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RELIGIONS, CLASSIFICATION D’APRÈS LA VALEUR


étaient assimilés les jeunes gens au cours des cérémonies d’initiation où étaient admis les seuls garçons. « Le Soleil du matin, d’abord subordonné à l'Être suprême comme son fils, en vint peu à peu à tenir le premier rôle. Considéré comme vieilli et fatigué, l'Être suprême fut assimilé au Soleil vespéral, qui n’a plus de relations immédiates avec les hommes. « Le sacrifice languit, étouffé par le développement énorme des rites magiques, désormais sans grand intérêt pour l’homme dont la confiance en soi n’a cessé de s’accroître.

3° *Dans la civilisation des pasteurs nomades. — C’est chez elle que la civilisation primitive de l'Être suprême s’est le mieux conservée. Au-dessus des déserts et des steppes où vivent les pasteurs, se déploie librement la voûte immense du ciel. L'Être suprême, devenu pour eux, le dieu du ciel, en vient à s’identifier ou presque avec le ciel lui-même. « Sur la base de la grande famille patriarcale, cette civilisation développe toute une hiérarchie sociale. Le dieu du ciel se trouve, à raison de sa grandeur même, relégué loin des contacts humains. Au-dessous de lui s'étagent des intermédiaires qui assurent la liaison entre l’homme et l'Être suprême, dont le trône s'érige au sommet des cieux. « Le culte des ancêtres et des héros prend tout son développement, tandis que la mythologie de la nature et spécialement la mythologie astrale apparaissent.

1° « Dans les civilisations secondaires et tertiaires. Ces différentes évolutions primaires s’accomplissent, sur les points les plus divers du globe, en des mesures différentes de vigueur et de pureté. Le grand dieu y prend, en conséquence, des formes très diverses. C’est bien autre chose encore, lorsque, les civilisations primaires se combinant entre elles et avec les civilisations primitives, apparaît toute la variété des cultures composites, secondaires et tertiaires. L’ancienne religion du dieu du ciel, prise dans ce tourbillon, subit, jusqu'à en être parfois entièrement submergée, l’assaut des mythologies astrales du fétichisme, de l’animisme, du manisme et de la magie.

5° « Dans les religions de l'époque historique. - La civilisation extérieure prend un brillant essor. La religion aussi développe largement ses formes extérieures, multiplie les images de ses dieux et de ses démons, dresse la magnificence de ses temples et sanctuaires, de ses lieux sacrés, organise l’armée de ses clergés, déploie la richesse de son culte. Mais, dans le même temps, s’accélère souvent le déclin de la pensée et du sentiment religieux authentiques. On en voit les conséquences sur le plan de la vie morale et sociale. Il ne s’agit plus seulement de déclin, mais d’une véritable corruption, qui aboutit à la divinisation de l’immoral et de l’antisocial. La source du mal est précisément la substitution à l'Être suprême de l’infinité des dieux et des démons. « Cependant l’antique religion des premiers âges persistait, avec les restes de la civilisation primitive, chez des tribus refoulées aux extrémités de la terre et réduites elles-mêmes a l'état de débris. Mais, au sein de leur stagnation culturelle, de leur pauvreté, de leur isolement, il était inévitable qu’elle perdît beaucoup de sa force et de sa grandeur. L'état où nous la trouvons présentement chez eux est évidemment bien différent, de celui qu’elle connut aux temps primitifs. Pour reconstituer sa vivante unité, nous en sommes réduit s a recueillir péniblement ce qui subsiste de ses membres dispersés. » P.-W. Schmidt, Origine et évolution de la religion, p. 352-355.

il. D’APRÈS LEUR valeur. - 1° Remarque préliminaire. — La précédente synthèse du P. Schmidt est peut-être prématurée ; elle a en tout cas l’avantage de bien montrer la corruption croissante des religions an DICT. DE THÉOI.. CATHOL.

tiques et de tous les paganismes, qui s'étiolent en persistant, pour l’ensemble de leur action, dans le statisme. S’il n’y a de religion véritable que sociale, par contre la société a souvent détourné la religion de ses fins idéales. Il est vrai qu’il s’agit de la société temporelle, mais les formes religieuses dont nous parlons ignorent la distinction du spirituel et du temporel.

C’est de ce type de religions que saint Paul a fait une critique si sévère dans le premier chapitre de l'épître aux Romains : il n’en connaissait pas d’autre en dehors du judaïsme et du christianisme, au moins d’une connaissance un peu intime. De là vient que les théologiens ne voient généralement que des perversions dans toutes les religions non-chrétiennes. Mais il est un autre type de religions, évidemment supérieur, et dont l’avènement, relativement tardif, a constitué un progrès certain de l’ordre spirituel, ou, dans une certaine mesure, un retour à la forme première et pure, bien qu’imparfaite de la religion que le P. Schmidt décrit. Il faut leur appliquer plus particulièrement les sages réflexions que faisait il y a cinquante ans l’abbé de Broglie et qui sont toujours valables : la négation de tout bien moral, chez les païens, n’est nullement la doctrine chrétienne, « c’est une opinion spéciale de certains hérétiques. La tradition catholique est toute différente dans son enseignement. Cette tradition distingue deux ordres de bien moral, le bien naturel et le bien surnaturel. Huile de Pie V, Ex omnibus affliclionibus, 1567, Constitution d’Innocent XI, Cum occusione, 1653 ; Constitution de Clément XI, Unigenilus. 1713. Le bien naturel existe chez les païens. Ils ont, selon la parole de saint Paul, la loi de Dieu gravée dans leurs cœurs. S’ils ont moins de secours pour pra tiquer cette loi que les chrétiens, ils ne sont cependant pas dans une totale impuissance à cet égard et nous ne sommes nullement obligés de nier leurs vertus. L’homme peut, sans la foi ni la grâce, connaître le bien et le discerner du mal. Il peut, soit par l’effet d’une antique tradition, soit sur le seul témoignage de sa conscience, croire à la rétribution future, et trouver dans cette croyance un mobile pour vaincre ses passions et réformer sa vie. Il peut mourir pour sa convie tion, comme il meurt pour sa patrie et son drapeau. Ce n’est pas tout : le bien surnaturel même ne lui est pas inaccessible. En effet, suivant l’opinion de la grande majorité des théologiens, Dieu veut sauver tous les hommes, et sa grâce se répand, par des canaux que nous ignorons et dans une mesure qui nous est inconnue, sur toutes les âmes de bonne volonté. On comprend dès lors qu’il puisse exister une certaine ressemblance, même quant aux sentiments moraux cl aux actes de vertu, entre le christianisme et les autres cultes. » Problèmes et conclusions de l’histoire des religions, Paris, 1885, p. 249-250.

Sans doute l’abbé de Broglie parlait des possibilités individuelles de bien et de salut qui existent même pour les sectateurs des religions inférieures qui peuvent se sauver malgré elles et en dépassant leur esprit ; mais pour les religions supérieures il y a plus : elles contiennent des parties excellentes qui, en dépit d’erreurs avoisinantes, sont pour les adeptes des moyens de vie spirituelle véritable.

2° Les formes supérieures des religions de l’Inde. Nous insisterons sur les formes supérieures des religions de l’Inde, parce que ce sont elles qui exercent le plus d’attrait en Occident, au point que certains les préféreraient au christianisme. Tout en reconnaissant leurs mérites, nous verrons qu’elles ne surpassent, ni n'égalent ce dernier. D’ailleurs elles ne constituent qu’une partie de la religiosité hindoue.

Dans l’appréciation des religions de l’Inde nous distinguerons l’Inde « traditionnelle » ou théorique et l’Inde populaire et véritable, avec le P. Allô, Plaies

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