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RÉORDINATIONS. L’AGE PREGREGORIEN

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puyant sur les textes patristiques, surtout augustinieus, il montra qu’on ne pouvait réitérer ni le baptême, ni l’ordre ; il contesta le précédent du concile de 769 ; puis, venant au fait même de Formose, il discuta le cas, tant de la translation de celui-ci de Porto à Rome, que de la restauration, par la sentence du pape Marin, de son ordination épiscopale. Pendant ce temps, Vulgarius prenant la question d’un autre biais, établissait dans le De causa formosiana libcllus (édité par Dummler) et dans le De causa et ncgolio Formosi papa ;, P. L., t. cxxix, col. 1103 sq., que le sacerdoce, une fois reçu était inséparable de l’âme ; cf. surtout col. 1108. C’était en somme étendre au sacrement de l’ordre la doctrine du caractère que saint Augustin avait si nettement établie pour le baptême.

3. Les ténèbres du Xe siècle. — Mais cette doctrine correcte était encore loin de prévaloir. On s’en aperçoit, par exemple, en étudiant les actes et les écrits d’un des personnages les plus savants du milieu du Xe siècle, Rathier évêque de Vérone et de Liège. Voir son article. Nommé à Vérone, par le roi Hugues, dès 931, expulsé et remplacé à diverses reprises, il y rentre en 961, quand Othon I er vient chercher le titre impérial. Il entrepiend, on 9 « 5, de réordonner les clercs véronais qu’avait créés l’évêque intrus Milon. Voir P. L., t. cxxxvi, col. 477. Devant les vives résistances qu’il rencontre, il consulte le pape, en août 965, ou plus exactement lui demande d’approuver son entreprise. En dehors des textes canoniques déjà cités, il fait valoir la réponse de Nicolas I er au sujet des ordinations conférées par Photius et le fait de la réitération des ordres conférés par Constantin II. Nous ne savons si Rome répondit. Au fait la plus grande confusion y régnait : en décembre 963, le pape Jean XII avait été déposé, d’ordre de l’empereur ; Léon VIII lui avait été substitué ; mais, dès que Jean XII était redevenu le maître à Rome, le concile romain de février 964 avait cassé les actes de l’usurpateur ; la réordination des sujets promus par lui aux divers ordres avait été prescrite et exécutée. Voir le détail et les textes aux articles Jean XII, col. 625, et Léon VIII.

Par compensation on entend à la même date Liutprand, évêque de Crémone et apologiste d’Othon I er, donner dans son Anlapodosis une doctrine fort correcte sur l’impossibilité de réitérer les ordres. Il écrit, à propos des ordinations de Formose, réitérées sur commandement de Serge III : Denediclio quæ ministris Christi impenditur, non per eum qui videtur sed qui non videtur sac.erdotem (entendons le Christ) impenditur. Op. cit., t. I, a. 30, P. L., t. cxxxvi, col. 804. C’est la pure doctrine de saint Augustin ; elle n’est pas encore près de triompher.

III. Pratique et doctrine des réordinations au début de l’âge scolastique. — 1° Jugement sur les ordinations simoniaques au début de la réforme ecclésiastique. 2° La réforme grégorienne. 3° Les conflits d’idées au xue siècle.

1° Jugements sur les ordinations simoniaques au début de la réforme ecclésiastique. — (Test à propos des ordinations simoniaques que va s’instituer, dans l’Église romaine, un vrai débat sur le problème qui nous occupe, celui des réordinations.

1. La simonie ; son extension. — On sait que, durant les premiers temps de la réforme ecclésiastique « lu xie siècle, c’est d’abord contre la simonie, plus encore peut-être que contre le nicolaïsme, que sont dirigées

les al laques des réformai cuis. Aussi bien, depuis que

la féodalité a pris, au ixe siècle, ses caractères spécifiques, la simonie qui a toujours sévi peu ou prou aux âges précédents, est-elle devenue Le grand fléau de l’Église, Ce que recberchent avant tout nombre de

gens c’est le bénéfice ecclésiastique qui leur donne le moyen de vivre. Ce bénéfice ne peut être donné qu’à

ceux qui ont reçu l’ordination ; on va donc trafiquer de l’ordination elle-même. Les hauts dignitaires ecclésiastiques n’ont obtenu trop souvent leurs prélatures, évêchés ou abbayes, qu’en les achetant à beaux deniers comptants aux souverains, lesquels pratiquement en disposent. Tel l’officier ministériel de nos jours qui a acheté cher son étude de notaire ou d’avoué, le prélat’cherche à faire rendre à sa charge tout ce qu’il est possible d’en tirer. Élu par simonie, souvent consacré par simonie, il exercera à son tour la simonie en vendant (le mot n’est pas trop fort) aux clers inférieurs les ordinations qui leur sont nécessaires — ce n’est pas toujours la prêtrise — pour obtenir telle paroisse, telle chapellenie, tel bénéfice. Il est clair qu’à leur tour les clercs ainsi ordonnés entendront rentrer dans leurs débours et ne se priveront pas de trafiquer des sacrements, des offices, des services dont ils ont l’administration. Le mal règne du haut en bas de l’Église, depuis le Siège pontifical, hélas ! trop souvent objet de marchandages, jusqu’au plus humble des bénéfices. La conscience chrétienne, qui a d’abord semblé accepter cet universel commerce des choses saintes, finit, au fur et à mesure qu’elle se réveille et s’affine, par se révolter contre lui. Du mépris pour les simoniaques, acheteurs et vendeurs des choses saintes, elle passe au mépris des sacrements administrés, vendus souvent, par eux. Elle se demande quelle valeur sacrée peuvent garder ces rites objets de marchandage ; que vaut la messe célébrée exclusivement pour de l’argent ? Que vaut l’ordination payée deniers comptants ? Ces gens, qui administrent les choses saintes comme l’on fait une exploitation agricole, sont-ils vraiment prêtres, évoques, papes ? On comprend que, du jour où. ces questions se posent, des doutes surgissent dans la conscience des fidèles, dans celle aussi des ecclésiastiques qui, venus, sous des influences diverses, à une plus saine conception des choses, veulent libérer l’Église de cette honte. A ces ecclésiastiques, malheureusement, et si haut placés qu’ils soient dans la hiérarchie, il manque trop souvent une solide formation théologique. Les réformateurs les plus zélés ne sont pas toujours les plus savants. Il est facile de voir comment leur zèle a emporté plusieurs d’entre eux, réguliers et séculiers, au delà des bornes. Sur la simonie ils jettent l’anathème, et ils ont raison ; ils dénoncent les ordinations simoniaques comme la grande pitié de l’Église ; ils ont raison encore. Ils ne l’ont plus quand ils déclarent, et à grand fracas en certaines circonstances, que ces ordinations sont invalides et qu’aux soi-disant clercs qui ont été ordonnés ainsi il faut imposer, si L’on veut les remployer après résipiscence, une vraie réordination.

2. Les premières diseussions.

Cela commence par des doutes, au début du xie siècle. En 1008-1009, un archevêque de Sens interroge à ce sujet un homme qui passe pour une lumière, Fulbert, évêque de Chartres. Celui-ci répond d’une façon correcte, Epist., xiii, P. L., t. cxi.i, col. 207. Le prêtre ordonné par simonie sera dégradé, soumis à la pénitence, puis à une cérémonie de réconciliation ; on lui remettra dans l’ordre normal les « instruments et les vêtements » qui caractérisent chacun tics degrés de la hiérarchie, avec une formule appropriée : Reddo tibi gradum ostiarii, etc. Mais il ne faudrait pas que l’on se trompât sur le sens de la cérémonie ; il ne s’agit nullement ici d’une réitération du sacrement, « car les canons interdisent aussi bien les rebaptisations que les réordinations », rebaptizationes et reordinationes péri canones vêtant. On pourrait se demander où Fulbert a pris cette idée d’une cérémonie de réconciliation, qui a bien un peu l’apparence d’un recommencement de l’ordination. Est-ce une invention personnelle ? Est-ce au contraire un usage qu’il a vu pratiquer ? Ceci n’est pas clair ; il reste que.