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RELIQUES. PREMIERS ESSAIS DE THÉOLOGIE


jeté les yeux sur le saint corps, même sans avoir eu la témérité d’y porter la main, étaient morts dans les dix jours. Sache donc Votre Majesté que ce n’est pas la coutume des Romains d’oser toucher quelque chose de leurs corps, quand ils donnent des « reliques » des saints. Tout ce que nous faisons, c’est d’envoyer dans un coffret de buis, une pièce de soie ou de linge, après qu’elle a été posée sur les corps sacrés. On porte ce brandeum à l'église qui doit être consacrée et on l’y ensevelit avec toute la vénération que l’on doit. Et grande est la vertu de ces sortes de reliques : ainsi au temps du pape Léon, de sainte mémoire, les Grecs ayant émis quelque doute au sujet de ces reliques, le pontife se fit apporter des ciseaux, coupa le brandeum et le sang s'échappa de l’endroit où l’incision avait été faite. » Le pontife propose donc à l’impératrice de lui envoyer de la limaille des chaînes de saint Faul. Epist., t. IV, n. 29, P. L., t. ixxvii, col. 702. Ces reliques par contact pouvaient donc faire fonction des corps de martyrs, et servaient pour la dédicace des églises.

4. Les reliques des confesseurs.

Il y avait désormais pour les Églises d’Occident en quête de reliques une autre équivalence facile à exploiter : c'étaient les reliques des saints non-martyrs, évêques ou moines. L’origine de leur culte, qui remonte à la fin du iv c siècle et s’est développé simultanément en Orient et en Occident, laisse à penser qu’ici et là on a agi sous l’influence d’une idée commune : n’ayant plus de martyrs on a admis que ces saints confesseurs s'égalaient aux martyrs des premiers siècles, par la patience et le dévouement pour le Christ qu’ils avaient montrés durant leur vie. Quant à leurs reliques, si elles n'étaient pas décorées des stigmates du martyre, elles gardaient, à n’en pas douter, une part de puissance sanctificatrice et miraculeuse. C’est d’ailleurs envers leurs reliques que la piété des fidèles pour ses saints se manifesta dès l’abord et sous des formes singulières. Pour posséder des reliques si précieuses, on ne reculait pas quelquefois devant la ruse, le recel, le vol. Un disciple d’Hilarion avait ainsi dérobé, à grands risques, le cadavre de son maître mort en Chypre et l’avait emporté à Majuma en Syrie. C’est par suite d’un rapt un peu plus excusable que les habitants de Tours rentrèrent en possession du corps de leur évêque saint Martin. On déposait ces saints confesseurs, canonisés d’avance, dans une confessio, imitée du marlyrium ; et sur cette tombe glorieuse, s'élevait très vite une église. C'était le commencement d’un culte posthume pour ces saints non martyrs, saints évêques ou saints ascètes. Là se renouvelaient, avec une égale ferveur, les scènes de vénération et de guérison que nous avons vues se produire sur les tombeaux des martyrs.

Culte des reliques.

Il se manifeste, en Orient et

en Occident, sous forme liturgique de translations et sous forme populaire de pèlerinages.

1. Translation.

Inaugurées au viie siècle, les translations des corps saints se continuèrent durant tout le haut Moyen-Age, avec un redoublement de solennités, notamment chez les Celtes : on en eut un exemple quand il s’agit des restes de saint Cuthbert. Ces cérémonies étaient précédées, dans ces régions, d’une vigile dont notre cérémonial de la dédicace a gardé le souvenir. Elles s’achevaient le lendemain par la lumulatio solennelle, rite terminal copié de près sur le dispositif romain de translation que le P. Grisar a restitué, Rome et les Papes, t. ii, p. 184. Cet ensemble composite a constitué le fonds primitif de notre actuel cérémonial romain de la consécration des autels et des églises.

Nous sommes beaucoup moins informés sur le rituel assurément triomphal des translations en Orient.

2. Pèlerinages.

Dans les pays orientaux, les pèlerinages aux saints tombeaux vidaient, à certains jours, des villes comme Antioche et Jean Chrysostome les

compare, sans trop d’exagération, aux migrations d’un essaim d’abeilles. In Ccidium martyrem, P. G., t. xxxi, col. 419. Grégoire de Nysse nous assure qu'à certains sanctuaires le mouvement des foules se poursuivait tout le long de l’année : Le Theodoro martyre, P. G., t. xliii, col. 745 D. Les pèlerinages aux tombeaux des saints Apôtres à Rome et des saints Martyrs de Milan entraînaient peut-être moins de monde en Occident aux vie et vii c siècles, mais ils attiraient et de plus loin, les visiteurs les plus illustres et les plus représentatifs.

3. Autres manifestations.

Les translations solennelles de martyrs et les expressions populaires d’enthousiasme dont les pèlerinages étaient l’occasion marquent certainement le caractère dominant du culte des reliques du ie au viiie siècle, et suffisent à en montrer la continuité dans l'Église. Mais il y en a d’autres manifestations plus intimes et, pour ainsi dire, plus dogmatiques, en particulier l’usage, qui se répandit peu à peu, de dire la messe sur les corps saints.

Au lendemain de la paix de l'Église, on continua un moment de célébrer sur des autels mobiles, au voisinage des tombeaux. « Dans les donations faites par Constantin aux basiliques romaines, les autels sont d’argent ; ils sont rangés parmi les calices et les lampes comme des meubles, et ils sont distingués des confessions de bronze ou de porphyre où, sans doute, on ne célébrait point le sacriiiee. « … C’est saint Grégoire qui disposa les confessions de saint Pierre et de saint Paul de manière à ce qu’on pût dire les messes super corpus » (et non plus seulement ad corpus, selon l’expression consacrée par les anciens documents). F. Jubaru, Sainte Agnès, append. n, p. 318.

En dehors de la messe, les chrétiens faisaient des saints tombeaux le centre de leurs réunions de prière canoniale. C’est même pour assurer le service régulier et digne des martyrs, que « l’on n’eût pu obtenir du seul clergé paroissial », que les papes des ve et vie siècles fondèrent tant de monastères basilicaux à pioximité des églises de Rome et des basiliques suburbaines. Cf. L. Duchesne, Liber Ponlificalis, t. i, p. 236, 241, 327, 347, 520, etc. Les papes des âges suivants les multiplièrent et, pour bien marquer que les moines étaient avant tout les serviteurs du saint patron, ils eurent soin de mettre, à côté des saints orientaux, des moines grecs, lbid., p. 410, 423, 441, 521, et p. 481, 522, etc… Les moines célébraient près des corps saints « des vigiles festivales chaque jour mais le prêtre de semaine y disait des messes seulement aux jours anniversaires » de tel ou tel saint enseveli dans la basilique. Loc. cit., p. 423. Le service entier passa plus tard à des chanoines réguliers, puisa des chanoines séculiers. Loc. cit., p. 410.

Théologie des reliques des saints chez les Pères.


Une fois résolues contre les païens et les hérétiques les objections de principe contre le culte des reliques, il restait encore aux docteurs de l'Église à constituer un enseignement qui pût rejoindre la pratique courante des fidèles avec les données de la foi chrétienne ; car, là surtout, la dévotion générale précédait la doctrine savante, et cherchait sa justification.

Saint Jérôme, avec sa verve accoutumée, avait indiqué l’essentiel dans sa dispute contre Vigilance en 406. Il soulignait le témoignage des fidèles, des princes et des évêques ; en d’autres termes, il faisait appel à la tradition des Églises, en même temps qu’au signe divin du miracle et aux principes déposés dans l'Écriture sainte. « Ainsi nous sommes des sacrilèges, quand nous entrons dans les basiliques des Apôtres 1 Sacrilège aussi l’empereur Constantin qui a fait la translation des reliques d’André, de Luc et de Timothée à Constantinoplel Près de ces saints corps, voilà les démons qui rugissent, et qui attestent qu’ils sentent, eux, la