii, dans Mon. Germ. hisl., Capitularia, t. ii, p. 176. Voir d’autres textes dans Mon. Germ. hisl., Concil., t. ii a, p. 200.

Les théologiens, de leur côté, s’en tiennent à l’affirmation traditionnelle : nous devons tous ressusciter, à la fin du monde, avec les mêmes corps que nous aurons eus en cette vie. Voir : Alcuin, De fide sanctæ et individus Trinitatis, t. III, c. xx, P. L., t. ci, col. 52 ; Raban Maur, In Ezech., I. XIII, c. xxxvii, P. L., t. ex, col. 862 ; In Eccl., t. X, c. ii, t. cix, col. 1083-1084 ; et les commentaires in I Cor., c. xv, t. cxii.col. 137 sq. ; voir aussi De fide catholica rylhmo carmen composilum, strophes 79 et 80, dans Mon. Germ. hisl., Poet. lat. Medii JEvi, t. ii, p. 202 ; Paschase Radbert, Expos, in Matth., t. XI, c. xxiv, P. L., t. cxx. col. 816, et De corpore et sanguine Domini, c. xi, ibid., col. 1310 ; Walafrid Strabon, dans la Glossa ordinaria, In Tob., c. IV, ꝟ. 3 ; In Apoc., c. xx, ꝟ. 13, P. L., t. cxiii, col. 727 ; t. exiv, col. 745 ; Rémi d' Auxerre, Expos, in Apoc., c. xx, ꝟ. 13 (dans les œuvres d’Haymon d’Halberstadt), P. L., t. cxvii, col. 1192 ; Expos, in I Cor., c. xv ; Ad Phil., c. iii, ꝟ. 21, ibid., col. 600 sq., 749 ; Atton de Verceil, Expos, in I Cor., c. xv, P. L., t. cxxxiv, col. 404 sq. ; S. Rruno, Expos, in I Cor., c. xv ; in I Thess., c. iv, P. L., t. cliii, col. 204 sq., 408.

Le xiie siècle pourrait fournir maints témoignages en faveur d’une croyance si fermement tenue. Abélard n’a aucune hésitation sur ce point et se réfère à la doctrine et aux comparaisons de saint Grégoire le Grand. Inlrod. ad theologiatn, t. II, § 3 ; cf. Ad virg. Paracl., serm. xmetserm.xvi.P.L., t.cLxxviii, col. 1050, 488, 499. Bien qu’ils n’aient rien écrit ex professo sur le sujet, saint Anselme et saint Bernard peuvent être invoqués comme des témoins de la foi de l'Église, le premier dans YHomil. vi de transfiguralione, P. L., t. clviii, col. 607, le second dans le sermon In die sancto Paschæ P. L., t. clxxxiii, col. 278. Le disciple de saint Anselme, Eadmer, affirme la résurrection à propos de

I Cor., xv, 52 dans le Liber de bealitudine cieleslis patriæ, c. ii, P. L., t. clix, col. 589. L'émule de saint Bernard, Pierre le Vénérable, invoque le dogme de la résurrection pour justifier le culte des reliques. Serm., iv, P. L., t. clxxxix, col. 998 sq.

Il est étonnant qu’Hugues de Saint-Victor, à qui nous devons le premier traité d’eschatologie, voir ici t. vii, col. 283, n’ait dit que quelques mots personnels sur la résurrection, De sacramentis, t. II, part. XVII, c. xiii, où il se réfère surtout à Augustin et à Grégoire le Grand, P. L., t. clxxvi, col. 601 sq. Cf. S. Augustin, Enchiridion, c. lxxxiv, P. L., t. xl, col. 272 ; S. Grégoire, Moralium, t. XIV, c. lv-lvi, P. L., t. lxxv, col. 1076-1077. Honorius Augustodunensis, vulgairement appelé Honoré d’Autun, semble plus personnel.

II esquisse une explication de la transformation glorieuse des corps par une sorte de spiritualisation. Voir ici t. vii, col. 156. Mais ce qui est étrange, c’est qu’il

DICT. DE THÉOL. CA.THOL.

étend cette spiritualisation aux corps des damnés : Post ullimam resurrectionem, omnium hominum sive bonorum sive malorum corpora erunt spiritualia et nihil poslea corporale erit, cum Deus omnia in omnibus erit ut lux in aère, ut jerrum in igné. Est-ce donc une sorte de résolution cosmique dans le sein du grand tout ? Interprétation possible, probable même, mais en partie cependant infirmée par l’expression manente propria subslanlia qui précède. Cf. Endres, Honorius Augustodunensis, Kempten et.Munich, 1906, p. 152. On se rappelle que saint Jérôme lui-même avait admis que les corps glorifiés seraient spiritualisés et ressembleraient aux anges sans perdre leur substance. In Isaïam, t. XVI, c. lviii, P. L., t. xxiv, col. 575. Voir ci-dessus, col. 2540.

Nous pourrions ainsi parcourir la liste innombrable des théologiens depuis le xine siècle jusqu'à nos jours et nous trouverions toujours le dogme affirmé par eux, dans les trois points où la foi est engagée : le fait d’une résurrection des morts — universelle — les morts reprenant les mêmes corps qu’ils auront eus en cette vie.

Présentation des arguments.

Au point de vue

dogmatique, le travail des théologiens a consisté à faire la synthèse des arguments proposés par les Pères en faveur de ce dogme. De toute évidence, l’argument contraignant ne peut être, en pareille matière, que l’argument d’autorité. Autorité de la sainte Écriture, tout d’abord ; autorité de la tradition des Pères, ensuite. C’est le double argument que l’on a développé ici même dans les parties II et III de cet article. On devra simplement observer que, sous la plume des théologiens, certains arguments scripturaires prennent, par la force même de la tradition qui les emploie, un sens dogmatique qu’ils n’ont peut-être pas littéralement. On doit faire cette observation principalement pour Job, xix, 25-27, et, à un degré moindre, pour Is., xxvi, 19, Ez., xxxvii, 1 sq., et Dan., xii, 1 sq. Sur cette interprétation dogmatique de Job, voir Knabenbauer, Commentarius in librum Job, Paris, 1886, p. 247 sq. ; Hurter, Theologiæ dogmaticce compendium, t. iii, Inspruck, 1903, p. 665-666.

Mais, en raison de l’introduction de la philosophie aristotélicienne dans l’exposé des dogmes, les théologiens ont développé considérablement l’argument de convenance, que les Pères n’avaient fait qu'ébaucher. Saint Thomas a présenté cet argument sous un triple aspect, aspect métaphysique, aspect moral, aspect surnaturel.

1. Aspect métaphysique.

L'âme est destinée à vivre unie au corps. Cette union est donc conforme à la nature humaine ; c’est donc un désir naturel de l'âme de retrouver son corps, une fois la séparation de la mort accomplie. Reprenant son corps, l'âme verra ce désir satisfait et, de plus, reconstituera la nature humaine dans son être complet. En bref, ce n’est qu’accidentellement et pour ainsi dire contrairement aux exigences de la nature, que l'âme peut vivre séparée du corps. Il est donc de toute convenance, au simple point de vue philosophique, que l'âme ne demeure pas perpétuellement séparée du corps ; son immortalité réclame en quelque sorte la résurrection corporelle. Cf. S. Thomas, Compendium theologiæ, c. cli ; Cont. genl., t. IV, c. lxxxix ; In 7Vum Sent., dist. XLIII, q. i, a. 1, qu. 1-3 (Suppl., q. lxxv, a. 1).

2. Aspect moral.

Cet argument développe sur le plan moral la raison tirée du désir que l'âme possède de retrouver son corps : la possession du corps ressuscité complétera et parfera le bonheur de l'âme. Suppl., q. lxxv, a. 1. Et c’est toute justice. Saint Thomas reprend ici l’argument maintes fois invoqué parles Pères : « L'âme, dit-il, est au corps non seulement ce que l’agent est à l’instrument, mais encore ce que la forme

T. — XIII.

il.