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RE0RD1NATI0NS. LE XII « SIÈCLE


droit de les donner ; ceux donc à qui ils ont administré le sacrement de l’ordre ne doivent pas être ordonnés à nouveau. »

D’autres distinguent entre les divers sacrements. « Les hérétiques qui ont reçu l’onction sacerdotale ou épiscopale, quand ils quittent l'Église, conservent le droit de donner le baptême, mais non la faculté de donner les ordres ou de consacrer le corps du Seigneur, après qu’ils ont été retranchés et condamnés, tout de même que l'évêque dégradé n’a plus le pouvoir de donner les ordres, encore qu’il ne perde pas la faculté de baptiser. » Les auteurs qui se rangent à cet avis écartent les autorités alléguées ci-dessus, en faisant remarquer qu’elles visent les hérétiques avant leur retranchement notoire (aille manifestant præ isioncm). Elles ne prouvent rien pour les hérétiques < après que. par un jugement de l'Église, ils ont été retranchés et condamnés, ce qui leur enlève le droit d’ordonner et de consacrer, comme cela arrive aussi pour les dégradés et les excommuniés. »

Le développement qui suit, dans Picirc Lombard, n’introduit pas une nouvelle opinion ; il fait seulement remarquer que, pour être valides, les sacrements administrés par les hérétiques et les excommuniés (prœcisis) doivent l'être secundum formant Ecclesise ; encore faut-il mettre cette restriction que, si les sacrements ainsi donnés sont vera et rata en eux-mêmes, ils ne produisent pas néanmoins la sanctification. Ceci apporte une restiiction qui n’est pas sans importance à la deuxième et à la troisième opinion qui accordent la validité de tous les sacrements (2e op.) ou de certains (3e op.) que confèrent les gens retranchés de l'Église.

Une quatrième opinion est enfin relatée, c’est celle que nous avons appelée la thèse de Vordinalio catholica, elle est très clairement exposée : « Certains déclarent que les hérétiques qui ont été ordonnés dans l'Église gardent, même quand ils ont été séparés, le droit d’ordonner et de consacrer ; mais ceux qui, constitués dans le schisme ou l’hérésie, ont été ordonnés et oints par ceux-ci n’ont pas ce droit. »

Reste l’application au cas des simoniaques : « ils sont des hérétiques, mais pourtant, avant qu’ait été portée contre eux une sentence de dégradation, ils ordonnent et consacrent (validement). Quant à ceux qui ont été ordonnés par eux — entendons, semble-t-il, avant cette sentence — s’ils connaissaient le caractère simoniaque de leur consécrateur, leur consécration est irrita (il faut traduire évidemment comme ci-dessus, col. 2420, « frappée d’opposition » ) ; s’ils l’ignoraient, leur ordination misericordiler sustineliir (l’expression, on le voit, éclaire parfaitement par opposition le sens du mot irrilus). Le Lombard ne dit pas ce qu’il faut penser des ordinations faites par les simoniaques condan nés ; mais il est évident que leur cas se confond avec celui des hæretici prsecisi étudié au cours de la distinction.

Ayant ainsi mis en présence les diverses opinions le Maître des Sentences ne « détermine » pas ; il ne tranche pas le débat : c’est dire qu’il laisse à eux-mêmes tous les bacheliers en théologie qui, au cours des âges suivants, auront à s’escrimer sur son texte. Ce problème, en effet, abordé exclusivement par la méthode des auctoritates, telle qu’on la pratiquait au xiie siècle, était insoluble ; on ne pouvait s’en tirer que par une étude critique des auctoritates, dont l'époque était Incapable, ou par une étude dialectique, serrant de près le concept du sacrement, de son efficacité et de sis conditions ; c’est seulement un peu plus tard que l’on s’engagera dans cette voie.

Si l’on veut maintenant préciser ce en quoi le Lombard se distingue de l'École bolonaise, il suffira de remarquer, d’abord, qu’il ne cite qu’en passant, et sans paraître y attacher une importance capitale, la

thèse, si chère aux Bolonais, de Vordinalio catholica ; ensuite qu’il s’at lâche surtout à mettre en lumière le retranchement de l'Église ». Prsecisus, degradatus sont nettement assimilés. Or l’on n’oubliera pas que la dégradation, surtout avec les cérémonies impressionnantes dont elle s’accompagnait — on les trouve encore dans le Pontifical actuel — - avait tout l’air d’une « désordination », si l’on ose dire. Expressément l’on retirait au condamné les pouvoirs, les ornements, les insignes, les instruments de son ordre, dans l’ordre inverse de celui où ils avaient été reçus. Comment acteurs et témoins de cette cérémonie n’am aient-ils pas eu l’impression que l’on retirait au coupable son caractère sacré? Un siècle après Pierre Lombard, l'évêque de Paris, Guillaume d’Auvergne enseigne encore que la dégradation enlève au condamné les pouvoirs et le caractère même de l’ordre.

b) Les décrétistes. — Il nous faut maintenant suivre très rapidement, soit dans les écoles de Décret, soit dans les écol-es de théologie, la manière dont on a discuté sur les textes de Giatien et de Pierre Lombard aux dernières décades du xii c et aux premières du xiiie siècle.

i. — Etienne de Tournai, né à Orléans vers 11201130, est mort évêque de Tournai en 1203, après avoir

étudié à Paris (peut-être à Bologne) et avoir enseigne à Chartres et à Orléans ; il est l’auteur d’une Summa Deereli publiée par F. Schulte, Giessen, 1891. Plus résolu que ses maîtres, il prend position dans notre problème par une série de distinctions. Que penser de ceux qui ont été ordonnés in forn.a Ecclesiæ par des simoniaques ou des hérétiques ? II faut distinguer, répond Etienne, suivant que ceux-ci sont ou non tolérés par l'Église. 1. S’ils sont tolérés, leurs créatures ont une véritable ordination ; 2. s’ils ne le sont point il y a lieu à une nouvelle distinction ; a) les prélats qui ordonnent sont seulement excommuniés, mais non déposés (exauctorati), alors les ordinands qui se sont adressés à eux, connaissant leur situation, seront déposés, aussi bien n’ont-ils reçu que le nomen o/j’eii et que l’ordre, mais sans l’effet de la grâce : ordinem sine effectu gratite ; si les ordinands, au contraire, ignoraient cette situation, ils doivent être « confirmés » dans leur ordre par imposition des mains. — b) si les prélats en question étaient non seulement excommuniés, mais déposés (exaueto nli = depositi, aul degradali) l’ordination donnée par eux est nulle. Ceux qui l’ont reçue de leurs mains, ignorant cette situation, seront réordonnés, car ils n’ont rien reçu dans leur première ordination ; on réordonnera de même ceux qui, connaissant cette situation illégitime, ont été contraints de recevoir les ordres des mains de ces indignes et qui, dès qu’ils le peuvent, reviennent à résipiscence. Mais pas de pitié pour ceux qui sont venus d’eux-mêmes demander l’ordination. Ces conclusions valent pour les simoniaques et hérétiques condamnés non par sentence particulière mais par sentence générale, rendue en synode. Une telle sentence équivaut en elîet à l’exauctoratio. lui. citée, p. 122 sq.

Mêmes conclusions et appliquées avec rigueur à la validité de l’eucharistie dans une Somme parisienne du Décret, un peu postérieure : le prêtre régulièrement déposé nihil consecrat. Textes dans Saltct, op. cit., p. 346-348.

b. — On ne saurait d’ailleurs donner cet enseignement comme la doctrine ne varietur de l'école parisienne, car des auteurs presque contemporains ou de peu postérieurs ne s’y tiennent pas. Une Somme inédite, contenue dans le Monacensis lalinus 16 084, mais certainement œuvre française, s’en tient à la question de savoir si l’ordination a été faite oui ou non in forma Ecclssiæ, et elle écarte expressément la doctrine de Vordinalio catliolica. « La distinction signalée par Ru fin, dit-elle, ulrum ab co ordinurctur qui ultimam manus