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RENÉ DE MO DE NE — RÉORDINATIONS


sérieux ne peut être apporté pour prouver que l’auteur de cet ouvrage ait été un capucin, et encore moins le P. René de Modène. Art. cité, p. 136-138. La cause de cette attribution devrait être cherchée, d’après le même P. Edouard, dans une confusion de ce recueil avec l’Index varielalum expurgandarum, qui est vraiment du P. René de Modène. Le P. Edouard écrit toujours à tort : Index vanitatum.

Quant au sort échu à l’ouvrage Contra Judœos, cité plus haut, que René de.Modène avait composé après sa conversion, avant d’entrer chez les capucins, voici le récit qu’en fait le P. Edouard d’Alençon, art. cit., p. 135. En allant au noviciat à Ravenne, le P. René laissa son manuscrit chez son ami et protecteur Carandini. Une fois profès, ses supérieurs l’envoyèrent au couvent de Sassuolo et en s’y rendant il passa par Modène, où il visita Carandini, qui lui remit son manuscrit. Le volume sous le bras, il entra au couvent de Sassuolo, où il rencontra le Père gardien, qui, soit pour punir son sujet d’avoir repris ce manuscrit sans permission, soit pour mettre à l'épreuve son obéissance, lui commanda de le jeter au feu ; ce que le religieux fit aussitôt. On ne peut qu’admirer la vertu du P. René, tout en blâmant l’imprudence du gardien. Que contenait ce manuscrit ? Nous ne le saurons jamais. Le P. René mourut en 1628 au couvent de Reggio en Emilie.

Massimo Bertani du Valenza, Annali dell’ordine de' fr. min. cappuccini, .Milan, 171 '.. t. iii, 3e partie, p. 39-40 ; t Mussini, Memorù storich : sut cappuccmi I nulii n ( lzï-a 1629), t. I, 1° éd., Parme, 1908, p. 190-192 ; 2° éd., Panne, 1912, p. 145-151 ; Tiraboschi, Biblioteca Modenese, t. iv, Modène 178'?, p. 222 sq. ; Edouard d’Alençon. De la synagogue au couvsnt. Noies bio-bibliographiques sur le I'. René de Modène, d’abord rabbin, puis capucin, dans Études franciscaines, 1913, t. xxix, p. 131-139 ; A. Mercati, Notiziola su I'. Reiialo da Modena, dans Bollctlino francescano sloricobibliografico, 1930, t. i, p. 193-19 1.

A. Teetært. RÉOROINATIONS. — Le concile de Tronic a défini, sess. vii, can. 9, que « le baptême, la confirmation et l’ordre impriment dans l'âme de qui les reçoit un caractère, c’est-à-dire un signe spirituel indélébile, et que, dès lors, ces sacrements ne peuvent être réitérés ». Denzinger-Bannwart, n. 852. Parlant d’une manière plus spéciale de l’ordre, il définit que « ce sacrement imprime un caractère et que, dès lors, celui qui a été prêtre ne peut redevenir laïque ». Sess. xxiii, can. 1, Denzinger-Bannwart, n. 96t. Par ailleurs, il enseigne encore, à la sess. vii, que la validité d’un sacrement ne dépend ni de la dignité intérieure du ministre (peu importe qu’il soit ou non en état de grâce), ni même de la rectitude de sa foi, can. 12. Dès là qu’un ministre investi des pouvoirs nécessaires a posé les actes essentiels du sacrement avec une intention (au moins générale et implicite) de faire ce que fait l'Église, can. 11, 1e sacrement est validement conféré et sort tous ses effets, dans la mesure, bien entendu, où les dispositions du sujet qui le reçoit n’y mettent pas obstacle. Denz.-Bannw., n. 854, 855.

Si, négligeant la question du baptême et de la confirmation, on applique ces définitions générales au sacrement de l’ordre, on arrive aux résultats suivants : l’ordination conférée à un sujet d’ailleurs idoine par un évêque même hérétique, même schismatique, à plus forte raison par un évêque qui m serait qu’indigne, donne à ce sujet tous les pouvoirs de son ordre, à condition que soit respecté par cet évêque le rituel essentiel de l'Église et que cet évêque ait par ailleurs l’intention de faire ce que fait l'Église. C’est en vertu de cette doctrine, qui nous paraît être sinon de foi définie, au moins théologiquement certaine, que l'Église romaine reconnaît sans ambages la validité des ordinations des diverses Églises orientales. Que si un su jet ordonné diacre, prêtre, évêque dans l’une de ces Églises revient à l’unité catholique, il n’a point, pour exercer validement son ministère, à se soumettre à une nouvelle ordination. Si l'Église romaine n’a pas cru pouvoir reconnaître de la même manière la validité des ordinations anglicanes, c’est faute d’avoir constaté dans les premiers fondateurs de l' « Église établie », qui furent la source directe de tout l'épiscopat et de tout le sacerdoce anglican, cette < intention de faire ce que fait l'Église », déclarée absolument indispensable par le concile de Trente. Cf. l’art. Ordinations anglicanes.

Ainsi la doctrine catholique, telle qu’elle se formule depuis le concile de Trente, prohibe absolument toute réordination. Le concile d’ailleurs n’a fait que canoniser une doctrine courante des théologie). s de l'âge classique. Mais force est bien de reconnaître quc cette doctrine n’a pas toujours revêtu un caractère aussi tranché. Non seulement l’histoire ecclésiastique signale des cas assez nombreux où ont été pratiquées des réitérations de l’ordre que nous n’hésiterions pas à considérer aujourd’hui comme des réordinations au sens le plus strict du mot ; elle montre aussi, qu’au moins à une certaine époque, des théories ont été échafaudées pour défendre le bien-fondé de pratiques que nous considérerions aujourd’hui comme abusives. A un moment donné, deux théories ont été nettement en conflit ; c’est l’une d’elles qui a triomphé avec les grands scolastiques et le concile de Trente ; mais l’autre avait été imaginée et soutenue par dis car.onistes et des théologiens qui n'étaient point Us premiers venus.

Toutefois, il faut bien se garder de faire plus grand que de raison l’hiatus entre ces deux doctrines. Ceuxlà mêmes qui étaient favorables à la pratique et à la doctrine des réordinations n’entendaient pas dire que l’ordination régulièrement conférée pût être réitérée ; en d’autres termes ils n’auraient pas nié la doctrine du caractère sacramentel, laquelle, dans ses précisions, est de date postérieure. Ce sur quoi ils différaient d’avec nous c'était sur l’explication de ces mots : « régulièrement conférée ». Ce qu’ils affirmaient, c'était que, pour conférer validement l’ordination, un ensemble de conditions était exigé dans le ministre qui se ramenaient en dernière analyse à l’appartenance à l'Église. Ces conditions n'étant pas remplies, même si les cérémonies extérieures de l’ordination avaient été strictement observées, le sacrement était nul ; celui qui l’avait reçu demeurait en réalité un laïque ; que si l'Église voulait ultérieurement l’utiliser comme clerc, elle devait le soumettre à une ordination qu’il fallait bien se garder d’appeler une réordination. Ainsi, agissait autrefois saint Cyprien dans la question du baptême des dissidents ; il se défendait énergiquement de rebaptiser les hérétiques, il leur administrait pour la première et dernière fois l’unique baptême, la cérémonie à laquelle ils avaient été soumis, lors de leur initiation à une secte dissidente, n’ayant été qu’une parodie sans efficacité.

L’histoire de la pratique et de la doctrine des réordinations touche, on le voit d’abord, à plusieurs points essentiels de la dogmatique des sacrements : conditions de validité, dispositions du ministre, dispositions du sujet. Elle a été faite avec une extraordinaire maîtrise par L. Saltet, Les réordinations. Élude sur le sacrement de l’ordre, Paris, 1907, auquel nous aurons fréquemment l’occasion de nous référer, encore que nous nous écartions parfois de lui.

I. Les réordinations dans l’ancienne Église qusqu’au vie siècle). IL Pratique des réordinations dans le haut Moyen Age (du vu" au ixe siècle) (col. 2399). III. Pratique et doctrine des réordinations au début de l'âge scolastique (du xie au xme siècles) (col. 2411).