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RELIQUES. L’AGE DES PERSECUTIONS


seulement pour son authenticité, mais pour la signification du culte dont « les frères honoraient par tradition », y.<xzà StaSoy/rjv, cette chaire épiscopale ; ils y voyaient sans doute un symbole de la succession de leurs évêques hiérosolymitains, bien plutôt qu’une relique du premier d’entre eux. Eusèbe, Hisl. eccles., t. VII, c. xix.

Sans doute, on sera plus circonspect pour ce mémorial de Pierre et de Paul, qui se conserve encore — c’est Eusèbe qui parle, H. E., t. II, c. xxv, 5-7 — dans les cimetières de Rome ; mais il restera toujours à prouver, que ces tombeaux, « ces trophées », comme parle le prêtre Caïus au début du iiie siècle (Eusèbe, toc. cit.) ont été l’objet d’autre chose que d’un souvenir historique : le corps du saint apôtre qui y dormait était entouré d’une vénération religieuse, dont le tombeau portait des traces écrites — c'était donc une vraie memoria — mais la memoriu n'était pas honorée pour elle-même.

Ainsi les Actes authentiques des martyrs attestent chez les chrétiens des iie et 111e siècles une discrétion étonnante dans l’expression de leur culte pour les corps saints, discrétion qui contraste avec l’exubérance subite des deux siècles suivants. Il y aura plus tard excès de zèle ; il y a pour le moment indigence d’expression. Il ne faut pas toutefois que cette discrétion nous donne le change : elle se comprenait trop bien dans une ambiance de persécution. Elle se comprenait à une époque où les fidèles haïssaient à fond le paganisme persécuteur et auraient cru lui donner des gages, s’ils avaient innové et risqué, en faveur de leurs héros chrétiens, une pratique qui aurait pu passer pour une imitation des errements païtns. Enfin, pour ces héros, qui seront plus tard illuminés de l’auréole des ancêtres et des athlètes de la foi, mais qui étaient pour eux des parents aimés, des amis bien connus, les contemporains n’avaient d’autre ambition que de les laisser dormir paisiblement au milieu de leurs frères, dans un tombeau semblable aux leurs. D’ailleurs ces Actes ne nous disent pas tout : à côté des usages extérieurs qu’ils décrivent d’un mot, ils ne nous laissent pas oublier la ferveur contenue que mettaient tous les survivants à honorer ces tombes communes : et de cette ferveur, les inscriptions funéraires nous sont des témoins éloquents. Enfin les Actes ne nous disent que les rites ordinaires qui accompagnent les martyrs à leur sépulture ; mais les rites quotidiens ou solennels qui s’y perpétuent, nous les trouvons dans les écrits des docteurs.

4° Les écrivains ecclésiastiques du 111e siècle. — - Au premier rang de ces cérémonies officielles se placent les « anniversaires des martyrs ». La seule description complète que nous en possédions se trouve sur les lèvres de saint Basile, mais elle se donne comme un commentaire d’actes rédigés à l'époque des persécutions ; tel détail pouna paraître suspect, mais le caractère religieux de ces rites funèbres est indéniable et suffît à notre but : « On chante des hymnes, des psaumes et des louanges à Celui qui voit toutes choses, et l’on célèbre en mémoire de ces hommes l’eucharistie, le sacrifice d’où est banni le sang et la violence. L’odeur de l’encens n’y est point recherchée, ni non plus le bûcher, mais une lumière pure qui suffit à éclairer ceux qui prient. Il s’y ajoute souvent un repas frugal en faveur des pauvres et des malheureux. » S. Basile, In Gordium marlyrein, P. G., t. xxxi, col. 489. On ne nous dit pas où ces rites s’accomplissent mais, à l'époque primitive dont on nous parle, c'était encore certainement un culte tout local et le rappel du repas funèbre suffît à montrer que toutes ces cérémonies avaient lieu au tombeau du saint, devant ses reliques.

1. Les Africains.

Les mêmes anniversaires sont rappelés maintes fois par les docteurs africains du

nlCT. DE THÉOL. CATHOI..

IIIe siècle. Tertullien, De corona, c. ni ; Ad uxorem, t. II, c. ii, le fait en termes si banals qu’on peut être sûr que ces rites y avaient une teneur traditionnelle. L’Afrique se dénonce donc, par ses écrivains comme par ses Actes de martyrs, comme la terre d'élection du culte des reliques.

Saint Cyprien reconnaît que cet usage des anniversaires remonte à une époque bien antérieure à la sienne : « L’aïeule de Célérinus a obtenu, il y a longtemps, la couronne du martyre ; de même ses oncles… ont mérité par une glorieuse passion les palmes et les couronnes du Seigneur. Nous continuons toujours, comme vous vous en souvenez, à offrir pour eux des sacrifices, chaque fois que nous célébrons en leur mémoire et à leur anniversaire les jours et les passions de ces martyrs : Sacrificia pro eis semper, ut meminislis, offerimus, quoliens nwrlyrum passiones et dies anniversaria commemorationc celebramus. » Epist., xxxix, n. 3. Hartel, p. 583. L'évêque de Carthage note en passant que l’anniversaire s’accompagne traditionnellement en Afrique de la célébration du sacrifice de la messe « pour eux », c’est-à-dire, comme précisera saint Augustin, en leur honneur ; il semble même dire que et 1 sacrifice comporte l'éloge liturgique des martyrs : Quanto majoris taudis et honoris est fieri in cœlesti pnvdicatione generosum ! Ibid. Cyprien, encourageant l’usage de ces anniversaires, les met en relation avec les corps saints ; sans doute, dans son exil, il célèbre l’eucharistie là où il se trouve réfugié, faute de mieux ; mais il attend le moment de la célébrer aux lieux mêmes « le leur sépulture : « Tenez note, écrit Cyprien de sa retraite, des jours où ils sortent de ce monde, pour que nous puissions joindre leur mémoire à celles des martyrs, encore que Tertullus …ne manque pas là-bas d’avoir soin aussi des corps de ces frères : il m’a écrit, il m'écrit constamment et me fait connaître les jours où nos bienheureux frères en prison passent et s’en vont à l’immortalité d’une mort glorieuse. Et ici sont célébrés par nos soins, des oblations et des sacrifices en leur mémoire ; mais bientôt avec la protection du Seigneur, nous les célébrerons là-bas avec vous. » Epist., xii, n. 2, Hartel, p. 503. Cette gloire du martyre rejaillit de l'âme des confesseurs sur leurs corps : > leurs membres sont sanctifiés par la confession de sou nom ! » Epist., vi, n. 1, p. 480. Le martyre est pour les corps mêmes des saints comme un nouveau baptême ; mais il ne faut pas polluer « par la promiscuité un corps qui était le temple de Dieu et des membres que la confession du Seigneur avait sanctifiés davantage et illuminés de nouveau ». Epist., xiii, n. 5, p. 507.

Les saints corps des captifs consacrent même leurs chaînes. « Pour des hommes consacrés à Dieu et affirmant leur foi avec un religieux courage, ces liens ne sont plus des entraves, mais des ornements : ils ne déshonorent point les pieds des chrétiens qu’ils attachent, mais les glorifient pour la couronne. » Epist., i xxvi, n. 2, p. 829. Cette pensée fugitive donnée aux chaînes des martyrs — fugitive, car les phrases suivantes, malgré la traduction qu’on en fait souvent, ramènent la pensée vers les corps des prisonniers : O pedes féliciter vinctit — cette pensée pour les chaînes des martyrs est une anticipation nette sur la dévotion des « et vie siècles pour les reliques d’instruments de supplice, ou plus précisément pour les chaînes des prisonniers chrétiens.

Enfin, pensant à sa profession de foi que ses fidèles auront la consolation d’entendre, et aussi à son corps qu’ils voudront conserver, Cyprien se décide à être martyriséà Carthage : « Autrement, l’honneur denotre Église sera frustré. » Epist., ixxxi, p. 811. En effet, pour les martyrs morts dans les tourments, comme pour les confesseurs qui succombent en prison, sine testimonio passionis, Cyprien accepte de grand cœur la

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