Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.2.djvu/491

Cette page n’a pas encore été corrigée

2395 RÉOUDINATIONS. FORMATION DE LA THÉOLOGIE OCCIDENTALE 2396

du mot. Il est possible de préciser quelle fut leur attitude par rapport aux ordinations des membres de l'Église d'État chalcédonienne, des melkites. et inversement l’attitude de l'Église impériale par rapport à leurs clercs.

Sans doute il y eut parmi les « monophysites » des passionnés sans formation théologique, qui n’hésitaient pas à considérer comme nulles les ordinations des melkites et à les réitérer à l’occasion. Mais Sévère d’Antioche († 538), le grand théologien du parti, s’est nettement opposé à la réordination des chaleédoniens qui passaient au monophysisme. Voir deux lettres de Sévère dans E.-W. Brooks, The 6t>> book of selected letlers of the li. Severus, trad., p. 171° sq., 295 sq. Sévère critique avec beaucoup d’exactitude la théorie de Cyprien et lui reproche de ne pas faire les distinctions nécessaires entre les différentes catégories de dissidents. En face de ce sens théologique de Sévère, il est pénible de constater que les chaleédoniens ont souvent raisonné sur les cas particuliers sans précision et sans principes. On sait comment la vigilance de Justinien qui avait interné aux abords de Constantinople les évêques monophysites, pour en finir avec le schisme, fut trompée par l’ingéniosité de ceux-ci et la connivence de l’impératrice Théodora ; comment, en particulier, Jacques Baradaï put reconstituer subrepticement l'épiscopat monophysite en Syrie et en Egypte. Sous le successeur de Justinien, Justin II (565-578) une vigoureuse campagne fut entreprise par les autorités civiles et religieuses pour venir à bout de cette nouvelle Église jacobite. Sur cette campagne voir les récits du monophysite Jean d’Asie, dans J.-M. Schœnfelder, Die Kirchengeschichte des Johannes von Ephesus, Munich, 1802. Le patriarche orthodoxe de Constantinople. Jean le Scolastique (565-577) se montra particulièrement ardent ; pour disqualifier les jacobites, il imposait la réordination aux clercs, aux prêtres, même aux évêques ordonnés par des prélats monophysites. C’est ainsi que Paul d’Aphrodisias, amené à Constantinople, y fut dûment chapitré, renvoyé dans sa ville épiscopalc, pour y être solennellement déposé, puis réordonné, par un évêque catholique et ce, malgré toutes ses protestations. Cf. V. Grumel, Les regestes du patriarcat de Constantinople, vol. i, fasc. 1, n. 258 ; comparer, n. 256 et 257. Des entreprises analogues tournèrent mal et l’empereur interdit de formuler pareilles exigences. Le patriarche dut reculer ; il se borna à exiger une imposition des mains purement cérémonielle, cette ysipoŒatoc, dont parlait PscudoJustin et que semble supposer le canon 8 de Nicéc. Il ne réussit pas complètement à généraliser cette pratique.

On le voit, il y a, dans la théorie et dans la pratique de Constantinople, qui de plus en plus donne le Ion à l'Église d’Orient, d’extraordinaires hésitations, qui semblent s'être prolongées plus que de raison. Faute d’une théologie sérieuse des sacrements, on reste liré aux improvisations et aux solutions particulières. 4. Abandon par l' Église grecque îles réordinations. Le moment approchait toutefois où l’on allait aboutir sinon à une théologie bien définie, du moins à une pratique uniforme.

Au début du vu 1 e siècle, le prêtre Timothéc, qui occupe à Constantinople une si i nation officielleil est skeuophylax — écrit un De rcceplione hæretirorum qui fournit, des diverses sectes hérétiques ou simplement dissidentes, un catalogue fort complet. /'. G., l. Lxxxvia col. Il sq. Il répartit les dissidents en trois catégories : ceux qui. pour rentrer dans l'Église, ont besoin du baptême ; ceux que l’on ne rebaptise pas. mais que l’on oint seulement du saint chrême ; ceux enfin que l’on ne baptise ni ne confirme et auxquels on demande seulement une abjuration. C’est eu somme la même

classification que celle proposée deux siècles plus tôt à Martyrius d’Antioche. Mais il est bien remarquable que, tandis que le patriarche du Ve siècle s’empressait d’ajouter que les gens que l’on reconfirmait devaient, s’ils étaient clercs dans la dissidence, être traités dans la Catholiea comme des laïques et donc être réordonnés, Timothée, au viie siècle, ne fait absolument aucune mention pour les clercs de cette exigence. Cette omission ne saurait être l’effet du hasard.

On en est tout à fait assuré quand on voit le texte de la consultation à Martyrius devenir le canon 95 du concile Quini-Sexte, mais à cette différence près — elle est énorme — que l’incise relative au traitement des clercs venant de ces hérésies que nous avons appelées mineures est purement et simplement supprimée. Lire le texte dans Beveridge, op. cit., t. i, p. 270 ; cf. P. G., t. cxxxvii, col. 840. Si l’on veut bien se reporter aux explications données à l’article QuiniSexte, ci-dessus, col. 1593, sur l’effort de codification du droit oriental que représente ce concile, on sera frappé plus encore de l’importance de cette omission. Après avoir tiop longtemps hésité, après avoir interprété de manière contradictoire les décisions disciplinaires de Nicée, l'Église grecque rejetait, sans éclat peut-être, mais de manière très déterminée la pratique des réordinations et la doctrine que supposait cette pratique. Cet abandon, il faut l’ajouter immédiatement, ne devait pas être sans retour.

La formation de la théologie occidentale.

En

Occident, c’est de meilleure heure que s'était constituée une doctrine formellement hostile aux réordinations.

On sait que le schisme donatiste est né, ou du moins a pris consistance, d’une théorie sur les sacrements étroitement apparentée à celle de saint Cyprien. Pour se séparer de Cécilien, l'évêque légitime de Cartilage, le parti de Majorin (qui deviendra le parti de Donat) a fait état de ce que Cécilien avait été consacré par un évêque « traditeur ». Le crime soi-disant commis par Félix d’Aptonge lui ayant fait perdre ipso facto ses pouvoirs d évêque et son pouvoir d’ordination en particulier, Félix n’a rien pu transmettre à Cécilien. C’est autour de ce fait, l’ordination de Cécilien par un prétendu traditeur, et autour de la doctrine qui servait à l’interpréter, que pendant tout un siècle les discussions vont s'éterniser en Afrique. Voir l’art. Donatisme, t. iv, col. 1701 sq.

Il a fallu quelque temps aux catholiques africains, un peu hypnotisés, il faut le dire, par le souvenir de saint Cyprien, pour se faire une religion sur la question de droit : un évêque pécheur public perd-il de ce chef ses pouvoirs sacramentels ? La discussion a surtout roulé sur la question de fait : Félix d’Aptonge a-t-il été vraiment traditeur ? Un esprit aussi résolu qu’Optât de Milève reste encore hésitant sur certaines applications de la question de principe. S’il est très ferme pour déclarer que les sacrements conférés chez des dissidents, simplement schismatiques, ont la même valeur que ceux qui se donnent dans la Catholiea : t’arcs credimus et uno sigillo signati sumus, nec aliter baptizali quant vos nec aliter ordinati quam vos, t. III, c. ix, éd. Ziwsa, p. 94, il insiste tellement sur la nécessité, chez le ministre des sacrements, d’une foi correcte, qu’il semble bien rejeter la valeur des rites qui ont été conférés par les hérétiques. I.. Y, c. iv, tout entier. Cette hésitation à tirer de la doctrine sacramentelle toutes ses conséquences, n’est pas, d’ailleurs, absolument spéciale à l'Église d’Afrique. Au lendemain des apostasies qui ont suivi le concile de Himini, les orthodoxes intransigeants déclarent que les évêques faillis sont indignes d’exercer leur charge, qu’il faut les réduire à la communion laïque. Les plus animés d’entre eux déclarent même que les prévaricateurs ont perdu leurs pouvoirs sacerdotaux ; que les baptêmes,