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RÉORDINAT10NS. L’ÉPOQUE CAROLINGIENNE


la deuxième déposition de Photius, entre ignaciens soit de stricte observance soit plus ou moins ralliés, d’une part, et les membres du clergé ordonnés par Photius et ses créatures, de l’autre. Sollicitée d’intervenir, la curie romaine n’a pas donné, on l’a dit aussi, de réponses uniformes. Voir Photius, col. 1595 sq. Tout ceci aurait besoin d’une enquête nouvelle, et il convient de ne pas s’en rapporter aveuglément aux conclusions d’Hergenrôther.

Ces hésitations de la curie romaine en une question, disciplinaire à la vérité mais qui ne laissait pas de toucher à la doctrine, se remarquent mieux encore à propos de faits qui se sont passés en Occident. Celui de la réordination de l’évêque Joseph comme titulaire d’Asti, sur l’ordre du pape Jean VIII, est particulièrement caractéristique.

Pour ses désobéissances aux ordres du pape, Anspert, archevêque de Milan, a été excommunié par Jean VIII. Cf. Jafïé n. 3305, 3306. Or, après son excommunication, Anspert a consacré comme évêque de Verceil un prêtre nommé Joseph. Averti, Jean VIII dépose consécrateur et consacré ; il veut bien être miséricordieux à l’égard de Joseph en le rétrogradant simplement à l’ordre sacerdotal, mais il est entendu que sa consécration épiscopale est de nul effet : cum prædictus Ansperlus… essel regulariter cxcommunicalus, aliquam vel minimorum in Ecclesia Dei consecralionem graduum facere nullomodo potuil, quia quod non habuit dare profecto nequivit (c’est toujours la fameuse expression d’Innocent I er, ci-dessus, col. 2398). Aussi Jean VIII nomme-t-il lui-même et consacre-t-il un autre évêque pour Verceil. Dans la suite, Anspert se réconcilia avec le pape ; restait à régler la situation de l’évêque Joseph. En concile romain il fut décidé qu’il pourrait être élu évêque d’une autre église que Verceil, et qu’il serait ensuite réordonné : et eligeretur et, sicut

QUI NIHIL AB ORDINATORE PRIUS ACCEPERIT, in episCO pum crearetur. Ainsi fut fait ; élu évêque d’Asti, il fut consacré à nouveau par Anspert et une lettre très explicite de Jean VIII approuva complètement cette procédure, en faisant bien remarquer qu’il s’agissait ici non d’une réordination, mais d’une ordination, la première ayant été sans valeur : Hanc (creationem) et nos approbatam admitlimus et ab omnibus admitlendam esse mandamus, quia quod non ostenditur per imposilionem manus illius, qui tempore su.e ligationis quod dare visus est, ut ila dixerim, non habuit gestum, ratio non sinil ut videatur ileralum. Jaffé, n. 3334 ; Mon. Germ. hist., Epist., t. vii, p. 239. Si les partisans des réordinations aux xie et xiie siècles ne se sont pas emparés de ce texte qui allait si bien à leur thèse, c’est que la partie du registre de Jean VIII qui contenait cette lettre avait disparu à leur époque, pour ne se retrouver qu’ultérieurement. Cf. art. Jean VIII, col. 613.

2. La question des ordres conférés par le pape Formose.

— Cette hésitation de la curie romaine — on notera que Jean VIII déclare nulle la consécration de Joseph au moment même où il « reçoit » les ordinations faites par Photius — explique fort bien comment, les passions aidant, furent données les solutions les plus contradictoires à la question des ordres conférés par le pape Formose. Voir son article.

Évêque de Porto, Formose a été déposé par le pape Jean VIII dans le synode romain tenu au Panthéon le 19 avril 876 ; cette sentence, à la demande expresse du pape, est confirmée au concile gallican de Ponthion, à l’automne de cette même année ; puis renouvelée à Troyes en août 878, dans un concile que préside Jean VIII en personne. Lors de ce dernier, Formose vient en grand mystère trouver le pape, qui consent à l’admettre à la communion laïque, à condition que l’ex-évêque fera serment de ne jamais rentrer

en Italie. A peine Jean VIII est-il mort que Formose reprend le chemin de la péninsule ; le pape Mai in lui fait bon accueil, le délie de son serment de Troyes et peu après le remet en possession de son évêché. C’est en cette qualité d’évêque de Porto que Formose procède à la consécration épiscopale du pape Etienne V, le deuxième successeur de Marin, en 885. A la mort de ce dernier, 891, Formose est élu pour le remplacer sur le trône pontifical, mais ceci en violation de la loi formelle qui interdisait la translation d’un évêque d’un siège à un autre et par le fait l’élection d’un évêque comme pape (cette prescription venait de subir une première entorse par l’élection de Marin I er, voir son article). Il ne semble pas que, sur le moment, des protestations se soient élevées contre cette grave irrégularité.

Sur les instances de Guy de Spolète, couronné empereur par son prédécesseur, le pape Formose donne, peu après son élévation, la couronne impériale au fils de Guy, Lambert. Mais en même temps il multiplie sous main les avances au roi de Germanie, Arnoulf, qu’il couronne finalement empereur le 22 février 896. Tandis que le nouvel empereur allemand est obligé par la maladie de regagner son pays, Formose meurt le 4 avril 896. Faute de pouvoir se venger de lui, vivant, l’empereur Lambert assouvit ses rancunes sur Formose défunt. En janvier 897, le « synode cadavérique », présidé par le pape Etienne VI, outrage la dépouille de Formose et prononce la nullité des actes ecclésiastiques faits par lui. Il semble bien que le moyen invoqué ait été l’irrégularité de la promotion de Formose au Siège pontifical. Que décida-t-on en cette lamentable réunion au sujet des ordinations faites par lui ? Il n’est pas facile de le dire. Il paraît bien qu’au début on n’osa pas les déclarer nulles, mais on déposa au moins les clercs romains qui avaient été ordonnés par le feu pape. Les deux premiers successeurs d’Etienne VI (assassiné en juillet 897), qui ne font d’ailleurs que passer sur la chaire de Pierre, prennent quelques mesures de réparation ; en particulier les clercs ordonnés par Formose sont réintégrés dans leurs fonctions. Cette mesure est maintenue sous les papes.Jean IX (898-900) et Benoît IV (900-903). Mais en 904 arrive au trône pontifical Serge III, qui avait été évincé en 898, par Jean IX. Il s’inscrit en très vive réaction contre tous les actes de ses prédécesseurs. Antiformosien déclaré, il fait reprendre, en concile romain, le procès de Formose. Les clercs réhabilités par les prédécesseurs de Jean IX sont réduits à l’état laïque ; s’ils veulent conserver leurs charges, ils doivent se faire réordonner. Un certain nombre se prêtent à cette cérémonie. Bientôt l’agitation se répand hors de Home, dans toute l’Italie. Un bon nombre d’évêques ont été consacrés par Formose ; leurs consécrations sont déclarées nulles, et dès lors aussi les ordinations de tout genre qu’ils ont conférées. La validité des sacrements

— en dehors du baptême — est mise en question dans une bonne partie de l’Italie. Jamais pareille confusion n’avait existé.

Deux hommes, par qui nous connaissons les détails de cette abominable histoire, le clerc Auxilius, fixé à Naples, et le grammairien Vulgarius, de la même région sans doute, entreprirent d’éclairer l’opinion ecclésiastique. Sur leur activité littéraire voir outre Saltet, op. cit., p. 156 sq., D. Pop, La défense du pape Formose (thèse), Strasbourg, 1933. Auxilius dans deux traités : In defensionem sa"ræ ordinationis papæ Formosi (édité par E. Dùmmler, Auxilius und Vulgarius, Leipzig, 1864), De ordinationibus papæ Formosi, dans P. L., t. cxxix, col. 1059 sq., et dans le dialogue Infensor et defensor, ibid., col. 1074, rappela, à une époque où la théologie connaissait une nouvelle éclipse, les principes généraux qui dominaient la question. S’ap-