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REORDINATIONS. LE HAUT MOYEN AGE


Non est enim Christi corpus quod schismaticus confic.it ; schismatici, quia Spiritum non habent, corpus Christi sacripcium habere non possunt. JafTé, n. 904, P. L., t. lxix, col. 412. Outrance verbale, où Cyprien se serait reconnu, qui n’exprime pas, à coup sûr, la « théologie romaine », mais qu’il est facile d’exploiter contre la validité des ordinations des dissidents. Les canonistes du xie siècle ont en effet connu ces textes.

Si l’on veut entendre, au contraire, une doctrine ferme et indépendante des polémiques personnelles, il faut s’adresser au pape Grégoire le Grand (590-604). Il écrit à Jean de Ravenne : Sicut enim baplizatus baplizari iterum non débet, ita qui consecralus est semel in eodem ordine iterum non valet consecrari. Epist., t. II, n. xlvi, P. L., t. lxxvii, col. 585. Augustin ne disait pas mieux.

En résumé, si l’on conserve à Rome le souvenir de la théologie augustinienne sur la matière, si, de fait, durant cette période, on n’y a jamais pratiqué de réordinations, il reste néanmoins que le discrédit jeté de façon trop énergique sur les sacrements des dissidents a pu donner lieu à des interprétations incompatibles avec une saine théologie.

D’ailleurs, durant cette même période, on peut relever en Occident des faits qui semblent bien établis de réordination. Nous en constatons dans les lettres d’Innocent I er, Jafîé, n. 299 et 303, signalées plus haut ; les évêques de l’IUyricum en ont pratiqué sur des prêtres ordonnés par Ronose, même antérieurement à sa condamnation. On sera plus hésitant sur le sens des prescriptions du concile d’Orléans de 511, qui prescrit que les clercs ariens ofjicium quo eos episcopus dignos esse censuerit cum impositæ manus benedictione suscipiant. Can. 10, dans Mon. germ. hist., Concil. merov., p. 5 ; cette bénédiction, cette imposition des mains à laquelle on les soumet est-elle une ordination au sens propre du mot ? Ou simplement un rite de complément ? On ne saurait le dire. Par contre, il nous paraît certain que le concile de Saragosse en 592, qui organise en Espagne la liquidation de l'Église arienne, prescrit la réordination des prêtres dissidents : accepta denuo benedictione preshyterii, sancte et pure ministrare debent. Mansi, Concil., t. x, col. 471.

Tous ces textes, véhiculés tant bien que mal par les collections canoniques et les quelques ouvrages d’histoire que l’on se transmet, ne manqueront pas, en dépit de la théologie Augustinienne, d’avoir un retentissement à l'époque suivante.

II La pratique des rkordinations dans le haut Moyen Age (vn°-ixe siècle). — 1° En Angleterre. 2° Au temps du pape Constantin IL 3° Les ordinations faites par les chorévêques. 4° L’affaire des clercs d'Ébon. 5° Les ordinations du pape Formose.

Loin de faire progresser la doctrine, cette période voit plutôt se produire dans l'Église occidentale une régression par rapport aux principes posés par saint Augustin. Un nombre assez considérable de réordinations nettement caractérisées se peut établir ; cela ne contribuera pas, étant donné surtout le caractère de plusieurs, à clarifier les idées théologiques.

1° Réordinations dans l’Angleterre du vue siècle. — Nous n’avons pas à dire ici comment et pourquoi l'évangélisation de l’heplarchic anglo-saxonne par les missionnaires romains, au début du viie siècle, amena un conflit assez grave de ceux-ci avec le clergé cette de la partie occidentale de la Giande-Rrctagne. La question nationale contribua beaucoup à envenimer des discussions relatives à la différence des usages, discussions qui nous paraissent aujourd’hui futiles, la plus grave divergence entre Romains et Celtes étant celle du comput pascal. Cf. art. Pâques, t. xi, col. 1966 sq. Après plus d’un demi-siècle d’hostilités, le concile de Whilby, en 664, mit fin aux controverses. Voir Rède,

Hist. eccl., . III, c. xxv, P. L., t. xcv, col. 158. f En 669 le Siège apostolique nommait directement au siège primatial de Cantorbéry un personnage grec de langue, originaire de Tarse en Cilicie, Théodore. Chose intéressante à noter, c’est ce Grec qui va introduire en Grande-Rretagne la pratique des réordinations, au moment même où son Église d’origine commençait à s’en détacher.

Il est très certain par exemple que Théodore réordonna comme évêque de Lichtfield le Rreton Ceadda. Celui-ci avait d’abord été consacré comme archevêque d’York, au détriment de l’Anglo-Saxon Wilfrid. Théodore avait commencé par restaurer Wilfrid sur son siège archiépiscopal. Ceadda s'était retiré de bonne grâce, semble-t-il, dans un monastère, d’où Théodore, connaissant ses vertus, le tira pour en faire l'évêque de Lichtfield ; mais auparavant, dit le biographe de Wilfrid, Théodore per omnes gradus ecclesiaslicos ad sedem prædiclam plene eum (Ceaddam) ordinavit. Vita Wilfridi, c. xv, dans Eer. brilann. Medii JEvi scriptores, Hist. of thé Church of York, t. i, p. 23. Rède est non moins formel : Ille (Theodorus) audiens humililatem responsionis ejus (Ceaddœ) dixil non eum episcopatum dimiltere debere sed ipse ordinalionem ejus denuo catholica ralione consummavit. Hist. eccl., t. IV, c. ii, col. 174 C. La raison de cette procédure est donnée par la Vita Wilfridi : Ceadda avait été consacré par des « quartodécimans » (en dépit de l’histoire, les AngloSaxons appelaient ainsi les Rretons partisans de l’ancien comput pascal romain, gardé par ceux-ci, tandis qu’il était tombé en désuétude sur le continent). On n’oubliera pas que, d’après la consultation adressée à Martyrius, les quartodécimans figurent parmi les hérétiques mineurs, dont les laïques revenant à la Catholica sont confirmés, dont les clercs sont réordonnés. Cidessus, col. 2394. Le Grec Théodore s’en est souvenu. Une seconde raison est donnée de l’invalidité de l’ordination de Ceadda : il avait été consacré in sedem alterius, c’est à savoir de Wilfrid, archevêque régulièrement installé d’York.

Il ne faudrait pas penser que ce fait soit demeuré isolé. La littérature pénitentielle qui se rattache à Théodore, cf. art. Pénitentiels, t.xii, col. 1166, contient très explicitement la prescription suivante : Si quis ab hæreticis ordinatus fueril iterum débet ordinari. Dans Schmitz, Bussbùcher, t. ii, p. 242, et les canons suivants, dirigés contre les « quartodécimans » ne laissent aucun doute sur l’identité des hérétiques visés. On comparera à ce texte un autre du même cycle dans P. L., t. xcix, col. 932 : Qui ordinati sunt a Scotorum et Britonum episcopis, qui in Pascha et tonsura catholiese non sunt adunali Ecclesise, iterum a caiholico episcopo, manus impositione conprmentur. Peut-être s’agit-il seulement ici de ce rite de complément indiqué par le concile de Nicée pour les méliciens (et pour les novatiens).

Non moins révélatrice de l'état d’esprit qui s’est formé en Angleterre au vine siècle est une réponse d’Egbert, archevêque d’York de 734 à 766, dans son De inslilulione catholica dialogus, P. L., t. lxxxix, col. 436-437. Il s’agit de la valeur des actes ministériels de prêtres accusés de fautes graves et condamnés. La question est nettement posée : Quid habemus de sacris minisleriis quæ ante damnationem presbyter corruplus percgil, vel quæ postea damnatus inconsulte usurpavit ? La réponse est non moins nette : « Avant que le jugement ait été rendu, les fidèles qui ont eu recours au ministère de ce prêtre n’ont pas à se faire scrupule. Le jugement prononcé, au contraire, la participation aux rites accomplis par le coupable ne saurait être génératrice de grâce : la raison est obvie et nous l’avons déjà entendue : quia nihil in dante erat quod ipse (se. particeps) accipere posset. Par ses rites détestables le coupable ne peut communique ? aux