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    1. REORDINATIONS##


REORDINATIONS. L’AGE GRÉGORIEN

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les hérétiques sont nulles ; les sitnoniaques sont hérétiques ; leurs ordinations sont donc nulles. Il va si loin qu’il semble remettre en question la validité du baptême donné par les hérétiques, et il est nettement d’avis qu'à ceux qui ont été baptisés en dehors de l'Église catholique la confirmation est indispensable pour faire revivre ce qu’il appelle la forma sacramenti. Du moins a-t-il le mérite de mettre sur pied une théorie qui rende compte de l’invalidité des ordinations simon iaquement conférées. Quand un évêque catholique veut procéder moyennant finance à une ordination, son pouvoir d’ordre est immédiatement lié, il n’est plus dès lors qu’une marionnette, statitnculus, dont les actes sont sans valeur.

On peut se demander laquelle de ces deux théologies l’emportait à la curie. Nous avons vu que celle d’Humbert avait influencé Léon IX ; il semble pourtant que ce soit finalement Pierre Damien qui ait eu le dernier mot. Quand, en 1059 (c’est-à-dire cinq ans après la mort du pape alsacien), il règle à Milan le sort des simoniaques repentis, Pierre se contente d’imposer à ceux-ci une pénitence. Il est vrai que, dans son rapport adressé à la curie (en fait au cardinal Humbert), il présente sa manière de faire comme une sorte de dispense qu’il donne en vertu d’une délégation du Siège apostolique et qui produit, quasi-sacramentellement, une sanatio in radice. L’appel qu’il fait à la légende de l’ordination impromptu de saint Apollinaire par saint Pierre jette un jour assez curieux sur la manière dont il se représentait les choses. « Ceux, écrit-il, à qui est rendu le droit d’administrer les sacrements, ne sont pas remis en possession de l’oflice perdu en vertu de leur ancienne ordination criminellement achetée, mais bien plutôt en vertu de l’autorité très efficace du bienheureux prince des apôtres, autorité dont celui-ci a fait usage si soudainement à l’endroit de saint Apollinaire : « Lève-toi, lui a dit Pierre, « reçois le Saint-Esprit et en même temps l'épiscopat. » Actus Mediolanen., c. v, P. L., t. cxlv, col. 08 C. Des canonistes se rencontreront plus tard pour développer cette idée d’un pouvoir absolument discrétionnaire du pape sur les sacrements. En voici une première amorce.

Par ailleurs, si le concile romain de 1060, présidé par Nicolas II, se montre extrêmement sévère à l'égard des clercs ordonnés simoniaquement, ou même des clercs ordonnés gratuitement par des prélats connus comme simoniaques — tous ces clercs seront déposés, Jalïé, Regesta, n. 4 431 a — du moins ces ordinations ne sont-elles pas considérées comme nulles, quoi qu’il en soit des interprétations qui furent données en divers lieux des décisions du concile. Cf. Mansi, Concil., t. xix, col. 875-876, les n. 8 et 9. Somme toute donc la théologie de Pierre Damien semble devoir l’emporter ; ce ne sera pas d’ailleurs sans des alternatives de recul et d’avance qu’il reste à faire connaître.

La réforme grégorienne.

Léon IX et ses prédécesseurs ou ses successeurs immédiats — les prégrégoriens, comme on les appelle — ont tourné leur activité réformatrice contre la simonie d’abord, puis contre

le nicolalsme (incontinence du clergé). Grégoire VII (1073-1085) va s’attaquer à la racine de ces deux abus : l’investiture laïque. De ce chef il amïne dais beaucoup d'Églises, spécialement en Allemagne, un mouvement de réaction très violent. Sommés de choisir entre les volontés du pape et celles de leurs souverains, nombre d'évêques n’hésitent pas à se détacher de leur chef spirituel et font bloc autour de l’empereur ou du roi. Henri IV, dans sa lutte contre Grégoire VII et ses successeurs, n’aura pas de plus ferme soutien que ses évêques d’Allemagne et d’Italie. Le schisme régnera à l'état endémique jusqu’au concordai de YVonns ( 1 122). Pour les partisans de la réforme un nouveau problème va se poser : que valent les actes ecclésiastiques, tout

spécialement les ordinations, posés par ces schismatiques ? Comment se comporter à l'égard des clercs ordonnés par eux et qui, soit isolément, soit même avec leurs évêques, se réconcilient avec la papauté?

1. A l'époque de Grégoire VII. — 'Deux théologies continuent à s’affronter tant à la curie qu’en Allemagne.

a) A la curie, les idées de Pierre Damien sont représentées par Atton, cardinal de Saint-Marc, auteur d’une Defloratio canonum (publiée par A. Mai', Script, vet. nova collectio, t. vi b, p. 60 sq.), et par Anselme de Lucques, canoniste plus fameux encore. L’un et l’autre affirment la validité des sacrements administrés en dehors de l'Église. La thèse d’Humbert, de son côté, trouve des défenseurs non moins célèbres, en particulier le cardinal Deusdedit, soit dans la Collection canonique qu’il dédie en 1086 à Victor III (édit. Wolf von Glanvel, Paderborn, 1005), soit dans son Libellus contra invasores et simoniacos, qui est un peu plus tardif, P. L., t. cxlix, col. 455-476 (où il est à tort passé au compte d’Anselme de Lucques) ; mieux dans Libelli de lite, t. ii, p. 300-340. On voit, d’après le titre, que Deusdedit ne s’en prend plus seulement aux simoniaques, mais aux bénéficiaires de « l’investiture laïque », et aux schismatiques. Les sacrements administrés dans le schisme, explique-t-il, sont nuls : in eorum sacrificio non accipitur Christi corpus, sicut in baptismale Spiritus Sanctus. Les ordinations simoniaques sont certainement nulles ; et si l'Église jugeait à propos de prendre à son service des gens ordonnés de la sorte, il faudrait les réordonner. Mais l'Église ne le fera pas. Un peu avant l'époque où Deusdedit donnait ces directives si formelles, on avait vu un légat du Saint-Siège, Aimé, évoque d’Oloron, réaliser dans la pratique les mêmes idées. Au concile de Gérone, en 1078, il prescrit formellement la réitération des consécrations d'églises et des ordinations faites, même gratuitement, par des évêques simoniaques. Can. 11, Mansi, Concil., t. xx, col. 519-520.

b) En Allemagne, même heurt d’idées. Bien entendu, les impérialistes n’admettent pas que l’on conteste la valeur de leurs actes ecclésiastiques. Mais, dans le camp même des « pontificaux », que de divergences dans les idées et la pratique et qui relèvent davantage de l’improvisation que de la saine théologie I Quelques théoriciens s’efforcent bien de discuter les divers aspects de la question. Bernard d’Hildesheim, interrogé par Adalbert de C instance et Bernold de Cjnstance, établit entre les révoltés ou schismatiques, quand il s’agit de la validité de leurs ordinations, des distinctions qui nous étonnent un peu : si le crime et la condamnation ne sont pas connus, les sacrements administrés sont valides ; ils sont invalides au cas contraire. Et à l’appui de sa thèse, Bernard d’invoquer, aussi bien le texte d’Innocent I er, qu’une lettre du pape Pascal I er (il s’agit, en fait, de la lettre de Guy d’Arezzo, ci-dessus, col. 2413) et que les précédents fournis par les conciles de 769 et de 964, qui avaient condamné les ordinations de Constantin II et de Léon VIII. Texte de Bernard dans P. L., t. cxi.vm. col. 1143 sq.

Cotte solution donnée par Bernard est attaquée par Bernold de Constance, P. L., ibid., col. 1166 sq. Cet auteur n’a pas de peine à montrer les inconséquences de la thèse de Bernard, et les divergences entre les témoins de la tradition. Pour concilier celles-ci, Bernold propose une théorie de la forma sacramenti. qui n’est jias sans analogie avec celle que le cardinal Humberl avait proposée pour expliquer la reviviscence du baptême conféré par les hérétiques et qui finira par avoir quelque fortune. Ceux, dit-il, qui ont été ordonnés par un hétérodoxe ne reçoivent aucune consécration, mais seulement la « forme de la consécration i