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RELIQUES. L’EGLISE ORIENTALE


évêques. « On a tort de ne pas laisser à chaque ordre son rang et sa révérence ; aussi faut-il en revenir à l’ancienne et solennelle coutume, qui veut qu’aux fêtes et aux jours où l’on doit porter I’ « arche du Seigneur » avec les reliques, ce ne soient pas les évêques, mais bien les lévites qui la portent sur leurs épaules, comme c’était prescrit aux lévites de l’Ancienne Loi. Que si l’évêquc veut lui-même porter les reliques, qu’il ne se fasse pas porter en litière par les diacres, mais qu’il aille plutôt à pied avec le peuple en procession aux saintes assemblées, et que les saintes reliques de Dieu, sanctse Dei reliquiee, soient portées par le même évêque. » lbid., col. 589.

5. Avec le 11e concile de Nicée (787), nous voyons la querelle iconoclaste se fermer sur une affirmation très sûre de sa possession séculaire du culte des corps saints, singulièrement des guérisons opérées par eux : « Notre Sauveur nous a laissé les reliques qui continuent à répandre sur les malades des bienfaits de toutes sortes… Ceux donc qui osent mépriser ou jeter les saintes reliques de martyrs, qu’ils soient anathèmes. » Mansi, ConciL, t. xiii, col. 380 B.

V. Dans l’Église orientale du vii c siècle a nos jours. — 1° Le culte. — Le culte des saintes reliques devait prendre en Orient des développements d’autant plus considérables, aux vie et viie siècles, que la division des corps saints s’y pratiquait sans aucune retenue. Sur ces restes sacrés on a construit de magnifiques basiliques où les honneurs les plus grands leur sont prodigués par les peuples et par les empereurs. On se souvient des consignes de Jean Chrysostome : « Les sépulcres des serviteurs du Crucifié sont désormais plus splendides que les cours royales ; ce sont des édifices plus vastes, plus beaux, car ils l’emportent déjà à ce point de vue sur les palais ; mais, ce qui est bien mieux, ils sont plus fréquentés. Celui-là même qui est revêtu de la pourpre [impériale ] se rend à ces tombeaux, pour y poser ses lèvres ; il rejette son faste, et se tient en suppliant pour prier les saints de lui être secourables près de Dieu ; pour qu’un faiseur de tentes et un pêcheur, nioits depuis longtemps, lui servent de patrons, l’empereur prie, ceint du diadème ! … Cela se passe à Rome, mais on peut le voir aussi à Constantinople. Ici, en effet le fils même de Constantin le Grand a pensé faire à son père un grand honneur en déposant sa dépouille dans le vestibule du Pêcheur. Les empereurs ont leurs janissaires, dans leurs palais ; mais ici les empereurs sont les portiers du Pêcheur. » In Episl. II ad Cor., hom. xxvi.

Doctrines des iconoclastes.

Il faut noter d’ailleurs

que le courant des controverses iconoclastes a fait porter les discussions bien plus sur le culte des images que sur le culte des reliques. Léon l’Isaurien et les premiers briseurs d’images ont laissé les moines et les fidèles en possession tranquille de leur dévotion traditionnelle pour les corps saints, dévotion qu’ils continuaient à partager eux-mêmes, sans se soucier de leur illogisme, sans demander aux orthodoxes des apologies qui eussent semblé oiseuses. Il en résulte que les théologiens semblent faire plus de cas des images que des saintes reliques. Il suffit pourtant de considérer le t on des prédicateurs et l’attitude des dévots pour constater que, dans la conscience de cette Église orientale, une hiérarchie de dignité se maintient fidèlement entre le culte des saints eux-mêmes, de leurs reliques, de leurs images. El c’est justement parce que ce dernier culte était la dernière dérivation de la religion et la plus sujette aux abus, qu’elle a concentré sur elle les attaques des théologiens de cour et les réponses triomphantes de ceux qui lisaient mieux dans l’âme des croyants. Voir l’art. IcONOCLASME.

Pourtant le fils de Léon l’Isaurien, Constantin V surnommé Copronyme, voulut aller plus loin ; il s’attaqua, non seulement aux images, mais encore aux

reliques des saints. Seulement les trois cent trente-huit évêques du concile de Hiéria ne voulurent pas le suivre dans sa lutte contre les reliques ; ils osèrent même glisser dans leurs anathèmes un désaveu formel de ses erreurs, et sur ce dernier point, le second concile de Nicée devait, en 787, réunir trois cent trente-sept membres, et assurer, une fois de plus, que « nous adorons respectueusement les images de la croix et les reliques ; que nous recevons, saluons, embrassons et adorons d’un hommage d’honneur les images des saints ». La nécessité d’une réhabilitation des icônes obligeait les Pères du concile à accentuer les déclarations en leur faveur. De telles déclarations ne pouvaient qu’encourager les orthodoxes à user des images dans le service liturgique : en 804, Michel le Bègue signale que des prêtres « célèbrent la messe dans des maisons privées en se servant d’une image comme autel, l’icône en pareil cas tenant lieu de relique ». Mansi, ConciL, t. xiii, p. 422.

Théologie de saint Jean Damascène.

 Saint Jean

Damascène résume la doctrine des Pères grecs sur le sujet : « Notre-Seigneur Jésus-Christ nous a donné les reliques des saints comme des sources de salut, d’où découlent de nombreux bienfaits et un onguent d’agréable odeur. Que personne ne se montre incrédule ; car, si, par la volonté de Dieu, l’eau a jailli dans le désert d’une pierre raboteuse et dure, et aussi de la mâchoire d’un âne pour désaltérer Samson, pourquoi serait-il incroyable qu’un onguent d’agréable odeur jaillisse des reliques des martyrs ? La chose n’est nullement incroyable à ceux qui connaissent la puissance de Dieu et l’honneur qu’il rend aux saints. » De fide ortliodoxa, I. IV, c. xv ; P. G., t. xciv, col. 1165. Au premier aspect, on dira que le scolastique grec — qui ne brille pas d’ailleurs par un excès de critique historique — met trop d’insistance, beaucoup plus que n’en mettra plus tard saint Thomas d’Aquin, à appuyer sa thèse des reliques sur le fait des miracles opérés par Dieu par leur moyen. Mais y voir un argument exclusif serait l’illusion créée par une lecture hâtive et la nécessité où se trouvent les manuels de théologie de donner des citations écourtées. Quand on lit au contraire avec attention l’ensemble de la démonstration du Damascène, elle apparaît assez complète ; en particulier dans les pages qu’il a consacrées précédemment à ce qu’il appelle sans plus le culte des saints, il est évident qu’il entend parlâtes saints dansle ciel, mais aussi les saints se survivant sur la terre après leur mort, et donc dans leurs reliques : « Ceux qui s’en approchent avec foi (des corps saints) reçoivent l’objet de leur demande, soit que le serviteur demande cela au roi, soit que le roi accueille l’honneur et la foi de celui qui demande à son serviteur. » Op. cit., col. 1165. Or Jean Damascène, dans ce chapitre, expose les raisons théologiques données jadis par Basile et Grégoire de Nazianze, les mêmes qui seront un jour résumées par saint Thomas : « Il faut honorer les saints en tant qu’amis du Christ, en tant que fils et héritiers de Dieu… L’honneur que l’on témoigne à de bons serviteurs est une preuve de bienveillance à l’égard du Maître commun. Les saints ont été, dans leurs âmes d’abord, puis dans leurs corps qui nous restent, des demeures pures de Dieu ; car Dieu dit : « J’habiterai oen eux, je marcherai et je serai leur Dieu. » Lev., xxvi, 11-12. La Sainte Écriture dit : « Les âmes des justes « sont dans la main de Dieu, et la mort ne les touchera lias. » Sap., iii, 1. Mais Dieu habite aussi par l’Esprit dans les corps des saints ; c’est ce que nous dit l’Apôtre : i Ne saveznous pas que vous êtes le temple de Dieu et « que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » I Cor., iii, 16. …Pourquoi n’honorerait-on pas les temples vivants de Dieu, ses tabernacles vivants ? Lorsqu’ils étaient en vie. ils marchèrent en présence de Dieu avec confiance. »