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BÊOHDINATIONS. AVANT NICÉE


î. Les réordinations dans l’ancienne Église jusqu’au vi c siècle. — 1° L'époque de la controverse baptismale ; 2° Le concile de Nicée ; 3° La tradition grecque entre le concile de Nicée et le Quini-Sexte. 1° La formation de la théologie occidentale. 5° L’attitude de la curie romaine.

1° L'époque, de la controverse baptismale (milieu du me siècle). — Cette controverse, relative à la valeur du baptême conféré en dehors de l'Église catholique et qui mit aux prises saint Cyprien de Cartilage et le pape saint Etienne, voir art. Baptême, t. ii, 219 sq., n’a touché qu’indirectement à la question de la validité des ordinations conférées par des dissidents et du traitement à imposer aux clercs ordonnés dans la dissidence et revenant à l'Église catholique. Toutefois elle soulevait un problème général qui domine le cas particulier : Que valent des sacrements administrés en dehors de la Catholica par des personnes ayant jadis reçu dans celle-ci le pouvoir de les administrer et qui sont, pour quelque raison que ce soit, de leur plein gré ou contraintes, séparées d’elle ?

Or, il est bien remarquable que, dès ce moment, s’affrontent deux conceptions : l’une est fort explicitement formulée par Cyprien, sur la pensée duquel aucun doute n’est possible, l’autre se déduit, avec plus ou moins de certitude, de certaines expressions du pape Etienne, rapportées par ses adversaires, d’ailleurs, et sur l’exactitude absolue desquelles on voudrait être plus au clair.

La conception de Cyprien, indéfiniment reprise dans les lettres relatives à cette question, formulée expressément dans les divers conciles tenus à Cartilage entre 254 et 256 séduit d’abord par son apparente logique : 'Les sacrements, rites de sanctification intérieure, ont été confiés par Jésus-Christ à l'Église, intermédiaire obligée entre Dieu et les hommes (cette dernière thèse s’est imposée à l’esprit de Cyprien lors des schismes qui ont accompagné et suivi la persécution de Dèce). Seule l'Église a le pouvoir de faire servir des rites extérieurs à la sanctification des âmes. Celui-là donc qui, abandonnant l'Église ou abandonné par elle, ne peut plus être considéré comme faisant partie de l'Église, n’a plus aucun pouvoir sur les sacrements. Avec quelque exactitude qu’il pose les rites traditionnels, les cérémonies qu’il accomplit ne sont que des parodies sacrilèges, qui n’ont absolument aucune valeur. » Telle est, à n’en pas douter, la pensée essentielle de Cyprien ; tous les arguments qu’il apporte de surcroît, dans une controverse où il s’est passionné plus que de raison, sont secondaires au regard de celuici, dont il faut bien que l’on reconnaisse la valeur.

Si l’on essaie de dégager — ce qui ne va pas sans difficulté — la pensée du pape Etienne, on aboutit à une conception diamétralement opposée. Les sacrements ont, pour ainsi parler, une valeur en soi, une efficacité qui tient à eux-mêmes. Que l’on nous passe l’expression, ils agissent un peu à la manière d’un talisman. Qui en a le secret, qui prononce avec l’exactitude désirable, dans les conditions prévues par le rituel, les formules qui les constituent, en faisant les gestes prévus, leur fait rendre immédiatement leur effet principal. Le prêtre, l'évêque, régulièrement ordonné dans la Catholica et qui abandonne celle-ci. emporte avec soi, dans son exode, le pouvoir de poser des rites sacramentels qui ne sont pas sans une certaine efficacité.

L’application de l’une et de l’autre de ces doctrines au baptême est obvie (on ne perdra pas de vue qu'à cette date il n’est pas encore question poure baptême d’autre ministre que de l'évêque et secondairement du prêtre ou du diacre). Pour Cyprien, le cas du baptême

administré chez les novatiens c’est d’abord autour de

celui-ci que la question fut soulevée ce cas est d’une

simplicité parfaite. Le ministre du baptême peut être un évêque, un prêtre jadis ordonné dans la Catholica. En quittant celle-ci, il a perdu tout pouvoir d’administrer un baptême valide ; il faut donc, à ceux qui ont été baptisés par lui dans la dissidence, conférer le baptême quand ils se présentent à l'Église catholique. A plus forte raison cette solution s’impose-t-elle, si le ministre de ce pseudo-baptême a été ordonné dans la dissidence par un évêque en rupture avec la Catholica. Ce dernier n’a pu conférer à son client qu’une pseudoordination, qui ne lui donne que de pseudo-pouvoirs. Que s’il s’agit non plus seulement de la secte novatienne, mais de sectes séparées depuis plus longtemps de l'Église, marcionites, valentiniens et autres, chez lesquels le schisme s’aggrave d’hérésies essentielles, il est trop clair que l’on chercherait vainement en ces conventieules l’ombre d’un effet salutaire produit par les sacrements qu’on prétend y administrer. On notera pour terminer que le même principe de Cyprien vaut contre la validité de l’eucharistie célébrée chez les dissidents, quels qu’ils soient, et l'évêque de Carthage n’a pas manqué d’expliciter cette conséquence.

Pour le pape Etienne au contraire et pour ceux qui se rallient à lui, le principe posé par eux veut que soit reconnue, d’une manière générale, et quoi qu’il en soit de certaines applications de détail, l’efficacité des sacrements administrés dans la dissidence par des ministres ayant reçu le pouvoir de les conférer. On reconnaît donc la validité du baptême des dissidents, posilis ponendis, celle de leur eucharistie (selon toute vraisemblance). Pour le rite correspondant à la confirmation nous ne saurions être aussi affirmatif ; il y a ici un problème assez délicat, sur lequel ce n’est pas le lieu d’insister en cet article.

Reste la question de la validité des ordinations conférées dans la dissidence, qui est proprement notre problème. Pour saint Cyprien, aucune hésitation n’est possible. L'évêque qui abandonne, volontairement ou contraint, l'Église catholique perd tout pouvoir de faire un acte valide de ministère. Si les baptêmes qu’il feint de conférer sont invalides, à plus forte raison ses ordinations. Et ceci, observons-le, n’est pas vrai seulement des évêques qui de leur plein gré. par brigue, par prurit de nouveauté, abandonnent l'Église. C’est le cas de ceux que l'Église rejette de son sein de manière explicite ou même en vertu de ce que nous appellerions aujourd’hui une sentence latse sententiæ. C’est par exemple le cas de l'évêque d’Assuras, Forlunatien, qui, au su de tous, a apostasie en 250, et prétend continuer à exercer ses fonctions, Epist., lxv, Martel, p. 723 ; à plus forte raison est-ce celui des évêques espagnols, déposés par leurs collègues pour diverses raisons et spécialement pour leur lâcheté dans la persécution. Epist., i.xmi, p. 757 sq. Le cas de tous ces gens est équiparé à celui des novatiens ; leur déposition régulière les prive de tous leurs pouvoirs. Telle était aussi l’opinion de Firmilien de Césarée. Cf. Cypriani. Epist, i.xxv, 22, Hartel, p. 824.

S’il est exact, comme le pape Etienne le prétendait, que le principe antagoniste soutenu par lui se réclamait dans l'Église romaine d’une tradition immémoriale et remontant aux apôtres, on devrait s’attendre à voir cette Église reconnaître sans ambages la valeur des ordinations célébrées en dehors d’elles, pourvu qu’un ministre ayant les pouvoirs nécessaires eût posé de manière convenable les rites traditionnels. Et, de fait, la reconnaissance de la validité du baptême conféré chez les dissidents implique, jusqu'à un certain point

étant donnée la pratique courante qui ne permet pas à des laïques d’administrer (validement) le baptême — la reconnaissance chez les dissidents d’une hiérarchie ecclésiastique faisant des actes sacramentels valides. Mais il faut se garder de transposer d’emblée