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REMI D’AUXERRE — REMI DE’GIROLAMI
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Son activité de professeur et d’écrivain fut grande, aussi bien dans l’ordre de la théologie que dans le domaine plus profane de la philosophie et de la grammaire. Toutefois l’étude de son œuvre présente une difficulté particulière du fait que dans l’ensemble du rayonnement de cette école auxerroise, qui fut à cette époque fort brillante, on a de la peine à discerner ce qui lui revient à lui personnellement. Ces Auxcrrois se copient les uns les autres, semblant avoir mis charitablement en commun toute leur fortune intellectuelle. D’autre part, beaucoup de leurs travaux étant des gloses inter ou intra-linéaires d’auteurs étudiés en classe, nous sont parvenus en manuscrits anonymes, un grand nombre d’ailleurs encore inédits. Il n’existe pas d’édition complète des œuvres de Rcmi : Migne en a publié quelques-unes au t. cxxxi de la P. L. Nous devrons nous tenir dans cette notice à ce qui paraît certain.

Son œuvre théologique comprend d’importants commentaires sur la Genèse et sur les Psaumes. D’autres commentaires lui sont attribués mais on ne peut dire avec certitude s’ils sont de lui, d’Haimon ou de quelque autre Auxerrois. A la suite, P. L., t. cxxxi, col. 843 sq., Migne donne un Traclatus de dedicatione Ecclesiæ, d’après Martène, et quelques homélies sur des textes de saint Matthieu. Pour VExposilio missæ, il renvoie aux œuvres d’Alcuin parmi lesquelles elle se trouva en effet confondue de bonne heure. Elle constitue le chapitre xl d’un De divinis officiis, P. L., t. ci, col. 1246, attribué à Alcuin et qui en réalité est une compilation de morceaux divers. Cf. dom Wilmart, art. Expositio Missse dans Diclionn. d’archéol., t. v, col. 1026, et P. Moncelle, art. Alcuin, dans Dictionn. d’histoire, t. ii, col. 38.

A ces œuvres théologiques il faut joindre un commentaire des Opuscula sacra de Boèce. Cf. dom Cappuyns, Le plus ancien commentaire des Opuscula sacra dans Recherches de théologie ancienne et médiévale, juillet 1931. On trouvera, dans le même article, de très utiles indications concernant les leçons de Rémi sur diverses parties du Trivium et du Quadrivium, spécialement la grammaire et la dialectique. Il se présente comme un disciple de Jean Scot mais beaucoup moins hardi que son maître et toujours soucieux de l’orthodoxie. Ses gloses sur Boèce, sur Martianus Capella, sur Donat, etc. constituent un chaînon important de la transmission de la culture antique jusqu’au Moyen Age.

Dom Cappuyns, op. cit., nombreuses références aux parties publiées des œuvres de Rémi ; du même, Jean Scol Érigène, Louvain, 1933 ; Laistner, Thnuqht and Letters in Western Europe, A. D. 500-900, p. 212 ; Manitius, Geschichle der tatein. Liter. des M. A., t. i, 1911, p. 504-519 (étudie surtout l’œuvre grammaticale de Rémi) ; du même, une notice dans Neues Archiv, t. xlix, 1932, p. 172-183 ; Silk, Sieculi noni in Boetii consolationem philosophiæ commentarius, Rome, American Academꝟ. 1935.

H. Peltier.

REMI DE’GIROLAMI (1235-1319), théologien et philosophe dominicain. Né à Florence, il appartenait à la noble famille Chiaro de’Girolami : d’où les deux noms de Clari ou de Hieronymei sous lesquels il fut jadis parfois désigné. Il fit ses études à Paris, où il suivit les leçons de saint Thomas, dont il devait rester le disciple fidèle. Toute sa carrière s’écoula dans sa patrie, au couvent de Santa Maria Novella, dont il devint deux fois prieur (1294-1313), mais où il se distingua surtout dans l’enseignement et eut l’honneur de compter le jeune Dante parmi ses élèves, non sans prendre part, à l’occasion, par la parole et la plume à la vie de la cité. Ses œuvres furent considérables autant que variées, mais sont restées inédites. La bibliothèque de Florence conserve aujourd’hui les

manuscrits du couvent de Santa Maria Novella qui en contenaient, au moins en majeure partie, la collection.

Outre des poésies religieuses, en langue soit latine soit italienne, on y trouve trois longues séries de sermons, où brillent également l’éloquence et la piété. Il subsiste encore de lui des Postillee super Cantica canticorum, où l’on relève cette déclaration qui indique son tempérament : Majus enim dampnum pâli videtur moderna Ecclesia ex solliciludine et cura lemporalium quam passa fuerit Ecclesia primiliva ex perseculione impia tyrannorum.

Des quæsliones par lui consacrées à divers sujets de métaphysique et de théologie il existe, composée, croit-on, par ses propres soins, une Quædam extraclio ordinata per alphabelum. Elle se complète par plusieurs dissertations spéciales, dont un Tractatus de modis rerum et deux Quodlibeta comprenant une trentaine d’articles. Sa Determinatio de uno esse in Christo a été publiée par M. Grabmann, dans Miscellanea Thomista, Barcelone, 1925, p. 257-277. Le système thomiste y est partout suivi et, au besoin, défendu.

Plusieurs de ses ouvrages portent sur des points de doctrine morale ou sociale. Ainsi deux opuscules De misericordia et De justitia ; un plus étendu De contrarielate peccati et un autre De peccalo usuræ, avec un supplément sur les mercationes ad terminum ; un vaste commentaire du décalogue intitulé De via paradisi. Quelques-uns touchaient à des questions politiques d’actualité : notamment son De bono pacis et, plus encore, son De bono communi, où il soutient jusqu’au paradoxe la prépondérance de la collectivité, civile ou ecclésiastique, sur l’individu.

Son traité le plus curieux est le Contra falsos Ecclesiæ professores, Cod. 940 C 4, fol. 154-196, synthèse apologétique originale, voire même parfois bizarre, où l’auteur s’efforce de retrouver allégoriquement dans l’Église, en 99 chapitres, les caractères éminents de toutes les sciences et arts humains. Au passage, il y expose abondamment, avec de larges appels à la philosophie d’Aristote, sa conception des rapports entre l’Église et l’État. En démontrant combien l’Église est magna auctorilale, c. 6 sq., Rémi soutient, c. 18, quod auctoritas papæ excédai omnes hujus mundi auctoritatis. Principe dont il précise ensuite la portée : comme celle de l’Église, la juridiction du pape en matière temporelle ne doit pas s’entendre principaliler et directe, c. 19 sq., mais bien indirecte et in communi, c. 37, c’est-à-dire, explique-t-il en cours de route, seulement ralione delicti vel defeclus judicis principalis. L’auteur va plus loin quand il s’agit de l’empereur. Tant que celui-ci est en fonction, dès là que les deux pouvoirs sont distincts et viennent chacun de Dieu, le pape ne peut étendre sur lui son autorité si ce n’est indirecte quodammodo et médiate. Il en est autrement lorsque le souverain fait défaut. Ce qui peut arriver, non seulement par la mort, mais per jusliliæ subtractionem vel dilalionem, per causai ambiguitalem vel diffîcullatêm, propler connexilalem ad causant ecclesiaslicam, propler suspicionem judicis, sans oublier la coutume et les privilèges consacrés pai le droit. Dans tous ces cas, et il est aisé de voir qu’ils sont aussi souples que multiples, le pouvoir spirituel peut intervenir directe pour suppléer d’office le temporel.

Malgré cette immense extension donnée à la puissance pontificale, Rémi de’Girolami se tient plutôt sur la ligne modérée de son maître saint Thomas, sans aller, au total, jusqu’aux thèses extrêmes qui caractérisent la théorie du pouvoir direct.

Notice dans Quétif-Échard, Scriptores ordinis Prædicatorum, Paris, t. i. col. 1719. D’autres plus modernes sont relevées dans U. Chevalier, Répertoire, col. 3927, mais qui ne sont pas davantage au point. Seules méritent de compter les études faites sur les sources : V. Finesclii, Vila di Fra