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    1. RELIGION##


RELIGION. LE MOT ET LA CHOSE

218’t. V, c. xxiii ; objicere, injicere religionem alicui ; obslringere religione, religione liberare. Le sens serait donc : obligation prise envers la divinité, lien ou scrupule religieux » (cf. mihi religio est, j’ai scrupule rie), puis « culte rendu aux dieux, religion ». Cf. toutefois Otto, Arrh. f. Rcligionswiss., t.xii, p. 533. » (Loc. cil, , p. 819-820.)

Certains auteurs maintiennent la dérivation du verbe relegere, mais pris en un autre sens que celui que lui donne Cicéron. « II y a eu sans rioute deux verbes de cette forme : dans l’un re a bien une valeur itérative ; relego signifie alors « 1 ile de nouveau, lire à plusieurs reprises », ou encore « parcourir de nouveau (un chemin, un pays) » — dans l’autre, re ne marque pas répétition, mais réunion, rapprochement : relego ou peut-être religo, voudrait dire alors « recueillir, rassembler ». Ce second relego s’oppose dans sa forme à ne.glego ou negligo ; n’a-t-il pu. bien que cette acception n’existe pas dans le latin classique, s’y opposer aussi par son sens et signifier à peu près la même chose que colère : « prendre soin ; avoir des égards ou du respect pour quelque chose ? » Religenlem est cité dans ce sens par Aulu-Gelle, iv, 9, par opposition à religiosus, pris en mauvaise part. On peut en rapprocher diligens, diligentes (qui d’ailleurs se trouve justement dans le texte de Cicéron déjà cité, De natura deorum, II, 28). Voir Freund et Theil, Grand dictionnaire latin, à ce mot, t. iii, p. 471 B. ; Bréal et Bailly, Dict. dt/mol. latin, au mot l.ego, p. 157 B. » (Vocabulaire technique et critique de la philosophie par A. Lalande, Paris, 1932, t. ii, p. 703, note de A. Lalande.)

Dans le latin classique on relève les acceptions suivantes du mot religio : 1. attention scrupuleuse, scrupule, délicatesse, conscience ; 2. scrupule religieux, sentiment religieux, crainte pieuse ; 3. sentiment de respect, vénération, culte : 4. croyance religieuse, religion ; 5. pratiques religieuses, culte ; 6. respect (vénération ) dont est entouré quelque chose, sainteté, caractère sacré ; 7. engagement sacré ; 8. ce qui est l’objet de la vénération, de l’adoration, du culte ; [d’où, surtout au pluriel] chose vénérée, chose sainte, objet sacré ; 9. scrupule de n’être pas en règle avec la divinité, conscience d’être en faute à l’égard de la religion ; [par suite] état de faute, de culpabilité religieuse qui ne s’efface que par une expiation ; 10. consécration religieuse qui fait qu’une chose appartient à la divinité el ne peut être d’un usage profane. (D’après F. Gafïiot, Dictionnaire illustré latin-français, Paris, 1934, à ce mot.)

J. Lachclier fait sur l’emploi du mot religio par les Latins les remarques suivantes : « Religio paraît être d’une manière générale, en latin, le sentiment, avec crainte et scrupule, d’une obligation envers les dieux. Il n’y avait pour les anciens que des religionem. Religio au singulier, dans Lucrèce, signifie une religio quelconque, la religio en général. Cette généralisation n’en est pas moins un fait remarquable ; elle met nettement aux prises la croyance à un surnaturel quelconque avec le matérialisme épicurien. L’idée d’un Dieu unique, conçu comme une puissance morale, a entraîné celle d’une religion unique, ayant un caractère moral. Quand on parle aujourd’hui de plusieurs religions, c’est bien entendu dans un sens tout autre que celui où les anciens pouvaient parler de plusieurs religiones : chaque religion étant pour nous un système complet qui se donne pour le seul véritable. » J. Lâche lier dans le Vocabulaire de philosophie de Lalande, p. 703, note.

Dans le Nouveau Testament latin le mot de religio ne se rencontre qu’en trois endroits. L’épitic de saint Jacques, i, 27, lui donne le sens de pratique de la religion : Religio manda et immaculata apud Dciitn et Patrent heec est : visitare pupillos et viduas in tribulatione

eorum. et imnmculalum se cuslodire ab hoc sseculo. Le mot religio traduit ici le Cpr, a>cda du grec, de même qu’au verset précédent religiosus traduit Cpr, cr>c6< ;.. « ( ?pr ( cx6ç, accentué parfois OpT.cxoç, est un hapax dans. laBib’e. Crncle trouve pas usité avant Jac., i, 27, dans les textes connus jusqu’à ce jour. Le substantif Cpr.Gxeta. qu’on lit ici et au verset suivant, peut servir à déterminer le sens de l’adjectif. I ! désigne généralement la religion considérée au point de vue liturgique, soit qu’il s’agisse du culte et des cérémonies itlolâtriques (Sep., xiv, 18, 27, cꝟ. 16 ; xi, 15 ; Hérodote, II, xviii, 2 ; xxvii, 4), d’un culte superstitieux (Col., ii, 18), soit qu’il s’agisse d’honneurs rendus au vrai Dieu (Josèphe, Ant. jud., I. IX, c. viii, n. 3). Mais cette acception n’est pas ici conforme au contexte. Il ne s’agit pas seulement de cérémonies à faire, mais surtout de vertus à pratiquer. (-’p^oy.EÎa rioit donc s’entendre au sensgénéral rie religion avec tous les devoirs que celle-ci implique, de même dans Act., xxvi, 15. L’homme Gp^raôç serait donc celui qui est religieux, non seulement parce qu’il participe- à des rites, mais parce qu’il réalise dans sa vie, ce que Dieu lui demande. Jacques a peut-être choisi exprès ce terme pour réagir contre une acception extérieure de la religion, acception que l’usage ordinaire de ce terme semblait favoriser. » J. Chaine, L’épître de saint Jacques. Paris, 1927, p. 34-35. Saint Paul met en garde les Colossiens contre des judaïsants qui les condamnent au nom d’une humilité (affectée) et du culte des anges, in humilitate et religione angelorum, sans préciser ce qu’était ce culte qu’il réprouve. Col., ii, 18. Enfin au livre des Actes, xxvi, 5, Paul déclare au roi Agrippa qu’il a vécu « en pharisien selon la secte la plus stricte de notre religion (Cpr, cxetaç, religionis) ». A propos de ce dernier texte, Jacquier fait remarquer que Philon, Quod. det. poliori insid., 7, et Josîphe, distinguent soigneusement Cpr^y.zia. de EÛaé6s !.a et goi.ciT7)ç. I ! est fréquemment employé dans Josèphe pour désigner l’aspect extérieur de la religion, Ant. jud., IX, xiii, 3 ; XII. v, 4. Les Actes des Apôtres, Paris. 1926, p. 706. C’est Tertullien qui semble avoir fait le premier parmi les auteurs chrétiens un usage assez large du mot religio qu’il prend d’ailleurs en des sens assez divers : respect religieux (Apolog., xi, 9), culte des faux dieux (ibid., xxv, 2), vraie religion du vrai Dieu (ibid.. xxv, 1), religion des chrétiens envers l’empereur (ibid, xxxiii, 1), religion romaine (ibid., xxiv, 1), religion juive (ibid., xvi, 1, 3).

Il n’y a pas d’équivalent giec adéquat du latin religio : la Gpy ; cx^a, nous l’avons vii, désigne surtout la religion au point de vue liturgique, la toû 0eoû, tejv 0scùv Cprpy.zicr. est également le culte des dieux, l’eùaé^eioc est la piété, le respect et l’amour des dieux.

II. I A CHOSE : DÉFINITION DE LA RELIGION. — Oïl lient, avec le P. de Grandmaison, admettre comme définition, tout au moins liminaire de la religion celle de Morris Jastrow : » La religion se compose de trois éléments : 1. la reconnaissance d’un pouvoir ou de pou voirs qui ne dépendent pas de nous ; 2. un sentiment rie dépendance à l’égard de ce ou de ces pouvoirs ; 3. l’entrée en relations avec ce ou ces pouvoirs. Si l’on réunit ces trois éléments dans une seule proposition on peut définir la religion comme la croyance naturelle à un ou à des pouvoirs qui nous dépassent, et à l’égard desquels nous nous sentons dépendants, croyance et sentiment qui produisent chez nous : 1. une organisation ; 2. des actes spécifiques ; 3. une réglementation rie la vie ayant pour but d’établir des relations favorables entie nous-mêmes et le ou les pouvoirs en question. » (Morriss Jastrow. The Sludy of Religion. New-York, 1901, p. 17(1.) Cité par le P. de Grandmaison dans Christus, 2e éd.. 1916, p. 6.

Si on veut analyser les divers éléments de la ici i