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    1. RELIQUES##


RELIQUES. DOCTRINE ACTUELLE

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Le sort des reliques.

Les corps saints avaient

traversé sans trop de dommages les désordres du Moyen Age, à cause de la dévotion générale qui veillait sur elles, et qui, au pis aller, enrichissait toujours un nouveau sanctuaire des dépouilles du premier. Mais, à l’époque moderne, où les railleries des Réformés, de Voltaire et des Encyclopédistes avaient refroidi la foi d’un grand nombre, les reliques ont eu beaucoup à souffrir des guerres et des révolutions de l’Europe. Sans parler des guerres de religion, où les protestants français pillèrent et brûlèrent tant de trésors d’églises dans le midi et le centre de la France, la Révolution française, confisquant les reliquaires d’or et d’argent pour la monnaie, ceux de. cuivre pour l’armement des troupes, dispersa beaucoup de reliques. Quelques-unes, comme le corps de sainte Marguerite-Marie à Parayle-Monial, furent mises dans de vulgaires caisses en bois et cachées dans des greniers ; elles reprirent leur place dans les églises dès le retour de la paix religieuse. D’autres restèrent bien plus longtemps à la garde de pieuses personnes, comme celles de beaucoup de cathédrales et de grands monastères de France, qu’on prit le soin d’authentiquer par la suite. Mais la Révolution fit aussi des martyrs, et bien que les exécuteurs des hautes œuvres eussent pris soin de supprimer les reliques ou de jeter les corps des condamnés à la fosse commune, les églises s’enrichirent ainsi de souvenirs bien vénérables, d’autant plus émouvants qu’ils venaient de martyrs récents et connus : Nobis /amiliares sunt , nobis enim commorantur. Le pèlerinage aux îles d’Aix et les pieuses visites à l’église des Carmes à Paris renouvellent à dix siècles d’intervalle les gestes des fidèles de France en l’honneur de leurs martyrs. L’expansion des missions en pays païens au xixe siècle a fait aussi des martyrs, parmi les missionnaires et leurs néophytes, dont les reliques sanglantes enrichissent les maisons religieuses de France et de tous les vieux pays catholiques. Il faut adjoindre à ces saintes reliques celles des bienheureux et des saints canonisés en si grand nombre depuis une centaine d’années. O vere beala mater Ecclesia, quam sic honor diuinse dignationis illuminât ! Floribus ejus nec rosæ nec lilia désuni ! Bède le Vénérable, Sermo xviii, de Sanctis. La guerre européenne, elle-même, qui a obligé plusieurs grandes églises envahies à mettre pour un temps leurs reliques en sûreté à l’étranger, a eu comme résultat inattendu d’occasionner des restaurations de sanctuaires dévastés, et les travaux entrepris à la cathédrale de Reims ont amené inopinément la découverte du corps de saint Albert.

Mais l’invention de nouvelles reliques au xixe siècle est duc surtout aux progrès de l’archéologie chrétienne et aux fouilles intelligentes entreprises à Rome dès le début de ce siècle, à Carthage et dans l’Afrique chrétienne depuis l’occupation française, à Jérusalem depuis la fin du même siècle, en France même et dans les pays danubiens depuis la fin de la grande guerre.

Authenticité des reliques.

De 1800 à 1840, beaucoup

de reliques douteuses provenaient des catacombes fie Rome avec la permission plus ou moins expresse des Congrégations romaines. « Avant De Rossi, écrit le P, Delchayc, bollandiste, la plupart des érudits qui s’engagèrent dans les catacombes romaines sans avoir des critères assez sûrs pour discerner les centres de culte, crurent découvrir des corps saints dans une foule de tombes devant lesquelles les pèlerins des temps

intiques n’avaient jamais songé à s’arrêter. Ces ieli

ques, pour le moins douteuses, lurent vivement recher chées… L’exemple le plus connu est celui de sainte Philomène, dont l’insignifiante épitaphe : lumena Paxlecumfl a suggéré les combinaisons les pins ingé nieuscs… On en arrive aujourd’hui à constater que le corps que l’on a trouvé en 1802 n’est pas celui de

Philumena inscrite sur l’épitaphe ; ce n’est pas celui d’une martyre, mais d’une personne ayant vécu probablement au ive siècle et en pleine paix. » Delehaye, Légendes hagiographiques, p. 97, et Analecla bollandiana, 1905, p. 120. « On trouvera peut-être que l’autorité ecclésiastique aurait dû protéger, mieux qu’elle ne l’a fait, la foi des simples contre de pareils égarements… Quiconque aie souci de la pureté du culte des saints ne peut, en effet, que regretter de voir ainsi la piété des fidèles se tromper d’objet. Mais il en est de cet abus comme de tant d’autres : il est beaucoup plus facile de le signaler que de le déracinei. » Vacandard, loc. cit., p. 143.

Voilà pourquoi l’Église romaine, qui a toujours eu soin de dégager sa responsabilité en matière d’authenticité des reliques, laisse à la surveillance des évêques et aux discussions des savants catholiques le soin de discerner les reliques vraies de celles qui sont certainement fausses, et de celles qui, sans être assurément authentiques, sont cependant respectables et traditionnellement vénérées. Dans une lettre restée célèbre, Mabillon, au xviie siècle, proposait les cinq règles suivantes : a) on conclura à l’authenticité si l’objet en lui-même est digne de vénération ; b) pareillement, si les évêques du temps où les reliques ont été exposées n’ont rien dit, on suppose qu’ils n’ont pas autorisé sans fondement la vénération de ces reliques ; c) l’objet étant supposé vénérable, il y a peut-être lieu d’émettre un doute sur la vérité de la relique ; d) dans ce dernier cas, qu’on ne se laisse influencer que par des preuves claires, certaines, évidentes ; e) et même, avec de telles preuves contre la vérité des reliques, il faudra voir si la suppression ne causerait pas plus de mal que la tolérance de l’abus. La première et la troisième de ces règles sont fondées sur la notion d’authenticité relative suffisante pour en faire l’objet d’une vénération relative également ; la deuxième et la quatrième font état, peut-être à l’excès, de la force de la tradition cultuelle, possession locale, perpétuelle et active ; la dernière règle s’inspire de l’enseignement catholique sur le culte des reliques, qui, en définitive, s’adresse au saint lui-même.

Au xviie siècle également, une œuvre hagiographique considérable fut entreprise par Bollandus et ses continuateurs : les Acta Sanclorum. Bien que leur attention se porte principalement sur l’édition critique des anciennes vies des saints, et l’examen des faits qu’elles rapportent, les préfaces qu’ils donnent dans chaque cas mentionnent les principaux gîtes des reliques du saint et souvent cherchent à fixer l’origine et la valeur de la tradition.

Doctrine concernant les saintes reliques.

1. La

documentation positive. — A l’époque actuelle, c’est surtout la doctrine positive du sujet qui a retenu l’attention des savants catholiques ou même protestants Et encore faut-il constater qu’elle a été abordée indirectement à propos de recherches archéologiques ou hagiographiques. En effet De Rossi, dans son Bulletin d’archéologie sacrée, et ses continuateurs, Le Blant, Allard, Marucchi, Grisar, etc., en conclusion des notices qu’ils ont rédigées sur les inscriptions chrétiennes, sur les catacombes, sur les monuments du Moyen Age, n’ont pas été sans risquer quelques synthèses sur le développement du culte des reliques à ces mêmes époques. Ces études fragmentaires ont donne a l’abbé Vacandard, à rencontre d’un pamphlet de Saintyves : Les saints successeurs des dieux, l’occasion de résumer les formes successives de ce culte dans l’antiquité chrétienne. De même, le P. Dclehaye, dans ses recherches sur les légendes hagiographiques, côtoie à chaque instant l’histoire des reliques. Les uns et les autres ont éclairé les usages populaires par des emprunts aux sermons et aux livres des Pères du ive et du