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H INSTITUTION. COMMENT RESTITUER

Vermeersch, op. cit., n. 678. Si le propriétaire n’est pas connu, il est préférable d’attribuer les biens incertains à l'Église ou aux pauvres que de satisfaire à l’aide de ces biens incertains aux obligations dues à des créanciers certains, puisque à l'égard de ceux-ci il faut s’acquitter avec des biens propres et non étrangers. Laymann, Theologia moralis, t. III, tract, ii, c. xi, n. 1 ; Lugo, disp. XX, sect. i, n. 3.

2e principe. — Les dettes réelles passent avant celles qui sont personnelles, même si celles-ci sont antérieures. Les dépôts, les gages, les trouvailles, ce qui a été accepté de bonne foi ou acquis malhonnêtement et tout ce qui existe encore réellement chez le débiteur et sur quoi le créancier a conservé son droit de propriété, est à restituer avant qu’il ne soit satisfait aux dettes personnelles. Cette règle vaut même si après cette action il ne reste plus rien pour les autres créanciers, car ceux-ci n’ont aucun droit sur des biens qui ne leur appartiennent pas. Lex Cum fundus, 31, Pandect., De rébus creditis ; S. Alphonse, t. III, n. 690. Si les biens ont été détruits ou consommés, et qu’il n’y ait plus que leur équivalent, le créancier n’a qu’un droit personnel.

Les dettes hypothécaires sont à assimiler aux créances réelles à moins que la loi du pays n'édicte des dispositions contraires. Dans l’hypothèque, en effet, ce n’est pas seulement le débiteur mais aussi la chose elle-même, qui a pour ainsi dire une obligation, du fait qu’elle est inchoative la propriété du créancier.

3e principe. — Les dettes qui sont la conséquence d’un délit n’ont pas la priorité sur celles qui ont été contractées justement à titre onéreux (achat ou vente). Quant à leur acquittement elles sont toutes sur le même plan. Sans doute, le créancier lésé dans un délit supporte une offense malgré lui, tandis que celui qui a des dettes contractuelles a voulu son état. Remarquons-le cependant, l’obligation de justice ne naît pas d’une plus ou moins grande répugnance que le créancier aurait pour le débiteur, mais de la lésion d’un droit appartenant à autrui. Une dette loyale n’oblige donc pas plus qu’une autre déloyale ; elles sont à mettre sur le même plan. Vermeersch, Principia, n. 678 ; Lugo, loc. cit. n. 36 ; Lacroix, Theologia, moralis, t. III, part. II, n. 379.

4e principe. — Les créances dues à titre onéreux sont à acquitter avant celles qui ne sont promises que gratuitement.

b) Application pratique. — La difficulté est de savoir quelles dettes doivent d’abord être restituées : celles qui ont été contractées les premières dans le temps, ou les dernières. Toute solution doit s’inspirer des lois civiles et des coutumes locales, qui règlent ces situations. Parmi les créanciers on donne ordinairement la priorité à ceux qui sont les premiers dans le temps, mais pas obligatoirement en dépit de la règle de droit : Qui prior est tempore, prior est jure. Reg. 54, De regulis juris, in VI. Le créancier, malgré l’antériorité temporelle de son dû, n’a qu’un droit égal à celui des autres créanciers de sa catégorie. Parmi ceux qui sont dans le même degré quant à la restitution on peut préférer celui qui le premier a réclamé sa créance en justice et a obtenu une décision favorable. S’il n’y a aucune demande en justice, celui qui exige le premier de son débiteur d'être réglé passe avant les autres même s’il est le dernier dans le temps. Lacroix, t. III, part. II, n. 404 ; Lessius, De justifia et jure, c. xv, dub. v, n. 41.

La préférence est donc possible mais elle ne semble pas devoir être considérée comme obligatoire. C’est pourquoi Wouters écrit : Per accidens tamen creditor pelens solutionem videtur posse præferri, quia ita fert consuetudo in commercio probata. Op. cit., n. 1012, p. 666.

Dans les différentes catégories de créanciers que nous avons établies, le débiteur doit payer intégralement ceux de la première catégorie avant ceux de la seconde. Dans chacune d’elles l’acquittement se fait au prorata du nombre des créanciers et conformément à la justice et à l'équité, compte tenu des droits de la famille, de l’amitié et de la charité. S. Alphonse, t. III, n. 688, n. 690-093.

c) Les créances privilégiées. — Dans la pratique, l’ordre dans lequel il faut restituer aux créanciers s'établit d’après les lois régionales. Si le droit civil ne dit rien, on s’en remet aux dispositions formulées par les auteurs anciens, encore acceptées de nos jours. Jouissent du privilège de l’antériorité : a. Les dépenses de funérailles. — Lex Impensa funeris 11, Pandect., De religiosis et sumptibus funerum : « Impensa funeris semper ex hæreditate deducitur, quæ cliam omne creditum solet præcedere, cum bona soluenda non sinl. »

b. Les frais de pharmacien, de médecin et de chirurgien, contractés pendant la dernière maladie uniquement et non pas celles qui ont pu précéder. Car si ces dettes n’avaient pas la priorité, les médecins et les chirurgiens, dans la crainte de ne pas être réglés, en arriveraient à refuser leurs services et les pharmaciens à ne plus fournir les remèdes. Lex In restituenda 1, Cod., De petitione ha>reditatis ; Lex Lcgalum 3, Cod., De religiosis et sumptibus funerum.

c. Les frais d’héritage, occasionnés pour la confection de l’inventaire, l’ouverture du testament et pour tout ce qui est nécessaire pour entrer en possession du patrimoine. Si ces créances ne passaient pas avant les autres, tout le monde risquerait d'être lésé, vu que souventles héritiers demeureraient des débiteurs insolvables. Lex Sancimus 32, § 9, Cod., De jure deliberandi ; Lex Hujus 6, Pandect., Qui potiores in pignore.

d. Les créanciers personnels privilégiés sont : <x) l'État : Lex Bonis venditis 38, Pandect., De rébus auctoritatc judicis possidentis seu de privilegiis creditorum : « Respublica creditrix omnibus chirographariis creditoribus prœfertur » ; — 3) la fiancée, par rapporta sa dot, lorsque le mariage ne se fait pas : Lex Qusesitum 17, Pandect., eodem § : « Si sponsa dédit dolem. et nuptiis renuntiatum est, lametsi ipsa dolem condicit, tamen œquum est hanc ad privilegium admitti, licet nullum matrimonium contractum est » ; — y) celui qui dépose de l’argent dans un dépôt garanti par l'État, etc. Lex Si ventri 24, Pandect., eodem § 2 : In bonis mensularii vendenlis post privilégia potiorem eorum causam esse placuit, qui pecunias ad mensam fidem publicam secuti deposuerunt ; sed enim qui depositis nummis usuras a mensulariis acceperunt, a cœteris creditoribus non separantur, et merito, aliud est enim credere et aliud deponerc. »

3° Comment doit se faire la restitution ? — La restitution se fait : 1. Secrètement ou publiquement ; 2. Par le débiteur lui-même ou par un intermédiaire.

1. Secrètement ou publiquement.

Il est requis que

la justice violée soit réparée à l'égalité ad œqualilatem. Le mode de la restitution importe peu, l’essentiel est que le propriétaire rentre dans son bien et qu’il s’en aperçoive. Cela même n’est pas absolument nécessaire mais utile, pour éviter que le débiteur ne subisse de sa part une compensation occulte. Une donation simulée satisfait, c’est l’opinion plus probable, à l’obligation de justice. Wouters, t. i, n. 1016..Mais si, dans ce cas, le créancier croyant recevoir un bienfait faisait lui-même en retour un don au débiteur, celui-ci contracterait une nouvelle obligation de restituer ; à moins que le cadeau soit de faible valeur.

La restitution due à la suite d’un délit occulte se fait d’une manière occulte. Le confesseur y a recours pour éviter l’infamie de ses pénitents. Voir S. Thomas, IIa-IIæ, q. lxii, a. 6, ad 2um oii il affirme expressément : homo etsi non teneatur crimen suum detegere hominibus,