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mesure — en plusieurs régions, c’est qu’il y a eu entre ces régions, même éloignées les unes des autres, des relations d’ordre génétique, historique et que ce qui les sépare actuellement, ce sont des régions où des cycles plus récents se sont établis en disjoignant des cycles plus anciens, et que leur indépendance présente n’est qu’une apparence.

Ces résultats fournissent un précieux instrument de travail, car « la présence de quelques éléments, même peu nombreux, d’un cycle culturel ayant été constatée quelque part, l’on peut immédiatement conclure à la présence, passée ou actuelle, à l’influence plus ou moins forte en ce lieu, du cycle entier ». Ibid., p. 21. Ce sont particulièrement les éléments matériels de la culture qui serviront à la dépister, parce que les explorateurs les découvrent plus rapidement que les éléments spirituels, que les formes en sont plus aisément discernables que celles de ces derniers et que, pour ces deux premières raisons, la science les a réunis en plus grand nombre que les autres, surtout dans les musées d’ethnologie. Ils jouent le même rôle dans la détermination des cycles culturels que les fossiles en géologie.

D’ailleurs certains indices de la civilisation spirituelle sont assez facilement découverts. « Il s’agit des motifs « astraux », spécialement des motifs solaires et lunaires, sur lesquels travaille avec prédilection la mythologie particulière de chaque cycle culturel. Ces motifs étant faciles à décrire et se présentant sous des formes bien caractérisées qui donnent la possibilité de les discerner même en des fragments mythiques très mutilés, il en résulte qu’eux aussi peuvent être utilisés comme signes révélateurs primaires d’un cycle culturel. On pourrait les désigner sous le nom de Leilmotive mythologiques. » Ibid., p. 22. Pour la recherche de ces Leilmotive, comme dans les divers domaines de la civilisation spirituelle, « la science ethnologique donne aux missionnaires le rôle principal. Pour le remplir, nul n’a comme eux les deux conditions principales : un long séjour sur place, une connaissance approfondie de la langue des indigènes. Ces deux conditions sont particulièrement utiles aux missionnaires pour l'étude des mythes ; les recueils de mythes n’ont de valeur, en effet, au point de vue scientilique, qu’autant qu’ils sont reproduits dans leur langue originale, présentés ensuite dans une traduction exacte et accompagnés d’amples commentaires sur la langue et sur le fond. Or, pour cela, personne ne peut sérieusement rivaliser avec les missionnaires. « Conformément à ces données, j’ai déjà pressé les missionnaires collaborateurs de ï'Anthropos de recueillir les mythes de la façon qui vient d'être dite et je leur ai fourni, pour les aider dans ce travail, des indications précises. Cet appel a déjà produit d’appréciables résultats… Notre intention est de recueillir, pour chaque peuple primitif, son livre sacré, sa Bible, si je puis dire, le livre dans lequel il exprime le plus fidèlement ses pensées et ses sentiments, et où il raconte des souvenirs dont les plus anciens remontent souvent à des milliers d’années. » Ibid., p. 30 et 31.

b) Résultats généraux de ces divers types de civilisalion. — En usant de la méthode ainsi décrite le P. Schmidt a établi quatre types de civilisation primitive : 1. La civilisation exogame-monogame, ou centrale, des Pygmées d’Afrique ou du sud de l’Asie, auxquels il faut peut-être joindre ceux de la NouvelleGuinée et des Nouvelles-Hébrides. 2. la civilisation exogame à totémisme sexuel, ou méridionale, des tribus du sud-est de l’Australie et, dans une certaine mesure, des tribus de la Terre de Feu et des Bochimans de l’Afrique du Sud. 3. la civilisation exogame à droits égaux, ou arctique, d’un certain nombre de tribus du nord et du nord-est de l’Asie, des Esquimaux primitifs de l’Amérique du Nord, civilisation en rapports

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

avec celle des Californiens du Nord et des Algonquins primitifs. 4. la civilisation du boumerang de tribus australiennes plus évoluées que celles du Sud-Est et de tribus du Haut-Nil et du sud de l’Afrique.

Ce sont là les types les plus rudimentaires de civilisation actuellement connus : 1. ce sont des civilisations de refoulés, habitant des extrémités de continents ou des régions d’accès difficile et de séjour peu tentant, où ne se trouvent pas de traces d’un peuplement antérieur ; 2. on n’y vit, à très peu d’exceptions près, que de la cueillette ; 3. l’habitation, l’habillement et l’armement sont des plus simples : la famille individuelle y joue le rôle principal, caractère qui, en soi, pourrait être secondaire, s’il n'était pas aussi constant et uniforme et s’il n’y avait une absence de traces, significative, d’un état antérieur plus complexe ; 1. on y ignore la grande chasse, la culture du sol, l'élevage, la poterie, le tissage qui se trouvent même dans les cultures primaires.

c) Résultats relatifs à l’idée divine. — Or, dans ces milieux, on trouve l’idée d’un Etre suprême d’une nature assez élevée. La preuve surabondante de ce fait est fournie par les volumes n à vi de la seconde édition de VOrigine de l’idée de Dieu. (Le premier, paru en 1926, est purement historico-critique comme d’ailleurs la l re édition de 1912, que cet ouvrage de 1926 développe notablement.)

a. — Le second volume de Y L’rsprung est consacré aux peuples primitifs de l’Amérique : Der Ursprung des Gottesidee. II. Teil. Die Religionen der Urvôlker. n. Band. Die Religionen der Urvôlker Amerikas, Munster, 1929, in-8° de xliv-1065 p. — Dans l’Amérique du Nord, en Californie centrale, le long de la côte ouest en remontant vers le Nord et dans la partie orientale du continent en remontant jusqu’au Labrador, on trouve des tribus qui en sont encore au stade de la cueillette, bien que certains de leurs éléments, en contact avec des populations de culture différente et particulièrement totémiste, en aient subi plus ou moins l’influence. Dans l’ordre religieux ces trois groupes présentent entre eux de telles ressemblances que leur liaison historique ancienne s’impose. On notera que ce sont les tribus les moins avancées de chaque groupe qui ont entre elles le plus d’affinités, par exemple les tribus californiennes du Nord-Centre et les tribus algonquines de l’Est. Toutes ces populations croient à un Être suprême. Au-dessous de celui-ci, il y a le Messager et l’Ancêtre, qui ont dû ne faire qu’un à l’origine et le Mauvais. L’Ancêtre a été créé par l'Être suprême pour être son agent et son prêtre. Le Mauvais, adversaire de l'Être suprême, inspirateur de tout mal, producteur de la mort a une origine obscure, mais reste subordonné à l'Être suprême. L'Être suprême est bon et auteur de tout bien, il récompense les observateurs de ses lois et punit leurs contempteurs dès ici-bas, il y a un paradis, le sort final des méchants restant diversement conçu. Dans un petit nombre de tribus on lui donne une femme. La notion de création est très en relief et cette création est représentée dans les cérémonies tribales. Le culte privé de l'Être suprême est en régression au profit de personnalités secondaires, mais de vraies prières sont des traces très nettes de relations directes avec lui. Le sacrifice n’apparaît que sous la forme d’offrandes de prémices chez les Senape et les Algonquins de l’Ouest. Les cérémonies tribales d’une haute importance religieuse s’adressent à l'Être suprême. Les ethnologues américains ont abandonné l’hypothèse d’un emprunt de ces conceptions religieuses élevées aux missionnaires.

A des milliers de kilomètres de là, les PP. Gusinde et Koppers en trois expéditions (1919, 1920, 1921) ont découvert une religion chez des tribus que Darwin, puis le missionnaire protestant Bridges, avaient crues

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