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RE0RDJNAT10NS. L’AGE GRÉGORIEN

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lui réitérer cette ordination : ut eosdem ordines (diaconat et ordres inférieurs) ab aliquo sorliatur episcopo catholico præcipinws. Jafïé, n. 5442 ; P. L., ibid., col. 327 D.

En une circonstance analogue, Urbain ordonne luimême comme diacre Daibert, qu’il a nommé évêque de Pise, mais qui, ayant été ordonné diacre par Wézilon, archevêque schismatique de Mayence, doit voir son diaconat restauré par une nouvelle cérémonie. A ceux qui s’en étonnent le pape explique qu’il s’agit non d’une réitération de l’ordre, mais d’une sorte de restitutio in integrum. Jaffé, n. 5383. La partie intéressante du texte manque dans P. L., t. ciii, col. 294295 A : quod non reileralionem exisiimari censemus sed tantum integham diaconii dalionem. Ce texte si important est passé dans Yves de Chartres, P. L., t. ci.xi. col. 1148, qui l’a transmis à Gratien, Causa I, q. vii, c. 23 (24). Il n’a pas été sans influence sur les théologiens et les canonistes postérieurs.

b) Les mesures ordonnées par Urbain II. — L’existence de ces diverses théories, qui se complètent plus qu’elles ne se combattent, permet de comprendre les variations du pape Urbain.

Il semble bien qu’au début, faisant sienne la théorie de Vordinatio catholica, il ait mis une différence entre les sacrements conférés par un ministre ordonné « catholiquement » et sans simonie : sacrements valides et complets, et les sacrements administrés par une personne ordonnée extra Ecclesiam : sacrements valides mais incomplets. Il ne s’est pas arrêté pourtant à cette distinction où Vordinatio catholica jouait un rôle. Dans un second temps, il l’abandonne. Tous les sacrements administrés extra Ecclesiam — que le ministre ait été ordonné ou non « catholiquement » — sont valides, mais incomplets ; ils confèrent la forma sacramenti, mais non la virlus. Cette dernière, quand il s’agit de l’ordination, est obtenue par une réitération de tous les rites de l’ordre, sauf l’onction.

Le concile de Plaisance, mars 1095, le plus important, avec celui de Clermont, de tous ceux qui ont été tenus par Urbain, devait traduire tout ceci en dispositions générales. Or justement les textes conciliaires portent la marque évidente des hésitations que nous venons de signaler. Pour les éclairer il faut faire appel à une consultation qui a été demandée antérieurement au concile et à ce que nous savons de l’exécution des mesures prescrites.

Légat du Saint-Siège en Allemagne, appelé de ce chef à jouer au concile, qui devait traiter de la pacification de ce pays, un rôle important, Gebhard, évêque de Constance, n’a pas cru pouvoir mieux s'éclairer qu’auprès du savant Bernold, son diocésain. Le titre même donné par Bernold à sa consultation en donne le sens : De reordinatione vitanda, dans Libelli de lite, t. ii, p. 150-150. Bernold y maint ient le point de vue que nous avons déjà signalé : si l’on reçoit à la pénitence les gens qui ont été ordonnés chez les excommuniés, que ce soit sans réordination, quoi que pensent et que disent certaines gens. La théorie de Vordinatio catholica a disparu, on le voit, et Bernold lui donne un coup en passant : ce sont des siw.plf.ces, des nimium zelotes, ceux qui n’hésitent pas à souffler sur les sacrements reçus dans l’excommunication : sacramenta in excommunicatione usurpata peniius exsufflare non dttbitant.

Du concile de Plaisance nous n’avons point les actes qui permettraient de savoir comment fui débattue la question, mais seulement les décrets qui demeurent quelque peu ambigus. Cf. Mansi, ConciL, I. xx, COl. 804 sq. Les uns concernent les ordinations faites en dehors de l'Église, par l’antipape Guibert (créature de l Icnri IV), après son excommunication parGrégoireV 1 1, et par les évêques ordonnés par lui après celle date (can. 8) ; celles qui ont été faites par des prélats nom mément excommuniés, ou intrus (can. 9). Ces ordinations sont déclarées irritæ. Elles sont assimilées, somme toute, aux ordinations simoniaques, visées aux canons 2, 3, 4. Le canon 10, au rebours, vise les ordinations faites par des évêques, jadis ordonnés catholiquement, mais qui, durant le schisme, se sont séparés de l'Église romaine. Ceux qui les ont ainsi reçues, quand ils reviendront à l’unité, pourront les conserver, si toutefois leur vie est convenable.

Laissant de côté ces dernières, il faut se demander ce que signifie, aux canons 8 et 9, le mot irritus appliqué à des ordinations données par des évêques consacrés extra Ecclesiam (le cas de Guibert lui-même est un cas spécial ; sans doute il a été ordonné jadis catholiquement, mais une sentence expresse l’a mis hors de l'Église). A première impression on serait tenté de le traduire par « invalides », « nulles ». C’est ainsi que l’ont fait des canonistes postérieurs, qui ont vu clairement ici la théorie de Vordinatio catholica appliquée dans toute sa rigueur. La discussion convaincante, quoique un peu subtile, que L. Saltet institue sur les textes, op. cit., p. 249-251, voir surtout la note 1 de la p. 250, nous paraît bien montrer qu’irritus n’a pas ici ce sens, mais bien celui de « frappé d’opposition ». En fait, alors que le concile admet que les clercs ordonnés par des prélats « catholiquement consacrés » seront reçus dans l'Église avec leurs ordres, il déclare ne pas admettre ceux dont les créateurs ont été des évêques « non catholiquement ordonnés ». Ces ordinations ne sortiront pas leurs conséquences ; elles demeureront de simples « formes », sans efjectus. Jamais, comme il est dit dans le canon 2 (qui traite en général de la simonie), elles n’auront leur valeur (complète) : quidquid (simoniace) adquisitum est, nos irrilum esse et nullas unquam vires oblinere censemus En d’autres termes le concile décide de ne point user, à l’endroit tant des ordinations simoniaques que de celles qui ont été données par des prélats consacrés extra Ecclesiam, de la condescendance qu’il montre à l'égard des autres.

Aussi bien ne faudrait-il pas penser que ces derniers (les clercs ordonnés par des évêques catholiquement consacrés) aient pu rentrer sans autre forme de procès dans l'Église. Il est tout à fait vraisemblable qu’on leur a demandé de se soumettre à cette imposition des mains, à cette cérémonie rectificatrice, à laquelle faisait allusion la lettre d’Urbain, Jaffé, n. 5378 (ci-dessus col. 241 8 aubas). C’est ce que montre unelettre du même pape, Jaffé, n. 5694 ; P. L., t. cli, col. 500 B. Des prêtres ordonnés, mais malgré eux, par des évêques schismatiques, créatures de Guibert, seront admis (par exception aux canons 8 et 9 de Plaisance) à reprendre leurs fonctions ; mais on leur imposera une pénitence et ils devront, au cours d’une ordination générale, recevoir l’imposition des mains : ipsos autem inter eos quibus ordinandis manum imponis, dum oraiionum (ordinationum ?) solemnitas agitur, interesse pnveipito.

Nous avons la description d’une cérémonie de ce genre, pratiquée à Goslar, un peu plus tard, en 1105, par le légat Gebhard de Constance. Dans Annales Palhcrbrunnenses publiées par Scheffer-Boichorst, Inspruck, 1870, p. 110. Au cours de l’ordination générale, célébrée aux Quatre-Temps de la Pentecôte, Gebhard place parmi les ordinands et réintègre par l’imposition des mains un certain nombre de clercs, ordonnés par des évêques qui étaient séparés du Saint-Siège au moment où ils ont conféré lesdites ordinations. Mais, chose intéressante à noter, parmi ces « réconciliés », les uns participent à la cérémonie sine albis (nous dirions in nigris) ; les autres ont revêtu l’aube et les divers ornements de leur ordre. C’est que la situation de tous ces clercs n’est pas la même : diverses ont été les circonstances de leur ordination. Les uns avaient des excuses que n’avaient pas les autres, ils reçoivent seu-