Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.2.djvu/536

Cette page n’a pas encore été corrigée
2485
248
RESTITUTION. C OP É R ATEURS

C

certain que ceux qui donnent leur voix les premiers, avant que ne soit atteint le minimum requis pour la majorité suffisante, doivent réparer, car ils sont causes efficaces, même s’ils prévoient que les autres consentiront au même vote. Quant à ceux qui donnent leur voix, alors que la majorité est déjà acquise, ils y sont probablement tenus aussi, car leur sentiment forme un tout avec celui des premiers électeurs, étant entendu que ceux-ci ont tout loisir de rétracter leur vote, jusqu’au moment où le dernier est émis. Ils sont donc tous des causes efficaces. Vermeersch, t. ii, n. 664 ; Carrière, Praslecliones (heologicæ majores de jusiilia et jure, t. III, n. 1188 ; Tanquerey, Synopsis theologiæ moralis, 9e éd., t. iii, n. 528.

Cependant si les premiers votants n’avaient pas le droit de se rétracter après coup, l’action dommageable serait moralement posée au moment où est atteinte la majorité nécessaire. C’est pourquoi les voix qui s’y ajouteraient n’auraient plus d’efficience et ceux qui les ont données ne sauraient être obligés de réparer quoi que ce soit.

Si le vole est négatif. — Le consentement pourrait exister également dans une attitude négative : tel le refus de voter pour que de cette façon l’action damnilicatrice soit posée. A cause du consentement indirect donné par l’abstention et du concours ainsi assuré à une action injuste, il y aurait lieu d’imposer le devoir du dédommagement.

Des différentes attitudes qui viennent d'être étudiées, il ressort que l’obligation théorique de restituer existe souvent dans l’hypothèse que nous étudions ; mais pratiquement elle ne se vérifie qu’assez rarement, parce qu’elle est difficile à préciser. Elle peut d’ailleurs cesser s’il y a révocation plausible.

d) Le flatteur. — Il faut entendre par là tous ceux qui, par la flatterie, les louanges intéressées, les blâmes, les reproches et les excitations diverses, essaient d’exploiter la faiblesse ou la timidité de certaines personnes pour les amener à nuire à autrui par des actes injustes ou à les empêcher d’acquitter leurs devoirs de justice.

Si le flatteur est véritablement cause efficace de la damnification et s’il a prévu, au moins d’une manière confuse, les conséquences de son action, il pèche contre la justice et en conséquence est obligé à la restitution au même titre que ceux qui ont donné des conseils impulsifs motivés. Seule une révocation en règle ferait cesser l’obligation. Cf. S. Alphonse, t. III, n. 567.

e) Le receleur est celui qui offre un refuge à un malfaiteur et le protège, qui conserve les instruments du larcin, achète le fruit du vol et le garde, ou qui assure les commodités pour que l'œuvre injuste puisse être accomplie. Par ces différentes façons, le receleur influe efficacement sur le dommage qui va être causé ou empêche que le tort injuste ne soit compensé.

Mais ne sont pas à considérer comme receleurs ceux qui reçoivent les délinquants à titre professionnel, d’amis, de charitable hospitalité, ou sous l’influence d’une crainte grave, car ils sont censés alors ne pas agir efficacement dans la production du dommage. S. Alphonse, t. III, n. 568. Il en serait de même de ceux qui, après que le larcin a été commis, sans leur influence, ont permis au voleur de s’enfuir, pourvu que celui-ci ne soit pas de cette façon incité à commettre impunément d’autres torts.

L’avocat, par exemple, n’est tenu à restituer que dans les cas où, au civil, défendant le coupable, il s’oppose à ce que le juge l’oblige à réparer. Mais si, au criminel, il parvient par ses plaidoiries à éviter la condamnation de son client, il ne saurait être blâmé ; il est loisible, en effet, à celui qui a péché de faire les efforts nécessaires pour échapper à toute punition temporelle. L’avocat fera cependant le nécessaire pour que le coupable ne trouve pas motif dans sa

DICT. DE THÉOLOGIE.

libération d’aller à de nouveaux vols ou de conserver ce qu’il a dérobé.

f) Les participants. — Il faut distinguer ici ceux qui participent au partage du bien dérobé « in re » ou « in præda » et, d’autre part, ceux qui ont apporté leur collaboration dans l’action injuste « in crimine ».

a. Participants « in re ». — Si le participant réel est de mauvaise foi et sait que le bien qu’il reçoit est le fruit d’une action peccamineuse, il est de son devoir de le rendre in re s’il existe encore, ou sous une forme équivalente s’il est détruit, bien qu’il n’en soit pas devenu plus riche. S’il a reçu le butin de bonne foi, croyant qu’il provenait de son maître légitime, il est tenu, s’il l’a encore, de s’en défaire, ou de payer au propriétaire ce par quoi il en est devenu plus riche, s’il l’a consommé ou détruit pour son utilité personnelle. Le participant au butin est donc à mettre suite même pied que le possesseur de bonne ou de mauvaise foi. (Voir plus haut pour de plus amples détails.)

b. Participants « in crimine ». — Ce sont ceux qui donnent leur concours au malfaiteur, l’accompagnent pour assurer sa défense, fournissent les instruments, transportent les échelles, façonnent les fausses clés, transportent le butin, etc. Ce sont aussi les notaires qui confectionnent les documents des usures ou les fausses pièces nécessaires pour tourner un testament et tous ceux qui, par une action injuste et intrinsèquement mauvaise, concourent, comme coopérateurs efficaces, à l’action damnifleatrice.

La restitution qui incombe aux participants est à déterminer d’après le concours apporté. Celui-ci est immédiat ou médiat.

Coopération immédiate. — Si le dommage commis est la conséquence d’une action injuste intrinsèquement mauvaise et théologiquement coupable, la restitution est certaine et toujours obligatoiie à moins de circonstances spéciales. Ici il y a violation d’un précepte négatif, dont la seule excuse est le droit de nécessité. Cette participation existe lorsqu’un individu apporte son appui, par exemple, dans un assassinat ou un crime homicide. S. Alphonse, t. III, n. 556.

La crainte d’un danger imminent rend-elle licite la coopération immédiate ? Même si l’action de l’agent principal est mauvaise, la coopération est licite dans la mesure où en peut être enlevée la raison d’injustice. Cela arrive si le propriétaire consent certainement à subirle préjudice, ou si, compte tenu de toutes les circonstances et du bien public, il est obligé de prendre cette attitude. Eu vertu de ce principe général, il n’est pas permis de coopérer directement et immédiatement à un homicide, à un assassinat, même pour sauver sa propre vie, ni même à une injuste mutilation d’autrui, à moins que ce ne soit le seul moyen d'échapper soimême à la mort ; dans ce dernier cas l’action posée est licite, puisqu’elle n’a pas en vue une damnification, mais le salut personnel.

En vertu de l’axiome melior est conditio possidenlis, il est illicite aussi de coopérer immédiatement à une action nuisible à la fortune d’autrui, sous prétexte de s'épargner, à soi-même, un dommage analogue. La coopération serait permise, cependant, si le propi iétairc est présumé y consentir, si le participant a l’intention et est à même de réparer, si le préjudice doit être supporté par ceux qui exigent la collaboration, même si celle-ci n’est pas donnée, ou si le mal imminent qui menace le coopérateur est très grave et le mal à supporter par le propriétaire léger. En toutes ces hypothèses, avant de décider, il importe de consulter le sentiment des hommes prudents. S. Alphonse, t. III, n. 571.

Coopération médiate. — Si l’action posée par le complice est indifférente et ne devient mauvaise que par suite de l’aide qu’elle apporte à une intention vicieuse

T. — XIII.

79.