Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.2.djvu/474

Cette page n’a pas encore été corrigée
2361
2362
RELIQUES. L’ENSEIGNEMENT DE L'ÉCOLE


même simplement représentatives : toute relique est pour nous un mémorial des saints, aliquid ad sanctos perlinens ; la seconde est une raison plus intime encore, si l’on peut dire, mais qui ne s’applique qu’aux reliques réelles : les corps saints ont été sanctifiés, ils sont aliquid sanctorum : enfin la troisième partie, simple appendice de la démonstration, n’est qu’une preuve quia : Dieu fait des miracles devant les reliques des saints, qui pour autant se manifestent comme aliquid Dei. Tout l’article va à démontrer que les reliques sont en relation avec les saints, avec le Christ et avec Dieu ; mais les réponses de saint Thomas sont différentes, comme il se doit, selon qu’il envisage les reliques en général en rapport avec les fidèles, les corps des saints en rapport avec les saints eux-mêmes, et ces mêmes reliques en rapport avec Dieu.

a) La première preuve prend résolument son point de départ dans le vif du sens humain : « Celui qui est affectionné pour quelqu’un, vénère aussi les choses que cette personne a laissées d’elle-même après sa mort » ; vue profondément humaine, qui était sous-jacente à la pensée des anciens docteurs, pour lesquels la relique était le saint lui-même, mais que saint Augustin avait mise en lumière ; pour lui, comme pour saint Thomas, la relique est un intermédiaire sans doute, un succédané, mais concret et permanent de l'être aimé ; bien loin de faire écran, elle maintient le contact avec lui. Aussi est-ce cette bL’lle pensée de saint Augustin, De Civit. Dei, t. I, c. xiii, que nous voyons reparaître après un long oubli, dans la théologie des reliques. Sans doute le saint docteur retendait à toutes les relations d’amitié, aussi bien au culte familial des défunts qu’au culte religieux des saints ; et c’est bien ainsi que la prend saint Thomas, qui en fait la majeure de son raisonnement. « Or, continue-t-il, nous devons avoir de la vénération pour les saints de Dieu », pour quatre raisons qui se commandent l’une l’autre : ce sont des membres du Christ, et donc les fils de Dieu, fils de Dieu et donc les amis de Dieu, amis de Dieu et donc intercesseurs près de Dieu pour nous. C’est, mise en ordre plus théologique, l'énumération que le Damascènc avait faite des titres des saints. Ceux-ci donc sont les vrais objets de notre vénération ; leurs reliques ne sont que l’occasion, l’excitant et le signe de cette vénération. Nous devons donc, en souvenir d’eux, vénérer dignement tout ce qu’ils nous ont laissé. » Il y a bien une relation réelle — puisque c’est une vraie relique — entre cet objet et le saint qui nous l’a laissé, et c’est cette relation qui nous permet de l’atteindre en lui et par 'ui. Cependant cette relation n’ayant pour but que de rappeler le souvenir du saint à notre pensée, est conçue ici par saint Thomas comme purement morale. Il ne suppose aucune sanctification de la relique, il ne lui reconnaît aucune dignité intrinsèque. Aussi n’a-t-il pas jugé utile de reprendre l’assertion du pseado Augustin, que « les chaînes de saint Pierre eussent été sanctifiées au contact de ses membres, o II suflit que la relique ait eu un rapport, aussi lumsitoire et banal qu’on voudra, avec le saint qu’on honore : elle sera efficace dès lors « pour exciter à l’aimer et pour signifier l’amour qu’on a pour lui ». Suarez, Opéra omnia, édit. Vives, t. xviii, p. (355. Celte relation se retrouve donc dans les reliques les plus parcellaires et dans les simples reliques représentatives, c’est-à-dire « dans toute espèce de reliques », reliquias quidescumque. Et quel culte rendrons-nous à ces reliques ? Honore congruo venerari debemus. Saint Thomas ne précise pas plus que saint Honaventure ; mais la portée de cette première preuve ne revendique pour elles qu’un culte relatif, comme le rôle qu’elles tiennent à notre égard, qui est celui d’un miroir ou d’un mémento ; notre vénération ne s’arrête donc pas à elles, et cependant pas ; e par elles : elles ne la reçoivent en

quelque sorte que pour la transmettre aussitôt aux saints dont elles tiennent la place et « nous rappellent le souvenir ».

b) La seconde preuve de saint Thomas est d’ordre plus strictement objectif : elle est prise de la réalité physique de certaines reliques, et va à leur reconnaître une dignité et sainteté intrinsèques ; mais elle n’est appliquée expiessément qu’aux corps des saints. Cette dignité propre aux corps des martyrs était une chose entendue depuis longtemps, quoique obscurément, par la dévotion populaire, et elle avait été revendiquée par saint Augustin déjà, dans le texte cité, mais plutôt par une considération a fortiori : « Si le vêtement d’un père est cher à ses enfants qui ont pour lui de l’attachement, ils ne doivent aucunement mépriser son corps même, qui lui fut, à lui, beaucoup plus familier que toute espèce de vêtements ; son corps fait partie en effet de sa propre nature d’homme. » La pensée du docteui africain se tournait insensiblement des rapports d’amitié des enfants pour leurs parents, aux rapports d’unité des hommes avec leurs propres corps. Saint Thomas reprend la même direction de pensée, et considère les reliques corporelles en elles-mêmes ; mais sa démonstration est d’autant plus neuve qu’il analyse plus profondément la part nécessaire du corps des saints dans la sainteté des saints en tant que tels : « Nous devons surtout honorer leurs corps qui furent les temples et les organes du Saint-Esprit habitant et opérant en eux, et qu’au corps du Chiist ils doivent être configurés par la glorieuse résurrection. » Temples et instruments de l’Esprit-Saint dans leur personne tout entière, dans leur âme principalement, et appelés ainsi à la gloire future, ils le sont secondairement dans leurs corps restés sur la terre. C’est dire implicitement que ces corps eux-mêmes, que ces reliques de premier ordre, ont reçu et conservent une sanctification intrinsèque, et donc que 'lwnor congruus qui leur est dû de ce chef, s’arrête en partie à ces corps saints, à cause de leur éminente dignité. Bien plus que la bénédiction de l'Église, ils ont reçu la sanctification de Dieu. Il y a là une considération particulière aux reliques réelles, qui leur assure une place plus haute dans notre estime que toutes les images des saints : et c’est là ce qui justifie le rang privilégié que les docteurs du Moyen Age ont toujours assigné, du moins en Occident, au culte des reliques au-dessus de celui des images. Saint Thomas voit-il dans cette sainteté des reliques corporelles le fondement d’un culte absolu quoique inférieur à celui que nous devons au saint lui-même ? Il y aurait moins répugné assurément pour les reliques que pour les saintes images ; car, pour lui comme pour le peuple chrétien, les corps saints, même considérés ul res, étaient aliquid sancti et aliquid sanctum. Peut-être aurait-il admis la distinction de saint Honaventure : les reliques corporelles sont l’objet d’un certain culte, sans en être la fin. Sans doute, à l’article 3 de la même question, il enseigne que « la révérence n’est due qu'à la créature raisonnable », et à l’article 5, il dit que « les créatures insensibles sont incapables d'être vénérées pour elles-mêmes » ; à la solution 2 du présent article, il précisera bien que le culte chrétien ne peut s’arrêter finalement à un corps inanimé, mais bien à l'âme des saints et à Dieu, leur maître. Or ces principes vont à dire que l’excellence des saints est la raison première et la fin du culte rendu à leurs reliques. Mais celles-ci ne peuvent-elles être vénérées avec le saint lui-même, comme on honore d’un même culte le roi et son vêtement ? En fait, saint Thomas ne s’est pas posé, comme pour les saintes images, cette question précise : doit-on rendre aux saints et à leurs reliques le même culte spécifique ? Mais le principe qu’il énonçait plus haut : le culte s’adresse toujours à la personne, peut se compléter par cette mineure : or les corps des saints sou-