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RÉSERVE. CAS RESERVES, ORIGINE


établies par le Code ne leur fasse éviter un certain nombre d’actes juridiquement nuls.

II. Les cas réservés.

Généralités.

1. Nolion

de la réserve. — En matière pénitentielle, la réserve est l’acte par lequel le supérieur compétent évoque à son tribunal certains cas (péchés), limitant ainsi le pouvoir qu’ont les inférieurs d’absoudre. Cette définit ion, dont les termes essentiels sont empruntés au canon 893, restitue à la réserve son véritable caractère.

Celle-ci n’est pas, comme certains l’avaient prétendu, par elle-même et principalement une peine ; elle est avant tout une restriction ou limitation de juridiction, qui affecte directement le confesseur et seulement de façon indirecte le pénitent. Voilà pourquoi les étrangers sont soumis aux réserves particulières concernant les péchés, dans le territoire où ils sont de passage ; les confesseurs de ce territoire sont en effet dépourvus de toute juridiction à l’égard des péchés réservés dans le diocèse où ils exercent. Corn, interprél. du Code, 24 novembre 1920, Acla ap. Sedis, t.xii, 1920, p. 575.

La dénomination de cas réservés est par elle-même assez vague et se prête en fait à une signification assez élastique. Chez la plupart des auteurs, moralistes ou canonistes, elle est synonyme de péchés réservés. Mais, parce que les péchés peuvent être réservés par eux-mêmes ou en raison de la censure qui y est annexée, l’expression a bientôt englobé sous son extension les censures réservées aussi bien que les péchés réservés. Cf. Vermeersch-Creusen, Epilome juris canonici, t. ii, n. 175. Le Code lui-même n’ignore pas cette manière de parler : définissant, au canon 893, la réserve des cas, il nomme explicitement les censures aussi bien que les péchés, encore qu’il renvoie aussitôt après au 1. V pour ce qui concerne la réserve des censures. Dans les autres canons de ce c. n (t. III, tit. iv), l’appellation de cas réservés ne vise que les péchés selon le titre même donné au chapitre : De reservatione peccatorum. Cf. can. 897, 899 § 3, 900 et 883.

2. Bul de la réserve.

Il est avant tout disciplinaire et médicinal.

Disciplinaire, en ce sens que la réserve vise à extirper des abus ; en obligeant les coupables à recourir aux supérieurs qualifiés pour les absoudre, l’Église a pensé que ces confesseurs privilégiés seraient plus à même de juger des moyens les plus aptes à faire disparaître les fautes en question.

Médicinal aussi, et plutôt préventif que curatif, car les fidèles s’éloigneront avec plus de soin de péchés dont ils savent qu’ils obtiendront plus difficilement l’absolution. Le but pénal que certains auteurs veulent attribuer à la réserve, cf. Tanquerey, Synopsis Iheol. moralis, De pœnilentia, n. 447, c’est à-dire l’intention de punir une faute déjà commise, apparaît moins dans la réserve des péchés que dans celle des censures. Pour ces dernières, qui sont des peines, la réserve constitue une aggravation de la punition, four les péchés, la réserve joue dans un territoire particulier, même si la faute n’a pas élé commise dans ce territoire ; si la réserve élail une peine, elle serait injuste, car le délit n’ayant pas été commis sur le territoire du supérieur qui a porté la réserve, m par un de ses sujets, il n’aurait aucun titre à lui infliger une peine. Si donc le législateur a recherché un effet pénal, c’est seulement in obliquo ; son intention a été avant tout d’évoquer à un tribunal, supérieur à celui qui fonctionne d’ordinaire, les cas les plus graves et Les plus pernicieux pour les faire disparaître le plus sûrement et le plus rapidement possible.

3. Division des cas réservés. - l.es cas réservés peuvent l’être soit au souverain pontife, soit aux Ordinaires (évêques ou supérieurs religieux).

Quant au mode, les cas peuvent réservés de quatre

façons : a) en raison du péché lui-même et sans censure, ralionc sui et sine censura, par exemple le péché du prêtre qui absout indûment les partisans del’ « Action française » ; b) en raison du péché et avec censure, ratione sui et cum censura, par exemple la fausse dénonciation d’un confesseur, outre qu’elle est un péché réservé au Saint-Siège, est encoie frappée d’une excommunication spécialement réservée au même Saint-Siège, can. 893, 2303 ; c) ratione censurée, en raison seulement de la censure, c’est-à-dire lorsqu’un péché est frappé d’une censure qui empêche la réception des sacrements (excommunication et interdit personnel), « la réserve de la censure, dit le canon 2246, § 3, implique la réserve du péché auquel elle est annexée ». La réserve n’atteint donc le péché qu’indirectement et seulement par l’intermédiaire de la censure ; parce que celle-ci (excommunication, interdit personnel) empêche le coupable de recevoir l’absolution et que cette barrière ne peut être enlevée que par un supérieur compétent, le péché se trouve lié indirectement ; e) enfin un péché peut être frappé d’une censure même réservée, mais qui n’empêche pas la réception des sacrements. Dans ce cas, le péché pourra être absous par tout confesseur muni de pouvoirs ordinaires, la censure seule subsistant, firma censura, dit le canon 2250 ; si cette censure est réservée, il faudra recourir, pour la faire lever, au supérieur compétent ou à un confesseur privilégié.

On peut voir, d’après cette division, que la réserve des péchés et celle des censures, bien que pouvant porter sur un seul et même objet, jouent cependant d’une façon différente.

L’une et l’autre ont leurs conditions particulières et suivent leurs lois propres. Voilà pourquoi, pour plus de clarté, nous parlerons successivement des péchés réservés (ratione sui), puis des censures réservées, ainsi que fait le Code ; si les deux réserves atteignent la même faute, on appliquera les règles formulées pour l’une et l’autre. Faute d’avoir fait cette distinction, et pour avoir voulu appliquer au péché des notions qui ne convenaient qu’à la censure, beaucoup de moralistes ont confondu les conditions requises pour qu’un péché (commis) tombe sous la réserve, avec les conditions imposées par le Code pour qu’un péché puisse être réservé dans le droit particulier (anle (actum et spéculative loquendo).

Péchés réservés.

1. Aperçu historique. — Nous

laisserons de côté les affirmations de ceux qui ne voudraient voir dans la réserve des péchés, qu’une phase de la lutte entre les curés et les évêques, ceux-ci soustrayant certaines fautes à la juridiction des curés, afin de mieux affirmer la prédominance de leur ancien pouvoir épiscopal. La réalité apparaît tout autre si l’on veut bien se rappeler que le pouvoir des curés et des autres prêtres relativement à l’absolution des péchés dérive des concessions épiscopales : l’évêque fut originairement le premier confesseur de son diocèse et même durant quelque temps l’unique ministre de l’absolution. Lorsqu’il communiqua aux prêtres chargés des églises ou des paroisses, ses pouvoirs de juridiction, il était tout naturel qu’il n’inclût pas dans cette communication la faculté d’absoudre certaines fautes particulièrement graves et scandaleuses, dont l’amendement intéressait le bien public.

S’il faut en croire l’historien Socrates, llisl. ceci., 1. Y, c. xix, P. G., t. lxvii, col. 614, dès le temps de la persécution de Dèce, les évêques établirent dans leurs églises des prêtres pénitenciers pour recevoir la confession et imposer la pénitence aux apostats qui furent nombreux en ce temps.

Mais, quel que fût le rôle de ces prêtres « pénitenciers », la pénitence publique fut, durant les cinq ou six premiers siècles, administrée exclusivement par les évêques ou par les prêtres qu’ils déléguaient à cet effet