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RÉSERVE. CAS RÉSERVÉS, ORIGINE


durant leur absence ou durant leurs maladies. Voir art. Pénitence, t. xii. col. 796 sq., 801-809, et passim.

Lorsque la pénitence publique tomba en désuétude, l'évèquc continua à se réserver l’absolution des crimes particulièrement énormes, surtout s’ils avaient été publics et avaient fait scandale : Presbyleri de ignolis causis, episcopi de notis excommun icare est, ne episcopi vilescat potestas, dit le IIe concile de Limoges (1031). Hefele-Leclercq, Hist. des conciles, t. iv b, p. 958. La peur de laisser s’avilir leur autorité porta souvent les évêques à multiplier à l’excès les réserves. L’abus était particulièrement criant dans certains ordres religieux, au témoignage de Benoît XIV : cum sœculi x 7 initia nimium excreveril casuum reservatio, et prælerea abbales Curlhusienses eousque devencrinl, ul omnia suorum subdiiorum peccala gravia sibi reservaverirL De simodo diceces., t. V, c. v, n. 2.

Les iéserves épiscopales apparaissent moins dans l’histoire comme une diminution du pouvoir appartenant aux prêtres, que comme un reste de l’ancienne discipline qui réservait à l'évêque la réconciliation des pénitents.

Pour les réserves pontificales, la question se pose de façon un peu différente. D’après le sentiment de Benoit XIV, c’est dès le ixe siècle que l’on envoyait a Borne les grands pécheurs, les homicides en particulier, pour qu’ils fussent absous par le pape ; on les munissait à cet effet de lettres indiquant leurs méfaits ; parfins même le prêtre-confesseur allait lui-même à Borne pour mettre le Saint-Siège au courant du cas, De sijnodo diceces., t. V, c. iv, n. 3. Il semble qu’au début on ne distingua pas les cas réservés aux évêques et les cas réservés au pape.

C’est vers le même temps que l’on voit des évêques envoyer eux-mêmes des pénitents à Borne pour y recevoir l’absolution ; cette manière de procéder était considérée soit comme une aggravation de la peine, soit comme une pénitence supplémentaire qui devait rendre le coupable plus digne d’indulgence, soit enfin comme un moyen de partager les responsabilités sur les conditions à imposer pour l’absolution. Le bruit s'étant ainsi répandu que le pape accordait la remise de fautes graves et même d.e crimes énormes, il est probable que, plus d’une fois, certains pénitents s’en allèrent spontanément à Borne chercher, avec une absolution assurée, peut-être des conditions plus aisées. Le concile de Seligenstadt (1023) le constate déjà en son 18e canon : « Beaucoup sont assez insensés pour refuser la pénitence imposée à la suite de leurs fautes capitales, et préfèrent aller à Borne dans l’espérance que l’Apostolique (le pape) leur pardonnera toutes leurs fautes. Le concile ordonne d’accomplir d’abord la pénitence imposée ; ils iront ensuite à Borne, s’ils le veulent, avec une lettre de leur évêque. » HefeleLeclercq, op. cit., t. iv, 2e part., p. 924. Le concile de Limoges (1031) estime blâmable ce procédé.et se plaint de ce que de grands coupables, excommuniés, soient allés se faire absoudre à Borne en contrebande ! Sans doute le pape répondit-il en se plaignant à son tour de n’avoir pas été averti et d’avoir été trompé ; c’est pourquoi le concile décida que les pénitents n’iraient pas se faire absoudre à Borne sans avoir prévenu leurs évêques, mais que ceux-ci à leur tour avertiraient le pape : Nam, inconsulto episcopo suo, ab Aposlolico pœnitentiam et absolulionem nemini acciperc liect. Hardouin, Conciliorum collectio, t. vi, col. 891. Cf. HefeleLeclercq, op. cit., t. iv, 2e partie, p. 959. Voir aussi l’art. Pénitence, col. 895-899.

Jusqu’ici et dans beaucoup de textes semblables, même d'époque postérieure, on voit que ce sont les évêques qui envoient à Borne les coupables chargés des crimes les plus énormes, ou bien ce sont les pénitents eux-mêmes qui s’en vont trouver le pape pour

recevoir de lui l’absolution. Cf. Thomassin, Ane. et nouv. discipline, I re partie, I. II, c. xiii, n. 6-10. Mais ce n’est pas la réserve papale proprement dite, c’est-àdire révocation faite par le souverain pontife de certains cas à son tribunal, avec limitation de la juridiction des inférieurs. Nul doute cependant que ces recours à Borne dans les cas graves ou difficiles n’aient servi de fondement aux réservations pontificales dont on voit des exemples dès le xue siècle.

Le premier texte officiel et certain en ce sens est le fameux canon 15 du IIe concile du Latran (1139), qui passa dans le Décret de Gratien, caus. XVIII, q. iv, c. 28 : Item placuit ul si quis, suadente diabolo, hujus sacrilegii reatum incurril, quod in clericum vel monachum violentas manus injecerit, anathematis vinculo subjaceat : et nullus episcoporum illum præsumat absoloere, nisi mortis urgente periculo, donec aposlolico conspeclui prœsenletur, et ejus mandalum suscipiat… C’est, à quelques mots près (moins le urgente mortis periculo), le texte même du canon 10 du concile de Clermont de 11 30, repris pai le concile deBeimsde 1131 (can. 13). Cf. Hefele-Leclercq, op. cit., t. v a, p. 698-699 ; 730731. Quelques années après, un concile de Londres (1143) réservait également au pape l’absolution de ceux qui useraient de violence envers les églises, les cimetières et les clercs. Hardouin, Conc. collectio, t. vi b, col. 1233.

On peut noter que, jusque là, ce qui était visé par la réserve, c'était peut-être moins le péché en lui-même que le délit contre l’ordre social de l'Église et l’excommunication encourue. Le principe cependant était posé : le pape s'était réservé à lui-même l’absolution de certains cas. Le nombre de ces cas s’augmenta aux siècles suivants, à tel point que certains conciles et les assemblées du clergé du xi° siècle demandèrent au pape de rendre aux évêques les pouvoirs d’absoudre de l’hérésie et de réconcilier les hérétiques nombreux en France à cette époque. Thomassin, op. cit., I r « part., t. II, c. xiii, n. 8.

Pour rencontrer une réserve du péché pour lui-même, a l’exclusion d’une censure, il faut attendre la fin du xvie siècle. Sixte V, par la bulle Sanclum et salutare, 5 janvier 1589, s'était réservé l’absolution du péché de simonie commis dans la promotion aux ordres. La réserve fut rapportée par Clément VIII, 28 février 1596, dans la bulle Romanum Pontificem. Ce n’est qu’au milieu du xviiie siècle que Benoît XIV frappa de réserve le péché des personnes qui accusent faussement un confesseur du crime de sollicitation, bulle Sacramentum psenitentiee, 1 er juin 1741, réserve qui subsiste encore aujourd’hui. La S. l'énitencerie y a ajouté le 16 novembre 1928 le péché des confesseurs qui absolvent indûment les partisans obstinés de 1' « Action française ».

Signalons enfin qu’une instruction du Saint-Office, en date du 13 juillet 1916, est venue modérer les conditions dans lesquelles les Ordinaires peuvent se réserver des péchés. Les règles et dispositions contenues dans ce document sont passées à peu près intégralement dans le Code.

2. Auteur de la réserve.

Le pouvoir qu’ont les chefs de l'Église (le limiter la juridiction pénitentielle de leurs prêtres, en ne leur accordant pas le droit d’absoudre certaines fautes, ne saurait faire l’objet d’aucun doute. Le concile de Trente s’est exprimé clairement sur ce point, sess. xiv, c. 7, Denz.-Bannw., n. 903. Il a même défini comme de foi le droit de réserve des évêques : Si quis dixeril episcopos non habere jus reservandi sibi casus, nisi quand cxtvrnam politiam, atque ideo casuum reservationem non prohibere queminus sacerdos a reservatis vere absolvat, A..S'. Ibid., can. 11, Denz.-Bannw., n. 912.

Le Code spécifie que « ceux qui dans l'Église ont le