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    1. QUESNEL##


QUESNEL. LA BULLE VINEAM DOM1NI

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tent du silence respectueux ». Enfin, une ordonnance du 15 octobre 1703 interdit la lecture des Ré flexions morales de Quesnel, au moment même où celui-ci venait de s'échapper des prisons de Malines ; aussi Quesnel répliqua par un Mémoire louchant l’ordonnance publiée sous le nom de M. l'évêque d’Api." On admire, dit-il, comme chose jusqu'à présent inouïe qu’un simple évêque français censure et condamne, à la vue de toute la France, de toute l'Église, un ouvrage adopté par un cardinal, archevêque de la capitale du royaume, ouvrage approuvé d’un autre côté par deux des évêques de Chàlons, par plusieurs docteurs de Sorbonne, approuvé par un grand nombre d’autres évêques, de docteurs et de personnes de toutes conditions, qui l’ont entre les mains depuis vingt et trente ans, sans y avoir rien trouvé que d'édifiant ». Les amis de Quesnel disent que l'évêque d’Apt, interdit par cette réplique inattendue, n’osa rien répondre et que, l’année suivante, il aurait avoué à l'évêque de Marseille que son mandement était l'œuvre des jésuites. En même temps, d’ailleurs, les jésuites publiaient directement Le P. Quesnel séditieux et Le P. Quesnel hérélique.

Quelques autres mandements rangeaient le livre des Rép exions morales parmi les livres suspects. Four satisfaire les exigences des parlements et détruire le jansénisme, qui devenait encombrant, Louis XIV fit alors des démarches à Rome pour obtenir une nouvelle bulle, plus explicite contre le jansénisme et rédigée sous une forme telle qu’il fût possible de l’enregistrer au Parlement. La correspondance avec Rome à partir de mai 1703 (Affaires étrangères, Rome, Correspondance, t. cdxxxiii) contient de très nombreuses dépêches où la cour de France demande à l’ambassadeur, le cardinal de Janson, d’expliquer et d’excuser la conduite des parlements, qui, au nom des maximes du royaume, avaient condamné quelques mandements, en particulier, celui de l'évêque d’Apt (dép. du 7 mai 1703) ; mais le roi ajoute : « Lorsque le pape voudra agir de concert avec moi, dans les matières où la pureté de la foi sera intéressée, on prendra les précautions nécessaires. » Janson répondit que le pape avait accueilli favorablement cette proposition, et le roi, le 18 juin, écrivait : « J’ai été bien aise de voir, par votre lettre, que Sa Sainteté paraissait disposée à renouveler les bulles de ses prédécesseurs contre le jansénisme. Je suis persuadé qu’une nouvelle constitution sur ce sujet serait utile à l'Église, dans la conjoncture présente, pourvu qu’elle se fasse de concert avec moi et qu’il n’y ait aucun terme qui puisse en empêcher la publication dans mon royaume. » Kn fait, Louis XIV veut, à cette époque surtout, se débarrasser du jansénisme et arriver à l’unité religieuse, avec le concours de Rome, mais en sauvegardant toujours les maximes du royaume. Pour être assuré que la bulle souhaitée ne renfermerait rien qui empêche de la publier, rien qui déclenche l’opposition du Parlement, Louis XIV envoie une annexe à sa dépêche du 29 août. Aff. étr., Rome, Correspond., t. cdxxxiv, et Arch. du Vatican, Xunziatura, D. 2266, où il y a un Mémoire qui est comme le modèle de la bulle à faire.

A Versailles, on est impatient de recevoir la bulle, dont on veut lire le texte avant qu’elle soit publiée dans sa forme définitive ; à Rome, on ne se hâte point. Les jansénistes prétendent que Clément XI trouve une très vive opposition chez quelques cardinaux de son entourage, leurs amis ou opposés à la prépotence des jésuites. D’autre part, Clément XI répugne à dresser une bulle fabriquée sur commande et sur modèle, puisqu’on lui dicte ce qu’il doit dire et ce qu’il doit taire afin de ne pas mécontenter les magistrats et les parlements. Fénclon, qui connaissait les

habiletés des jansénistes pour éluder même les condamnations les plus expresses, craignait que le pape, soit pour ménager les jansénistes, soit par égard pour certaines opinions théologiques répandues en France, ne s’expliquât pas assez nettement sur la question de l’infaillibilité de l'Église touchant les faits dogmatiques, question qu’il jugeait capitale dans les circonstances présentes ; aussi il adressa au cardinal Gabrielli un Mémoire latin, daté de juillet 1704, avec une lettre du 12 juillet (Correspond., t. iii, p. 30-32) et une autre du 9 août (ibid., p. 34-41) : pour couper le mal jusqu’en sa racine et condamner définitivement le cas de conscience et les faux-fuyants du jansénisme, il faut définir l’infaillibilité de l'Éplise dans le jugement qu’elle porte sur les textes dogmatiques et exiger de tous les fidèles une adhésion intérieure et absolue à cette définition. Il montre que, dans sa Conférence avec le ministre Claude, Rossuet avait clairement supposé cette infaillibilité, et que, d’autre part, la signature du Formulaire et le serment qui l’accompagne ne sont parfaitement légitimes que si l'Église est infaillible, -car on ne peut exiger un serment qu’en vertu de l’infaillibilité enfermée dans les promesses divines et souscrire un formulaire avec serment si l'Église, qui l’impose, n’a pas la promesse divine de l’assistance du Saint-Esprit, par conséquent si l'Église n’est pas infaillible ». Memoriale de apostolico decreto contra Casum conscienliiv mox edendo, dans Œuvres, t. xiii, p. 61-88, et Lettre au cardinal Gabrielli, du 12 juil. 1704.

Cependant, Louis XIV s’irrite des délais qu’on lui impose et va jusqu'à les expliquer par le désir qu’aurait Rome de se faire payer à l’avance : « On est plus appliqué à Rome à usurper de nouveaux avantages et à soutenir ses prétentions qu'à travailler au bien et aux intérêts solides de la religion. » Aff, étr., Rome, Correspond., t. cdxxxiii, dép. du 18 juin 1703. Le roi est poussé, dit-on, par son confesseur, le P. de La Chaise et par Mme de Mainteiion, alors toute-puissante. « Elle se croyait, dit Saint-Simon, l’abbesse universelle ; elle se figurait être une mère de l'Église. » Mme de Mainteiion voyait tous les jours l'évêque de Chartres, qui, on le sait, avait publié un long mandement contre le cas de conscience. Mais un désaccord fondamental séparait les deux cours : Clément XI voulait publier la bulle au moment choisi par lui et sans l’avoir préalablement communiquée au roi, car il tenait à sauvegarder l’indépendance de son autorité spirituelle. Aff. étr., Rome, Correspond., t. CDXLIII, dép. de Janson au roi, 19 août 1704. De son côté, Louis XIV voulait que la bulle fût examinée à Paris avant d'être publiée et il promettait une discrétion absolue : « Mon intention a toujours été, lorsque j’aurai reçu le projet de faire examiner seulement et en secret si les termes conviennent aux usages et aux maximes de mon royaume, sans examiner le fond. » Ibid.. dé]), du roi à Janson, 8 sept. 1704. Toute l’année 1704 est remplie par les pourparlers relatifs à cette affaire. Le roi d’Espagne, lui aussi, écrit au pape, le 17 septembre 1704, pour lui demander de condamner, d’une manière explicite, la doctrine de Jansénius, répandue dans les Pays-Ras. Hisl. du cas de conscience, t. vi, p. 247-240.

Impatienté, le roi déclare, le 27 janvier 1705, que la bulle doit être rédigée et expédiée au plus tôt, en spécifiant qu’elle a été donnée à la demande de Sa Majesté, car, sans cette déclaration, elle ne saurait être reçue en France ; à cet ordre, le roi ajoute une sorte de chantage, car il avertit le pape que, s’il ne se décide pas à publier la bulle avant le printemps, l’assemblée du clergé de France pourrait bien prendre l’affaire en main et se substituer au pape. Ibid., t. cdli, le roi à Janson, 27 janv. 1705. Cette menace, au dire de Janson