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RELIGIONS. CLASSIFICATION. CULTES DE L’INDE

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solitaire, à l’hindoue, d’encourir de nombreuses fatigues pour répandre dans le monde la « lionne loi » qui mérite à toute créature le chemin du repos. » Op. cit., p. 87. « Il a été, et plus encore il a voulu être un réformateur moral et non pas un fondateur de religion. Retiré dans la forêt, il n’avait trouvé la paix du cœur ni dans la méditation de l’Absolu, ni dans les mortifications exagérées qui nourrissent la suffisance et l’orgueil. Rentré dans le monde après avoir renoncé à entrer immédiatement dans le repos du Nirvana, il prêcha, pour guérir la douleur qui vient de l’attachement à l’illusion du moi, l’extinction du désirparles pratiques modérées du yoga aux moines mendiants qu’il fonda et promit aux laïques qui entretiendraient les moines et éviteraient l’homicide, l’adultère, le vol, le mensonge et l’ivrognerie des paradis d’une nature spirituelle de plus en plus élevée qui les feraient aboutir au Nirvana al teint du premier coup par les ascètes. C’est de l’hindouisme ramené au bon sens par une » voie moyenne », mais toujours au fond quiétiste, il s’y trouve toujours une certaine saveur de néant, qu’on n’arrive pas à écarter, si toute action consciente est censée nécessairement jointe à la douleur et doit par conséquent finir là. » Ibid., p. 98. Ainsi le bouddhisme « a donné en plein dans la grosse erreur morale de l’Inde, la plus opposée à toutes les tendances occidentales, et peut-on dire, aux tendances les plus saines de l’humanité : la haine et la terreur de l’action, même réduite au simple désir. même exercée dans le paradis des dieux, avec une conception de la seule véritable félicité comme d’une immobilité impassible, dont l’image la moins imparfaite, ressassée toujours, serait l'état du sommeil sans rêve ». Ibid., p. 16. Sans doute, le Bouddha enseigne que « les hommes doivent pourtant aussi se soucier les uns des autres. Mais, ce n’est point, comme dans l'Évangile, pour l’amour de Dieu, leur père commun, c’est seulement — du moins le Bouddha n’en donnait pas d’autre raison expresse — parce que bienveillance et bienfaisance pratiquement exercées détruisent l'égoïsme par lequel nous sommes rivés aux illusions malfaisantes que nourrit l’attachement au moi. » Ibid., p. 96.

C’est à la réforme morale que s’est borné le Bouddha, comme à la nécessité la plus urgente, et en dédaignant toute espèce de spéculation sur la divinité et les lins dernières. En effet, s’il ne fut sans doute pas un pur agnostique et affirmait lui-même qu’il connaissait bien des choses qu’il ne pouvait pas révéler, si ceux qui définissent le Nirvana comme un pur anéantissement sont devenus rares, si on doit y voir plutôt un absolu positif, bien qu’inconcevable pour qui n’y est pas encore, et quelque chose de souverainement désirable, comme négation complète de toute possibilité de douleur, néanmoins l' « illuminé » s’est toujours refusé à donner un enseignement sur la divinité. Sans doute son enseignement admet des dieux, sorte de génies ou de surhommes engagés eux aussi dans le cours du Samsara, mais « il ne parle point d’un Dieu, principe et gouverneur du monde, aidant les créatures à monter jusqu'à Lui ! Il ne montre à la prière personne de transcendant à qui s’adresser ; les dieux, les dévas hindous, peinent bien vous rendre quelques services extérieurs de bons camarades de voyage ; mais, en réalité, chaque homme doit être la cause efficiente première et dernière de son salut, qu’il ne peut obtenir que par ses propres elTorts méthodiques ». Ibid., p. 99.

Ce pragmatisme d’un bon sens trop étroit a eu de fâcheuses conséquences : 1. la prédication du Bouddha n’a eu, au moins pour les non-initiés à une doctrine ésotérique possible, « aucune note directement religieuse », ibid., p. 100 ; 2. après elle la pensée hindoue est restée livrée à la contradiction interne, ce quitouche

peu les gens de l’Inde, mais ce qui n’en est pas moins un grave défaut, c’est ainsi, par exemple, qu’on promet la délivrance sans pouvoir assurer que le moi subsistera pour en jouir ; 3. les écoles savantes" Petit » et « Grand véhicule » ont abouti à un véritable nihilisme intellectuel, leurs tenants ne « songeant qu'à spéculer sur des choses très mal observées, des concrétions accidentelles qui leur tenaient lieu d’essentiels concepts, poulies démolir à cœur-joie, et se reposer alors dans le sentiment de l’universelle « vacuité » ; 4. n'étant pas freinées par une dogmatique ferme, les superstitions, la magie, la foi enfantine en la métempsycose vont croissant.

On ne saurait nier que pour expliquer la persistance et l’extension d’une religion qui sert de nourriture spirituelle à quatre cents millions de civilisés, il ne faille pas y discerner des éléments supérieurs. Son succès s’explique par le prestige du fondateur, par cette voie du milieu qui la tient à l'écart des spéculations abstruses des brahmanes >_[ des extravagances des ascètes, par le souci d’une moralité spirituelle et non rituelle, accessible aux hommes et aux femmes de toute caste et de toute culture, par la tolérance, par la recommandation de la sincérité avec soi-même et de l’humilité. Mais il reste que le bouddhisme, comme le brahmanisme, détourne de l’action et comme tel est, suivant le mot de Paul Oltramare, » une cruelle mutilai ion de l’homme ». Ibid., p. 109.

3. Développements et expansions des religions de l’Inde. Les vieilles orthodoxies que nous venons de décrire et de juger sont mortes. Elles se sont profondément transformées et ce n’est pas toujours à leur avantage. D’une façon générale, on peut dire que « cette métaphysique et cette mystique abstruses qui enlèvent à l'âme tout air respirable n’ont jamais réussi, d’une part, à étouffer le véritable sentiment religieux. Mais de l’autre elles n’ont jamais voulu ou pu corriger quoi que ce soit a ses déviât ions : les idolâtries et les hystéries populaires ». Ibid., p. 1 fi.

a) L’hindouisme. — La science des religions, quand elle parle de f Inde actuelle, n’emploie pas l’expression « brahmanisme », car la religion, ou plutôt les religions indiennes de notre temps ont superposé au vieux brahmanisme, au point de le rendre souvent indiscernable, un chaos d'éléments hétérogènes et généralement de basse catégorie. D’abord le paganisme do mine, surtout avec les cultes de Yishnou, de Çiva et de sa parèdre, la grimaçante et sanguinaire Kali. On parle, pour désigner un ensemble hétéroclite, d’hindouisme, parce que le terme ne désigne rien de très particulier.

Puis, sous la frondaison, digne de la jungle, de la mythologie, on discerne trois courants principaux : la religion de la connaissance ; le monstrueux et immoral tanlrisme ; la dévotion ou bakhli.

a. La religion de la connaissance est pratiquée par des intellectuels raffinés qui se perdent en méditations abstruses sur les Écritures. Les yogis s’y adonnent aussi, qui trouvent le sentiment de l’identité universelle par des exercices d’aspiration et d’expiration, de lavage intestinal, de fixation indéfinie du regard ou l’ivresse produite par la fumée du chanvre. Les fakirs enfin en relèvent mais pour l’exploiter par leurs jongleries.

b. Le tanlrisme est un immonde magma de magie et d’obscénité. Il s’agit d’arriver à l’un par le multiple et à la réalité par l’illusion, la Maya. « Çiva la possède, elle est sa puissance créatrice. Il a beau être en fin de compte le Brahman absolu, il sait quand même inspirer à ses lidèles, avec ses « destructions », son jeu, sa « danse », l’enivrement de sa « coupe », un entrain endiablé à parcourir toutes formes d’existence et de jouissance sensible. » Ibid., p. 123-124. La Maya, la