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    1. QUESNEL##


QUESNEL. INTERVENTION DE FÉNELON

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le décrel de Rome, sans que le roi en eût préalablement ordonné la publication par des lettres patentes enregistrées au Parlement. Aussi, pour veiller à la conservation des libertés de l’Église gallicane, plusieurs de ces mandements furent dénoncés : le parlement de Paris rendit deux arrêts, le 9 niai et le 16 juin, pour recevoir le procureur général du roi appelant comme d’abus des mandements des évoques de Clermont et de Poitiers ; les parlements d’Aix et de Bordeaux rendirent des arrêts semblables contre les mandements d’Apt (25 mai) et de Sarlat (27 juin). D’ailleurs, beaucoup d’évêques condamnèrent directement le Cas de conscience : l’évêque d’Apt, le 1 février 1703, l’archevêque de Paris, le 22 février, les évêques de Coutances, le 26 mars ; de Clermont, le 15 avril ; de Poitiers, le 18 avril ; les grands vicaires d’Auch, le l M mai ; l’évêque de Sarlat, le mai ; de Yence, le 12 mai ; de Chartres, le 3 août ; de NoyOn, le 30 septembre ; du Mans, le 30 octobre ; de Cambrai, le 10 février 1704 ; d’Arles, le 3 mars ; d’Angers, le 7 mai ; de La Rochelle, le 25 juin 1704.

La faculté de théologie de Paris ne censura le Cas de conscience que le 4 septembre 1704 et elle exclut de son sein les docteurs qui refusèrent de se soumettre : c’est alors que Petitpied fut rayé du nombre des docteurs. Le Cas fut aussi dénoncé dans les Pays-Pas. Van Susteren, vicaire général de Malin.es, le dénonça à la faculté de Louvain le 17 février 1703, et la censure fut prononcée le 10 mars. Le P. Quesnel attaqua la censure et publia une lettre intitulée Lettre d’un e’vêque à un évêque, ou consultation sur le fameux cas de conscience. Cette lettre citée in extenso par l’Histoire du cas de conscience, t. ii, p. 25-150, est vraisemblablement l’œuvre de Quesnel ; il s’applique à montrer que les quarante docteurs ont suivi les décisions des plus illustres évêques, confirmées par plusieurs assemblées du clergé, par les évêques du royaume et la doctrine de tous les théologiens : jamais on n’a établi clairement l’infaillibilité du Siège apostolique ; aux décisions qui concernent les faits, on ne doit qu’une soumission de respect et de silence. C’est à cette occasion que le P. Quesnel fut emprisonné par l’archevêque de Malines, avec Brigode et le 1’. Gerberon.

Un grand nombre d’écrits furent publiés pour cl contre le cas de conscience et [’Histoire du cas de conscience, t. iv, p. 52-63, cite douze de ces écrits, dont plusieurs dirigés contre Fénelon. C’est à l’occasion du cas de conscience que l’archevêque de Cambrai entra pleinement en lutte contre le jansénisme.

X. Fénelon et le jansénisme.

-Dans leurs arrêts pour condamner la publication du bref de Clément XI avant l’enregistrement au Parlement, quelques magistrats avaient prétendu que la forme et les clauses du bref pontifical ne permettaient pas l’autorisation royale. Ce fut pour Fénelon l’occasion de rédiger un Mémoire, qui fut probablement adressé aux ducs de Beauvilliers et de Chevreuse, afin de réfuter l’audace des magistrats et de noter l’inanité des raisons alléguées pour rejeter la bulle. Fénelon remarque, non sans malice, que les magistrats s’étaient montrés moins chatouilleux lorsque, quatre ans auparavant, ils avaient accepté de recevoir le bref d’Innocent XII condamnant les Maximes des saints de l’archevêque de Cambrai, dans lequel les clauses de molti proprio et de plenitudine potestatis étaient insérées : ils avaient protesté contre les deux clauses, mais ils avaient reçu le bref, alors que, dans le présent bref, les deux clauses étaient absentes.

Jusque-là Fénelon n’étail pas intervenu directement dans la question du cas de conscience ; peut-être hésitait il à parler ? Le 2 1 mai 1703, il écrivait à l’abbé Langeron : « Il me convient moins qu’à un autre de parler. On m’accusera de vengeance contre les jansé nistes ; ils remettront sur la scène le quiétisme. Je soulèverai tout le clergé de mon diocèse et les deux universités voisines. » Correspond., t. ii, p. 501. Il ajoute qu’il n’agira que si le roi ordonne aux évêques de parler et il n’agira qu’après les autres évêques ; en particulier, il serait nécessaire que son mandement fût entièrement d’accord avec celui de l’évêque de Chartres. Cependant, des historiens ont insinué que ce fut Fénelon qui ranima les querelles jansénistes, après le Problème ecclésiastique et avant le « cas de conscience ». Condamné à Rome et disgracié à Versailles, Fénelon aurait pensé pouvoir se réhabiliter auprès du pape et auprès du roi en combattant le jansénisme ; en même temps, il aurait pris sa revanche sur Bossuet, cjui l’avait fait condamner à Home, et sur Noailles, qui l’avait trahi à Paris. En revanche, Fénelon a affirmé n’avoir jamais agi par rancune et par esprit de vengeance. « Dieu m’est témoin, écrira-t-il le 12 mars 1714 à Le Tellier, qu’à l’égard de M. le cardinal, mon cœur n’a jamais ressenti la moindre altération. J’ai une horreur infinie de tout ressentiment… » Quoi qu’il en soit, Fénelon va prendre désormais la première place parmi les adversaires du jansénisme, auquel, par tempérament, il a toujours été fort opposé. On sait qu’au moment où il fut condamné à Rome il refusa de s’allier aux jansénistes, qui lui demandaient de faire cause commune avec eux contre la cour de Rome.

La plupart des évêques de France avaient déjà condamné le cas de conscience, lorsque Fénelon publia, le 10 février 1704, une instruction pastorale qui traite largement la question du jansénisme. Il note que l’Église n’a point condamné les intentions de Jansénius, car elle ne juge pas les sentiments intérieurs des personnes ; le secret des cœurs est réservé à Dieu. Quand elle parle du sens d’un auteur, elle n’entend parler que de celui qu’il exprime naturellement par soti texte. Donc, lorsque l’Église a condamné les cinq propositions de Jansénius, elle n’a point prétendu que ces propositions sont les expressions mêmes de cet auteur, mais qu’elles sont l’abrégé de son livre. La distinction du fait et du droit et le silence respectueux que le cas de conscience a voulu justifier rendent possible n’importe quelle hérésie. Puis Fénelon veut établir l’infaillibilité de l’Église quand elle prononce sur l’orthodoxie ou l’hétérodoxie d’un auteur : les promesses d’infaillibilité faites par Jésus à son Église, la pratique constante de l’Église, qui a réglé la foi des fidèles, en approuvant certains textes, dont elle a fait un symbole, et en condamnant d’autres textes comme erronés ; enfin les propres aveux des disciples de Jansénius, qui reconnaissent l’autorité de l’Église quand elle approuve la doctrine de saint Augustin et qui se contredisent lorsqu’ils refusent de reconnaître cette même autorité condamnant la doctrine de Jansénius, tout cela prouve l’infaillibilité de l’Église. Ainsi, dans cette première instruction, Fénelon s’appliqua à réaliser les principes qu’il avait souvent posés : il faut expliquer. « L’autorité des brefs, des arrêts, des lettres de cachet ne suppléera jamais à une bonne instruction ; la négliger, ce n’est pas établir l’autorité, c’est l’avilir et la rendre odieuse, c’est donner du lustre à ceux qu’on a l’air de persécuter. »

Cette instruction, Fénelon l’envoya à Clément XI, le 8 mars (Correspond., t. III, p. 14-16) avec ces mots : « Si l’Église peu ! se tromper dans les jugements sur les textes dogmatiques, c’est la porte ouverte à toutes les hérésies… ; tous les symboles, tous les canons, pourront être tournés en dérision. » Le P. Lami, les 1 !) mai et 2 juin 1704 (ibid., p. 17-18, 21-23), félicita vivement Fénelon et il fait, en quelques lignes, un résumé fort clair de sa thèse : l’Église est infaillible dans les décisions relatives à la conservation du dépôt de la foi : or, cette conservai ion n’est possible que si