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RELIGION. ORIGINE, DOCTRINE DE L'ÉGLISE


sociale qu'à l’attitude foncière des âmes capables de transfigurer ou d’avilir les mêmes éléments (rites, doctrine, hiérarchie) : d’un côté égoïsme et reploiement sur soi-même dans la recherche de fins temporelles, de l’autre générosité, amour, rupture du cercle des intérêts bornés et éphémères.

v. conclusion générale. — 1° Valeur du témoignage de la psychologie. — 1. Incompétence foncière. — Sur la psychologie, purement empirique du moins, nous devons porter le même jugement que sur l’ethnologie : elle est incompétente pour résoudre le problème de l’origine première de la religion.

Tout d’abord parce qu’elle ne nous révèle que les activités psychiques de l’homme actuel, de même que l’ethnologie ne nous révèle que la mentalité des « primitifs » actuels, assez différents des vrais primitifs. Or, du point de vue de l’empirisme pur, de l’observation positive qui s’abstient de rien ajouter à ses observations, rien ne prouve que la religion existante aujourd’hui ait existé en ces premiers temps de l’humanité que la science positive ignore et sans doute ignorera toujours. De son point de vue encore il reste possible que la religion ait apparu, à un moment donné de l'évolution humaine, moment peut-être relativement tardif par la mise en œuvre explicite de virtualités qui seraient demeurées à l'état latent jusque là.

En second lieu la psychologie empirique est étrangère à toute affirmation transcendante. « Il importe de ne pas attendre de la psychologie religieuse ce qu’elle ne peut donner en aucune manière. Bien des auteurs récents semblent se faire à ce sujet les plus funestes illusions. A les entendre la psychologie religieuse jointe à l’histoire des religions construite psychologiquement, constitue toute la science de la religion. Ce « psycholo- « gisme « est absolument faux. Assurément, la religion est à certains égards un fait psychique. Mais elle reconnaît comme objet des » réalités transcendantes » que l’examen de leur aspect subjectif dans l’homme religieux ne peut atteindre, ni par conséquent garantir. Quoi qu’en pensent certains théologiens protestants, inquiets d’un dévergondage doctrinal qu’ils sont impuissants à endiguer, la psychologie ne remplacera ni la philosophie de la religion, ni l’apologétique, ni surtout l'étude objective du dogme et de la morale : elle laisse intacts tous les droits et la nécessité impérieuse de la théologie traditionnelle. » R. P. de Munninck, 0. P., dans la Semaine d’ethnologie religieuse, 11e session, Louvain, 1913, éditée en 1914, p. 212. Or, sans recours à des croyances transcendantes, nous le verrons plus loin, aucune certitude n’est possible sur l’origine de la religion.

2. Indications et orientations données.

Ce déclinatoire d’incompétence ne nous oblige pas à considérer comme inutiles l’exposé et la discussion des systèmes psychologiques sur la religion. En effet, il en résulte d’abord une certitude négative, mais de première importance : c’est qu’on échoue en psychologie aussi bien qu’en ethnologie quand on tente d’expliquer la religion par autre chose qu’elle-même : hystérie, psychasthénie, besoins biologiques ou libido. De plus, en écartant, au moins comme insuffisant, le recours au subconscient, nous avons constaté que, pour donner au fait religieux toute sa vérité, même simplement psychologique, il faut s'élever vers les régions les plus lumineuses de l’esprit. Enfin, quand nous avons abordé les théories de Boutroux et de Bergson, nous sommes entrés en contact avec un être transcendant, un au-delà intérieur, parce que leurs psychologies étaient toutes pénétrées de métaphysique, ce qui est parfaitement légitime, car une étude synthétique de l'âme humaine ne saurait se limiter à un pur empirisme. De plus ces philosophes en montrant que la religion se rattache aux tendances les plus profondes, les plus puissantes et les plus larges de

l’esprit, vont tout au moins à montrer qu’elle tient à sa structure essentielle, or l’essentiel peut difficilement ne pas être primitif. Cependant ce raisonnement n’a pas chez eux une valeur absolument apodictique, surtout chez M. Bergson, qui paraît bien croire à l’existence d’une seule religion, basée sur l’illusion de la fonction fabulatrice, pendant des millénaires et ne se rattachant pas à la plus haute vie spirituelle.

Recours nécessaire à la métaphysique.

Ce n’est

qu’en recourant directement à la métaphysique qu’on peut établir l’origine première de la religion. Cette origine est en Dieu même.

La théodicée naturelle démontre — et nous y renvoyons — qu’en nous créant Dieu ne pouvait nous donner d’autre fin dernière que lui-même. Agissant autrement, il aurait manqué à ce qu’il doit à sa perfection et à sa sainteté, et il aurait trahi son amour en ne donnant pas comme terme à notre destinée et à nos efforts le souverain Bien qu’il est par essence. Il est donc nécessaire qu’en créant l'âme humaine il l’ait créée religieuse, apte à le connaître et à l’aimer et orientée par ses dispositions les plus profondes vers cette connaissance et cet amour. Il se devait — et ceci n’est qu’un autre aspect de la vérité capitale que nous venons d’exprimer — de nous imposer le devoir d’entrer en rapports avec lui, devoir qui n’est d’ailleurs que la face morale de notre orientation foncière vers lui et sa justice exigeait qu’il fournît à l’homme les moyens d’accomplir ce devoir primordial.

Le Dieu de la théodicée naturelle est aussi le DieuProvidence. De ce point de vue il est difficile de croire qu’il n’ait pas aidé l’intelligence et la volonté de l’homme à l’accomplissement de son premier devoir, à cause de sa débilité, et même malgré ses fautes.

Les enseignements de la foi.

Ces enseignements

sur l’origine de la religion sont contenus dans le concile du Vatican. Constitutio dogmatica de fide catholica.

Cap. n. De reuelatione. — Eadem sancta mater Ecclesia tenet et docet, Deum rerum omnium principium et linem, naturali humanarationis laminee rébus creatis certo cognosci posse ; « invisibilia enim ipsius, a creatura mundi, per ea, quafacta sunt, intellecta conspiciuntur » CRom., i, 20) ; attamen placuisse ejus sapientiæ alia eaque supernaturali via se ipsum ac œterna' volimtatis sua ; décréta humano geneii revelare, dicente Apostolo : « Multifariam multisque raodis olim Deus Ioquens patribus in prophetis ; novissime diebus istis loeutus nobis in Filio » (Heb., i, 1 sq.)

Canon 1. — Si quis dixerit, Deum unum et verum, creatorem et Dominum nostrum, per ea, quafacta sunt, naturali rationis humans lumine certo cognosci non posse : A. S.

Huic divina ; revelationi tribuendum, ut ea, qua : in rébus divinis humanse ration i per se impervia non

Ch. ii. De la révélation. — La même sainte Église, notre mère, tient et enseigne que, par la lumière naturelle de la raison humaine, Dieu, principe et fin de toutes choses, peut être connu avec certitude au moyen des choses créées, « car depuis la création du monde, ses invisibles perfections sont vues par l’intelligence des hommes, au moyen des êtres qu’il a faits » (Rom., i, 20) ; que néanmoins il a plu à la sagesse et à la bonté de Dieu de se révéler lui-même et les éternels décrets de sa volonté par une autre voie, et cela par une voie surnaturelle. C’est ce que dit l’Apôtre : « Après avoir parlé autrefois à nos pères à plusieurs reprises et de plusieurs manières par les prophètes, pour la dernière fois, Dieu nous a parlé de nos jours par son Fils..

Canon 1. Anathème à qui dirait que le Dieu unique et véritable, notre Créateur et Seigneur, ne peut être connu avec certitude par la lumière naturelle de la raison humaine, au moyen des êtres créés.

On doit, il est vrai, attribuer à cette divine révélation que les points qui, dans les choses divines, ne sont