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RÉSERVE. IGNORANCE ET RÉSERVE


un grave inconvénient pour le pénitent. Le péril de violer le secret sacramentel existera si, vu les circonstances, il est à craindre que le supérieur auquel on devra recourir (et cela suppose qu’il n’y en a pas d’autre à portée) ne découvre l’identité du pénitent. Mais il va de soi que le pénitent ne saurait arguer de la violation du secret si lui-même allait trouver le confesseur privilégié et par là s’exposait à des soupçons. Il faudrait voir alors si, dans ce cas, cette démarche constituait pour lui le grave incommodum dont nous allons parler ; car on ne pourrait faire au pénitent une obligation de recourir, le simple confesseur se trouvant compétent dans de telles conjonctures. L’appréciation du grave dommage ou du lourd inconvénient, laissée au jugement du confesseur, sera parfois chose assez délicate : il y aura lieu de tenir compte des circonstances ambiantes aussi bien que des dispositions du pénitent. Le grave inconvénient sera facilement réalisé dans les conjonctures suivantes : par exemple dans le cas d’une confession faite au moment d’un départ pour un lointain voyage, à la veille d’une fête où le pénitent a coutume de communier et ne pourrait s’abstenir sans danger d’infamie ou de scandale ; s’il y aune difficulté particulière pour le pénitent à revenir trouver son confesseur, ou s’il lui est vraiment dur de rester en état de péché mortel (dans certains cas trois jours, un jour ou même moins, selon l'état d'âme).

Une cause suffisante serait aussi, semble-t-il, le dommage spirituel du pénitent : si l’on redoute que le fait de différer l’absolution l’indisposera au point qu’il s'éloigne irrité et ne revienne plus. A noter encore que le recours au supérieur compétent sera jugé très difficile et même moralement impossible toutes les fois qu’il ne pourra être fait par les voies ordinaires, c’està-dire de vive voix ou par lettre. L’emploi du télégraphe, téléphone (dont d’ailleurs il ne faut user qu’avec les précautions requises) n’est jamais obligatoire.

e. Enfin, la réserve étant territoriale, elle cesse hors du territoire de celui qui l’a portée, même si le pénitent en est sorti aux fins de recevoir l’absolution. Il semble que cette disposition législative n’intéresse pas le péché réservé ralione sui au Saint Siège, car la juridiction du souverain pontife est universelle ; qu’on n’oublie pas cependant que, dans sa partie disciplinaire et sauf indication contraire, le Code ne concerne que l'Église latine ; or aucune déclaration n’est intervenue pour étendre à l'Église orientale la réserve des péchés.

C’est surtout à propos des cas épiscopaux que cette disposition favorable du Code peut trouver une application plus fréquente. Le dernier paragraphe du canon 900 tranche définitivement une controverse longtemps élevée entre les auteurs sur la validité de l’absolution obtenue par la sortie du territoire in fraudent legis ; c'était déjà le sens de l’Instruction du SaintOffice du 13 juillet 1916, Acta ap. Sedis, t. viii, p. 315, laquelle allait à rencontre de l’ancienne discipline remontant à Clément X : la constitution Saperna, 21 juin 1670, statuait que l’absolution devait être refusée aux pénitents qui venaient se confesser hors de leur diocèse pour esquiver la réserve. Mais il va de soi qu’aujourd’hui encore, le même péché ne devra pas être réservé dans le territoire où se rend le pénitent, car alors les confesseurs non privilégiés seraient dépourvus de juridiction à son égard.

Dans tous les cas ci-dessus énumérés (d’après le canon 900), la réserve étant sans effet, il est hors de doute que l’absolution des péchés est directe. Il ne semble pas, quoi qu’en dise Ferreres, Theol. mor., t. ii, n. G79, que l’on puisse, en dehors de ces cas, absoudre le pénitent indirectement, en lui enjoignant ensuite de recourir comme s’il s’agissait de censures. Cf. ca non 2254. Le Code fait la distinction entre la réserve du péché et celle de la censure, canon 893, § 3 ; si le pénitent ne se trouve pas dans un des cas où la réserve cesse véritablement — et ces cas sont assez extensibles — il se trouvera dans la situation de celui qui n’a à sa disposition aucun confesseur.

7. Ignorance et réserve. — Il nous reste à traiter une question importante : celle de l’influence del’ignorance sur la réserve des péchés. Cette réserve des péchés admet-elle comme excuse l’ignorance ou le bas-âge (minor œtas) des coupables ? Quelle que soit l’opinion que puissent professer à rencontre certains auteurs de moins en moins nombreux, il faut répondre négativement à la question posée. La réserve est en effet, de par sa nature, une limitation de la juridiction du confesseur ; ce n’est qu’indirectement qu’elle a un caractère pénal pour le pénitent, en obligeant à recourir à un confesseur privilégié qu’il n’a pas toujours à sa portée ; mais ce caractère n’est que secondaire et l’ignorance ou toute autre cause ne saurait être invoquée pour excuser de la réserve comme s’il s’agissait d’une peine. La chose n’est plus douteuse depuis la décision de la Commission d’interprétation, 24 novembre 1920, Acta ap. Sedis, t.xii, 1921, p. 575, déclarant que les voyageurs, les étrangers de passage dans un territoire, sont soumis aux réserves de ce territoire ; la plupart d’entre eux cependant ignorent ces réserves. Le législateur a montré nettement par là le caractère qu’il entend donner à la réserve : elle n’est pas tout d’abord une pénalité pour les délinquants, mais avant tout une limitation de juridiction, atteignant les confesseurs eux-mêmes.

On a essayé de faire valoir, en faveur de l’opinion contraire, le texte de la constitution de Benoît XIV, Sacramentuni pivnitentiiv, qui, en instituant la réserve du péché de dénonciation calomnieuse, canon 894, emploie des termes où apparaît le caractère pénal et médicinal de la mesure en question ; d’où par conséquent la possibilité d’admettre l’excuse de l’ignorance. Il est vrai que les paroles de Benoît XIY peuvent être interprétées dans le sens indiqué. Mais on voudra bien remarquer que le Code, qui seul fait loi en matière pénale, a précisément frappé la fausse dénonciation d’une double réserve, celle du péché ratione sui et celle de l’excommunication qu’il y a ajoutée. Canon 2303. Si donc l’ignorance peut servir d’excuse à l’existence de la censure, can. 2229, elle ne change rien à la réserve du péché qui a un tout autre caractère. L’opinion du rédacteur de L’Ami du clergé, 1921, p. 538, 2e col., semble s’appuyer surtout sur des auteurs antérieurs au Code.

Pour les cas épiscopaux, la même règle s’applique en principe : l’ignorance n’en excuse pas, témoin la décision de la Commission d’interprétation, 24 novembre 1920, citée plus haut. On lait remarquer, et très justement, que le législateur particulier pourrait déclarer, décider que la réserve ne joue pas en cas d’ignorance de la part du délinquant. Dans cette hypothèse, la connaissance de la réserve serait mise comme une des conditions préalables de la réserve des cas ; tout de même que le supérieur est libre de décider par exemple que les impubères ne seront pas soumis à la réserve des péchés.

Mais ce sont là des dispositions particulières de la volonté du législateur ; leur existence doit être manifestée au moins implicitement (par exemple si un Ordinaire ou un prélat faisait enseigner ou laissait enseigner cette doctrine dans son grand séminaire) ; elles ne contredisent d’ailleurs en rien les principes généraux du droit en matière d’ignorance et de réserve des péchés. I lormis ces cas, il reste vrai que l’ignorance n’excuse pas de la réserve et il semble qu’on ne puisse plus tenir désormais comme probable, même « pour la