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    1. RELIGION##


RELIGION. MÉTHODE ETHNOGRAPHIQUE, PRINCIPES 2226 « s’est étonnamment répandue » dans les cultes primitifs. La même année, P. Radin disait : « Voilà vingtcinq ans que Lang a publié son livre et sa pénétrante intuition se trouve confirmée. C'étaient les ethnologues qui se trompaient (en soutenant l’animisme). Des faits précis, assemblés par d’authentiques spécialistes, sont venus remplacer ses exemples souvent trop vagues. Personne, aujourd’hui, ne conteste plus sérieusement que beaucoup de peuples primitifs croient en un Créateur suprême. » Lowie dans sa Primitive Religion, NewYork, 1924, tout en estimant insuffisamment démontrées les conclusions du P. Schmidt (voir plus loin) estime que, du point de vue logique, il n’y a pas d’objection à élever contre elles. Fr. Heiler dans son livre sur la prière (Das Gebet, Munich, 1922, traduit en français en 1931) conclut comme il suit sur la question : « Une perspective d’histoire et de philosophie religieuse s’ouvre devant nous très différente de celle que dessinent les théories courantes sur la genèse de l’idée de Uieu. L’homme primitif n’adresse pas sa prière à une multitude d’esprits, mais au Dieu unique. Père de tous, Maître du ciel et de la terre… La prière est donc la grande création d’un monothéisme primitif. » Trad. fr., p. 140-141. Nieuvenhuis en 1920 soutient que l’idée d'Être suprême est née de l’impression produite sur l’esprit du primitif par le monde considéré comme un tout, l’idée des autres divinités ne lui étant venue que plus tard, au spectacle des divers domaines particuliers de la nature. Enfin Pettazoni à la suite d’une longue enquête, conduite d’ailleurs sans beaucoup de méthode, conclut à l’existence d’une croyance très répandue à un Dieu du ciel qu’il attribue uniquement à un processus de personnification, et sans préciser la date de cette croyance dans les différents cas. Formation et développement du monothéisme dans l’histoire des religions, t. i, Rome, 1922. (1. Foucart estime que cette notion du dieu du ciel remonte à la plus ancienne période du sentiment religieux. Art. Sky unit Sky-God dans V Encyclopœdia oj Religion and Ethics de Hastings, t. xr, 1920. (Nous empruntons tout l’exposé précédent, depuis A. Lang, à W. Schmidt, Origine et évolution de la religion, trad. française, Paris, 1931, p. 219-276. On y trouvera toutes les références.)

2° La grande enquête du P. Schmidt. — 1. Exposé. Mais le vrai continuateur de Lang, continuateur qui a d’ailleurs donné aux idées de Lang une précision et à sa documentation une ampleur qu’elles n’avaient pas, c’est le P. W. Schmidt, religieux autrichien de la Société du Verbe divin.

Le P. Schmidt a lance en 1906, Anthropos, revue internationale de linguistique et d’ethnologie. Peu après il créa une Bibliothèque Anthropos, collection de monographies ethnologiques. Il fonda, avec le P. Bouvier, S. J., mort pour la France, les Semaines internationales d’Ethnologie religieuse, dont la première fut tenue à Louvain en 19Il sous le patronage du cardinal Mercier. Professeur a l’Université de Vienne, il contribua pour une large part à la création d’un Institut d’ethnologie toujours florissant et à l’Institut missionnaire de Saint-Gabriel, à Mndling, près de Vienne, prit une part prépondérante à l’organisation de l’Exposition vaticane des Missions en 1925 et devint en 1926 le direct mr du Musée missionnaire ethnologique du Latran et comme tel a fait subventionner par le Saint-Siège des missions d'études ethnologiques chez les peuplades primitives. Ses occupations l’ont o’iligé de passer la direction d’AnOiropos en 1923 au P. Koppers.

Depuis trente ans il ne cesse de publier des mémoires dans Anthropos et des ouvrages importants. Kn 1906, il donnait un Aperçu des méthodes de l’ethnologie moderne (en allemand à Vienne, en français à Paris). Il a étudié les peuples Monkhmer (1906) et les langues australiennes (1919, Prix Volney de l’Académie des Inscriptions et Balles-Lettres). Il a précisé la place des Pygmées dans l'évolution de l’humanité (1910). Il a donné deux grandes études d’ensemble d’ethnologie et de linguistique : Vôlker und Knlturen, 1914-1924, en collaboration avec le P. W. Koppers, eU)ie Sprachfamilien

und Sprachenkreise der Erde avec atlas, Iteidelberg, 1926. Dans l’ordre de l’ethnologie religieuse on lui doit un ouvrage sur lu Révélation primitive (Munich, 1913 ; trad. fr. par le P. Lemonnyer, PU 1), une critique des vues de Otto sur le numinosum : Voies de l’humanité pour la connaissance de Dieu, Munich, 192 : 5, un Handbuch der vcrgltichenden Religionsgesehichte (1930), traduit en 1931 par le P. Lemonnyer sous le titre d’Origine et évolution de la religion, (qui correspond au sous-titre de l’ouvrage, traduit également en anglais, en italien et en espagnol). Mais son ouvre capitale est l’Origine de l’idée de Dieu. Ce fut d’abord une série d’articles parus dans Anthropos de 1908 à 1910, puis un tirage à part, en français en 1910. S’ius cette première forme l’Origine constituait une introduction historique et critique au prob'.ème. Ce premier ouvrage fut revu et amélioré dans une édition allemande parue à Mtinster-en-W., 1912. Enfin, de 1926 à 1935, une seconde édition allemande considérablement développée a fourni la documentation la plus abondante qui existe sur le sujet avec les conclusions longuement motivées du P. Schmidt, Der Ursprung der Gottesidce, Munster, 1926-19 :  !."), 6 vol.

a) Pi incipes de la méthode. — Le principal mérite de l'œuvre scientifique du P. Schmidt est le souci de méthode rigoureuse qu’on y trouve, souci qui donne a ses conclusions sur le caractère primitif de l’idée de Dieu une précision et aussi une force convaincante que n’avaient pas les recherches poursuivies à cet égard avant lui et que même elles n’ont pas toujours eues depuis ce salutaire exemple. (Ce qui ne veut pas dite que tout dans les affirmations du grand ethnologue viennois ait le caractère d’une certitude absolue et définitive : il est le premier à le proclamer.)

Or il se trouve — et le fait est caractéristique — que dès le début de sa carrière scientifique, le P. W. Schmidt a donné des éclaircissements sur sa méthode, tout d’abord dans une série d’articles parus dans Anthropos dès sa première année, puis édités à part à Salzbourg et à Vienne (1906, en français), et ensuite dans une conférence donnée à l’assemblée générale de la LeoGesellschaft à Vienne, le 7 novembre 1910, et intitulée Voies nouvelles en science comparée des religions et en sociologie comparée (une traduction, revue par l’auteur, a paru dans la Revue des sciences phil. et théol., t.v, 1911, p. 46-74, et tirage à part).

Comment faire la préhistoire religieuse de l 'humanité, puisque le propre même de la préhistoire c’est de ne pas se référer à des documents écrits ? telle est la question que se pose l’auteur de la conférence, fin recourant — et ce pour suppléer à l’absence de témoignages directs de l’ordre spirituel et pour combler les lacunes résultant du caractère sporadique des restes d’outils préhistoriques en ce qui concerne la civilisation matérielle — à l’observation des peuples dits primitifs qui vivent encore aujourd’hui. « Semblables aux hommes primitifs par leur ignorance de l'écriture, ils leur ressemblent aussi sur tous les autres points de leur évolution. De même que la terre nous conserve les restes des peuples préhistorique^, ainsi des isolements précoces et, à l’intérieur, le poids de leur stagnation, ont maintenu jusqu'à nos jours les peuples primitifs dans un état foncièrement identique à celui des hommes des millénaires passés. » Tirage à part, p. 4. Mais ici il est nécessaire de distinguer entre la civilisation extérieure matérielle et la civilisation spirituelle. « Kn ce qui concerne la première, il faut, je crois, affirmer énergiquement que l’on doit en toute confiance déclarer fausse et, par suite, laisser de côté l’opinion suivant laquelle la grande masse des peuples primitifs serait déchue d’un état antérieur très élevé de civilisation même matérielle : l’opinion, autrement dit, qui soutient en son intégrité la théorie de la dégénérescence. Les cas de semblables dégénérescences sont relativement rares et plutôt de minime importance. » lbid., p. 7. Il en serait de même dans l’ordre spirituel d’après les tenants de l'évolutionnisme linéaire rigide qui s’ins-