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RELIGIEUX

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apostolique, les conseils évangéliques ont été mis en pratique, à l’imitation du Maître et de ses premiers disciples. Et c’est seulement en ce sens qu’il faut interpréter les paroles de saint Bernard : « L’ordre religieux a existé le premier dans l’Église, ou plutôt, c’est par lui qu’a commencé l’Église, … les apôtres en ont été les premiers maîtres. » Apol. ad Guillem., c. x, P. L., t. clxxxii, col. 912. Les Actes des Apôtres nous offrent en effet des exemples du vœu de continence, Act., xviii, 18, xxi, 23 sq. ; celle-ci était pratiquée par des hommes et aussi par des femmes, notamment par des veuves. I Tim., v, 11-12. Cf. Eusèbe, Hist. eccl, t. III, c. xxix ; S. Ignace, Ep. ad Pohjc, c. v, n. 1, P. G., t. v, col. 724 ; Tertullien, De velandis uirginibus, c. xi, P. L., t. ii, col. 904 ; De exhort. caslitalis, xi, ibid., col. 926. La seule pratique de la chasteté, même confirmée par un vœu, ne suffisait pas à constituer l’état religieux, mais c’était un acheminement ; et il reste vrai que, dès les premiers siècles, les vierges formaient dans l’Église un ordre distinct, ayant une place réservée dans le lieu saint ; la liturgie du vendredi saint a conservé le souvenir de cette antique discipline : dans la troisième oraison, les vierges sont nommées après les confesseurs.

A partir du ine siècle, on voit apparaître une autre ébauche de la vie religieuse sous la forme de Vaseétisme. Les déserts de l’Egypte servirent de refuge aux premiers ermites, moines ou anachorètes, qui quittèrent le monde pour mener dans la solitude une vie de prière et de mortification, laquelle n’excluait pas le travail des mains. La persécution de Dèce (249-251), qui obligea les fidèles à fuir et à se cacher, ne fut sans doute pas étrangère au succès de la vie érémitique. Le plus ancien de ces anachorètes aurait été, au dire de Jérôme, saint Paul de Thèbes, surnommé le premier ermite (né vers 234) ; parmi ses imitateurs, le plus célèbre fut saint Antoine (251-356), auquel on peut adjoindre saint Hilarion († 371) ; à leur suite, les solitudes de l’Orient se peuplèrent de moines dont quelques-uns commencèrent même à se grouper en société. Mais le véritable organisateur de la vie cénobitique et l’auteur de la règle la plus ancienne est saint Pacôme († 346). Les premiers fondements de l’état religieux étaient jetés ; chez les cénobites primitifs, il n’est pas question de vœux solennels, mais la pratique des trois conseils évangéliques est de règle. Avant la fin du iv c siècle, saint Basile († 379) avait conduit, en Asie mineure, l’institution monastique à une rare perfection et il l’avait dotée, par imitation de la règle pacômienne, d’une règle pleine de prudence et de douceur, que suivent aujourd’hui encore les moines d’Orient, uniates et schismatiques. Vers la même époque, saint Augustin avait fondé un monastère pour la vie commune de ses clercs.

D’Orient, la vie religieuse passa en Occident, principalement en Gaule, par suite des relations que ce pays eut avec les prélats d’Orient exilés, en particulier avec saint Athanase ; la diffusion de la vie de saint Antoine provoqua sur notre sol une floraison de monastères avec des maîtres célèbres comme saint Hilaire ou saint Martin de Tours. Mais le véritable père de la vie monastique en Occident fut saint Benoît de Nursie († 543). Vers la fin du ve siècle, il écrivit sa règle qui par sa sagesse et sa discrétion s’imposa peu à peu dans la plupart des monastères, surtout en Gaule. Elle finit même par supplanter celle de saint Colomban, plus austère et moins précise, qui avait connu au vie siècle une diffusion non négligeable, grâce aux nombreuses fondations du moine irlandais. C’est à partir de saint Benoît que l’on voit apparaître dans la règle monastique le vœu de stabilité ; les autres vœux de religion prennent aussi un caractère officiel, d’où sortira plus tard ce que les canonistes ont appelé la solennité des vœux. Il faut signaler aussi, peu après l’introduction de la règle de saint Benoît, l’apparition de l’exemption plus ou moins complète de la juridiction épiscopale. Ce fut d’abord un privilège concédé par l’évêque ou les princes ou, plus tard, découlant du fait que le monastère s’était placé sous l’autorité immédiate du souverain pontife. A partir du xii c siècle ce qui était privilège devint la condition commune des monastères ; mais les abus qui s’ensuivirent amenèrent les papes à restreindre les limites de l’exemption. Cf. Conc. de Trente, sess. xxiv, De réf., c. xi.

Le succès de la règle bénédictine fut considérable ; il n’y eut, durant des siècles, pas d’autre loi du monachisme en Occident, encore que les formules en fussent diverses. Parmi les modifications apportées à la forme de vie religieuse primitive, une des plus saillantes, et aussi des plus importantes pour l’orientation future de l’ordre, fut le passage des moines à l’état clérical : d’où une diminution du travail manuel et une part de plus en plus grande faite à l’office divin et à la liturgie. En même temps, se dessinait un autre mouvement en vue de l’unification. D’après les principes posés par saint Benoît, chaque monastère constituait une famille indépendante sans aucun lien juridique avec les autres communautés similaires et sans supérieur général. Il ne saurait donc être question pendant de longs siècles de l’ordre bénédictin. La réforme monastique du ixe siècle eut surtout pour but d’imposer à tous les moines la pratique uniforme de la règle de saint Benoît. C’est plus tard que naissent des groupes de monastères, que l’on peut appeler des congrégations, soit aux fins de ramener la discipline à l’antique rigueur, soit en vue de procurer une plus grande unité sociale. La plus importante de ces réformes fut celle de Cluny, à laquelle présida saint Odon, deuxième abbé de ce monastère (927-941) ; du xe au xiie siècle cette puissante congrégation unifia l’observance bénédictine dans une grande partie de l’Occident. A côté des réformes, il y eut des réactions contre la conception bénédictine de l’état religieux : si l’on conserve l’esprit de la règle, on y fait de telles modifications que ce sont vraiment de nouveaux ordres qui se fondent avec une tendance marquée pour la vie érémitique. A cette catégorie appartiennent les camaldules, fondés par saint Romuald († 1027), les vallombrosiens, fondés par saint Jean Gualbert († 1073), les chartreux fondés en 1084 par saint Bruno. Un peu plus tard les cisterciens, moines blancs, sont fondés par saint Robert en 1098, mais le grand promoteur fut saint Bernard († 1153). Dans ce même xiie siècle, il faut signaler la naissance de véritables congrégations de chanoines réguliers qui adoptèrent substantiellement la forme de vie et les règles de l’état religieux. Parmi ces familles de clercs qui subsistent encore aujourd’hui, signalons les chanoines du Latran et les prémontrés, dont le fondateur fut saint Norbert, en 1 120.

C’est encore vers cette époque qu’il faut placer la création des ordres militaires, dans un but de charité, soit pour protéger les pèlerins de Terre sainte ou défendre les fidèles aux marches de la chrétienté, soit pour l’exercice de l’hospitalité. Le plus célèbre, celui des templiers ou des pauvres soldats du Christ, fut fondé en 1128 ; il fut supprimé par Clément V au concile de Vienne (1312). Deux subsistent encore de nos jours : l’ordre de SaintJean-deJérusalem ou des chevaliers de Malte, qui est le premier en date (1118), et l’Ordre des chevaliers teutoniques, qui remonte à l’an 1190. Ils ont conservé l’essentiel de l’état religieux, mais ont orienté leur activité vers des buts nouveaux. Au xme siècle, on assiste à l’efflorescence extraordinaire des ordres dits mendiants : franciscains, dominicains, cannes, ermites de saint Augustin. Afin de modérer cette ardeur à fonder des instituts nouveaux