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RELIQUES. PREMIERS ESSAIS DE THÉOLOGIE

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1906, p. 96. Cet Eunome, que nous voyons apparaître ici en compagnie de Vigilance, n’est pas autre que l’arien du ive siècle, dont le rationalisme s’exerçait aussi bien contre les pratiques du culte que contre le mystère de la Trinité.

Saint Victrice, évêque de Rouen, que nous avons déjà cité, a une doctrine remarquable, qui, sans être très originale, a le mérite d’appliquer aux nouvelles reliques parcellaires les divers enseignements des Pères de l'âge précédent : 1. ces fragments sont encore les saints eux-mêmes : « Partout où il y a quelque chose d’eux, les saints défendent, purifient, protègent pareillement ceux qui les honorent. » De leude sanctorum, c. xi ; 2. ils nous sont en exemples tout aussi bien que des corps entiers, car « ces gouttes de sang desséchées ont été, nous le savons, les domicilia passionum, c. ii, les points précis de leurs souffrances et de leurs mérites ; 3. elles sont en récompense des instruments de miracles divins : Sanguis autan posl marlyrium prsemio divinilatis ignescit. C. viii.

Le témoignage du pape saint Grégoire le Grand, si favorable par ailleurs au culte des saints, son témoignage en faveur des reliques est aussi discret que celui de ses lettres au sujet des saintes images : il demande de se défier des fausses reliques. Episl., I. XI, n. lxiv, P. L., t. lxv, col. 1193. Il réprouve la superstilion des dévots qui ne croient leur saint présent et bienfaisant que dans le lieu où son corps repose. Dialog., t. II, c. xxxviii, P. L., t. lxvi, col. 204 : « Là où les saints martyrs sont couchés dans leurs corps, il n’est pas douteux qu’ils puissent faire éclater de nombreux miracles, et ils le font ; et ceux qui en recherchent d’une âme pure rencontrent des prodiges sans nombre. Mais, parce que des esprits faibles pourraient douter de la présence des martyrs pour les exaucer, là où il est évident que leurs corps ne sont pas, c’est là justement qu’il leur est nécessaire de faire de plus grands miracles, là où un esprit faible pourrait mettre en doute leur présence. » Évidemment le bon pape encourage les martyrs, s’ils veulent qu’on les laisse tranquilles en leurs tombeaux, à faire des heureux dans toutes les églises où on les invoque ; mais il pousse aussi les dévots à ne pas se trop fatiguer en pèlerinages : « Ceux qui ont leur esprit fixé en Dieu, continue-t-il, ont une foi d’autant plus méritoire qu’ils savent bien que le corps de leur saint n’est pas là, et qu’il ne laissera pas pourtant de les exaucer… Si je ne leur retire pas mon corps, avait dit Notre-Seigncur, ils ne comprendront pas l’amour spirituel. »

Toute la doctrine des Pères latins sur les reliques se trouve excellemment résumée dans ces lignes de saint Isidore de Séville, où l’on reconnaîtra les propres paroles de saint Augustin et de saint Jérôme : « Nous honorons donc les martyrs de ce culte d’amour et de communion que nous accordons dès cette vie aux saints hommes de Dieu ; mais, quand nous vénérons leurs reliques, nous y mettons d’autant plus de dévotion que nous le faisons avec plus de sécurité, leur combat étant achevé glorieusement… » De eccles. officiis, t. I, c. xxxv, n. 1-6, P. L., t. Lxxxiii, col. 770. La doctrine sur ce sujet se rétrécit symptomatiquement, en passant dans les Églises des royaumes barbares : leurs évêques n’ont plus d’yeux que pour les miracles que procurent les saints martyrs, surtout pour les prodiges à jours fixes ou à jet continu qui se manifestent à leurs tombeaux. Grégoire de Tours dans son livre De gloria martyrum est un bon exemple du genre nouveau : Saint Nicolas de M yre l’intéresse uniquement pour « la liqueur qui coule de son corps et l’huile qui suinte de son tombeau » ; pareillement « l’apôtre saint André fait un grand miracle au jour de sa fête : c’est une manne en manière de farine et une huile à odeur de nectar qui s'écoule de sa tombe : tout cela ne se fait point sans

miracle, ni sans bienfait pour les populations assemblées ». De gloria marlyrum, C. xxxi, P. L., t. lxxi, col. 731.

5. Doctrine officielle sur les reliques et leur culte du iv* au vue siècle. — La tradition catholique notée dans les Actes des Martyrs, dans les écrits des docteurs et dans les coutumes des clercs et des fidèles, a pris vigueur en des documents solennels de l’autorité ecclésiastique. 1. le canon 20 du concile asiatique de Gangres s’exprime ainsi : « Si quelqu’un par orgueil, et se croyant parfait — allusion aux réserves faites par les docteurs d’Alexandrie — dédaigne les réunions qui se font aux lieux et églises des martyrs, s’il y trouve à redire, ou croit qu’il faut mépriser les oblations qui s’y célèbrent et faire peu de cas des mémorise des saints. qu’il soit anatlume. »

2. Le canon 14 (15) du Ve concile de Cartilage (401) : « Les autels qui sont constitués de tous côtés par les champs et les routes, à titre de mémorise des martyrs et qu’on constate ne contenir aucun corps ni reliques de martyrs ensevelis, qu’ils soient détruits par les évêques de l’endroit, autant que faire se peut. Que si la chose est impossible, à cause des tumultes populaires * — on remarquera l’attachement des foules africaines à la diffusion du culte des martyrs, avec ou sans reliques tandis que la hiérarchie t ient à la présence de corps saints — « que les gens soient avertis de ne plus fréquenter ces lieux, de peur que la rectitude de leur foi y soit prise dans les liens de la superstition. Et que. de toutes façons, aucune memoria de martyrs ne soit approuvée ou acceptée que là où un corps, ou bien des reliques certaines sont conservés, ou encore là où une tradition d’origine bien assurée place anciennement une habitation [d’un martyr] ou sa propriété ou le lieu de sa passion. Car pour tous ces autels constitués de tous côtés par voie de songes et de vaines révélations soi-disant arrivés à tel ou tel, » — et c'était souvent une réclame déguisée pour de fausses reliques — « nous les réprouvons absolument ». Les abus mêmes que le concile prévient supposent un culte très populaire. Texte dans Vllis/ ana, P.L., t. lxxxiv, col. 212.

3. Les canons de Martin de lîraga résument, dans un latin obscur, pour l'Église suève du vie siècle, les décrets des synodes grecs : voici le dernier canon (can. 68) concernant les clercs : « Il ne faudrait pas que des clercs ignorants prennent sur eux de porter les mystères sur les monuments [funéraires ?) dans les campagnes, ou d’y distribuer les sacrements ; mais c’est dans une église ou dans une basilique où sont placées des reliques des saints — positæ, sans doute par suite d’une translation de reliques parcellaires ou représentatives — c’est là que doit être offerte l’oblalion pour les morts. » Mansi, ConciL, t. ix, col. 206.

4. Au siècle suivant, à l’usage de l'Église wisigothique, VHispana résumait le canon de Martin en ces mots plus clairs : « Défense de dire la messe sur les tombeaux » des morts, et donc sans reliques. P. L., t. lxxxiv, col. 583. En 675, le IIIe concile de Braga (can. 5) mettait en garde les évêques contre un abus spécial dans le culte espagnol des saintes reliques, ou plutôt, à vrai dire, dans le cérémonial des évêques du pays : « Nous avons appris que certains évêques, quand ils arrivent à l'église dans les fêtes de martyrs, suspendent les reliques à leur cou, pour se parer aux yeux des gens d’un faste plus glorieux, et, comme s’ils étaient eux-mêmes l’arche des reliques, ils se font porter sur une sedia par des clercs revêtus d’aubes. C’est là une présomption détestable, qui doit être abrogée entièrement, de peur que, sous une fausse apparence de sainteté, ce soit la vanité [des évêques ] qui seule y trouve son compte » ; on voit bien que le concile n’a rien à redire contre l’honneur dû aux reliques ; bien au contraire, il les met au-dessus des