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    1. RELIGIEUX##


RELIGIEUX. L’ETAT RELIGIEUX

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saints, se retirèrent dans la solitude, soit pour vaquer à la prière, soit pour se préparer à leur mission, on peut citer les prophètes Élie et Elisée qui groupèrent autour d’eux des disciples sur le Carmel, les naziréens, et en dernier lieu saint Jean-Baptiste, « le prince des anachorètes », comme l’appelle saint Jérôme. Cf. H. Leclercq, art. Cénobilisme, dans Dict. Arch. et Lit., t. ii, col. 3048 sq. ; Suarez, De religione, tr. vii, t. III, c. i. 1. Le Christ et l’étal religieux.

C’est Notre-Seigneur qui a institué l’état religieux dans sa substance en posant les principes essentiels de la vie religieuse. Sans contraindre personne, il a lancé aux âmes généreuses un appel à la perfection en même temps qu’une invitation à la pratique des conseils évangéliques : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » Matth., v, 48. Sans doute, il y a une perfection commune qui oblige tous les chrétiens : en observant les préceptes, ils acquièrent cette ressemblance avec Dieu qui est dans la charité. C’est la voie ordinaire que le Maître commence par montrer au jeune homme : « Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements. » Matth., xix, 17. A ceux qui veulent faire davantage et qui, comme le jeune homme, demandent : « Que me reste-t-il à faire ? Que me manque-t-il ? », le Maître répond : « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel ; puis, viens et suis-moi. » Ibid., 21. Cf. Matth., xvi, 24 ; Marc, viii, 34 ; Luc, ix, 23. On peut trouver dans les textes du Nouveau Testament qui nous rapportent ou les paroles du Sauveur et celles de saint Paul, ou la manière de vivre du Maître et des Apôtres, l’indication substantielle des trois conseils évangéliques de pauvreté, chasteté et obéissance, qui constituent l’essence même de l’état religieux :

a) Le Christ en effet fait l’éloge solennel de la pauvreté dans le discours sur la montagne, en proclamant bienheureux ceux qui ont l’esprit de cette vertu, Matth., v, 3 ; Marc, x, 23 ; Luc, vi. 20 ; ailleurs il montre le danger des richesses, Matth., xix, 23 ; xxv, 35 ; xxvi, 11 ; et invite ceux qui veulent le suivre à s’en détacher. Matth., xix, 21 ; Luc, xviii, 18. Luimême donne l’exemple du détachement, « n’ayant pas où reposer sa tête ». Luc, ix, 58 ; Matth., viii, 20. Il mène avec ses apôtres une vie pauvre, vivant de charité. Joa., xii, 6 ; Matth., xxvii, 55. Les premiers chrétiens imitèrent cette manière de vivre du Sauveur, vendant leurs biens et mettant leurs ressources en commun. Act., ii, 45 ; iv, 34 ; v, 1-12.

b) Pour la chasteté, le Christ lui-même en avait vanté les avantages « en vue du royaume des cieux », Matth., xix, 12 ; les cœurs purs avaient été proclamés bienheureux. Matth., v, 8 ; xxii, 30 ; Luc, xx, 34. Après le Christ, saint Paul avait insisté sur la nécessité de mortifier ses sens, Rom., viii, 12-13 ; Gal., v, 17 sq. ; il montre aux Corinthiens l’excellence de la virginité, sa supériorité sur l’état de mariage. I Cor., vii, 6-8, 25, 35, 38.

c) Enfin le Christ a donné lui-même l’exemple de l’obéissance à son Père et cela « jusqu’à la mort et la mort de la croix ». Phil., Il, 8 ; Luc, x, 21 ; Joa., viii, 29. A ceux qui veulent le suivre il indique la voie du renoncement, donc de l’obéissance, Matth., xvi, 24 ; c’est la voie qu’il a suivie lui-même, Rom., xv, 3, et dans laquelle il engage tous ceux qui aspirent à la perfection. Matth., xix, 21. Cf. S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. clxxxvi, a. 5, sed contra ; a. 8, ad lum. Et dans l’esprit du Maître cet engagement à la pratique des conseils évangéliques n’est pas seulement chose temporaire, il est envisagé comme perpétuel et irrévocable, comme le sont les vieux de religion. Cf. Luc, ix, 60-62 ; xviii, 28-30. Suarez, De religione, tract, vii, t. II, c. ii ; t. III, c. ii, n. 5 ; t. VIII, c. i ; 1. IX. c. i sq.

L’examen de ces textes montre surabondamment qu’il n’est point nécessaire, pour expliquer l’introduction du monachisme et de la vie religieuse dans l’Église, d’avoir recours à de prétendus emprunts faits aux « frères de Sérapis », au bouddhisme ou au néoplatonisme. Cf. Dom Besse, art. Monachisme, dans le Dict. Apol., t. iii, col. 860.

Faut-il dire, avec quelques auteurs, que le Christ en appelant ses apôtres et en les groupant autour de lui en collège a fondé le premier ordre religieux avec vœux ? Suarez l’affirme, mais sans preuve, loc. cit., t. III, c. ii, n. 9. C’est là une pure hypothèse qui, pour n’être pas impossible ou improbable, n’a pour elle aucun argument historique direct et probant. On peut concéder que les apôtres, comme les évêques leurs successeurs, ont été constitués dans un état de perfection à communiquer (perfectionis exercendœ), ce qui supposait chez eux la pratique d’au moins quelques conseils, mais non pas nécessairement celle des trois conseils, en particulier du conseil de pauvreté, et de celui d’obéissance. Cf. Bouix, De jure regularium, t. i, p. 35 sq. Il reste vrai cependant que, par ses paroles comme par ses exemples, le Christ a posé les principes, établi les bases de la vie religieuse. Saint Thomas ne craint pas d’affirmer que « c’est aux disciples de Notre-Seigncur que remonte tout ordre religieux ». Il dit ailleurs que « les apôtres firent profession de ce qui se rapporte à l’état religieux quand ils quittèrent tout pour suivre Jésus-Christ ». Ila-II 16, q. clxxxviii, a. 7 ; q. lxxxviii, a. 4, ad 3um.

Ce que Notre-Seigneur a institué, c’est l’état religieux dans sa substance et ses grandes lignes ; c’est seulement dans ce sens que cet état peut être dit de droit divin ou, plus exactement, d’institution divine : Status religiosus secundum se et quoad substanliam suam ab ipso Christo Domino immédiate traditus et instilulus fuit alque ita dici potest esse de jure divino non prsecipienle, sed consulenle. Hsec est sententia omnium catholicorum recle sentientium, dit Suarez, loc. cit., t. III, c. ii, n. 3 ; et il cite à l’appui : saint Thomas, H a -IIæ, q. lxxxviii, a. 4 ; Bellarmin, De monachis, t. II, c. v, n. 25, etc. Cette institution divine ne comporte pas seulement une exhortation théorique à embrasser l’état religieux, elle confère encore à l’Église un véritable pouvoir d’établir, d’administrer et de supprimer des ordres religieux, indépendamment du pouvoir civil. C’est encore en vertu de ces pouvoirs divins que l’Église a la faculté d’approuver, par l’organe du Souverain Pontife ou du concile œcuménique, de façon définitive un institut religieux, d’admettre ou de réprouver certaines formes de vœux, d’établir certaines incapacités ou inhabiletés, de dispenser des vœux, même des vœux solennels, d’imposer la réforme aux instituts relâchés, etc. Quant aux dernières déterminations concernant le genre de vie, les conditions du noviciat ou de la profession, le costume, elles relèvent du droit purement ecclésiastique et sont variables selon les temps et les lieux.

2. Les développements de l’étal religieux. —

Les exhortations du Christ aussi bien que ses exemples ne pouvaient rester vains et sans effet ; aussi, la grâce divine aidant, c’est à toutes les époques de l’histoire de l’Église que l’on voit des fidèles des deux sexes suivre les conseils évangéliques sous des formes diverses ; on peut donc dire que l’état religieux, en tant qu’il constitue une profession publique des conseils et qu’il manifeste extérieurement la sainteté de l’Église, est en quelque sorte indéfectible. Cf. Bouix, De jure regularium, éd. de Paris, 1876, t. i, p. 172.

Ce n’est pas que l’étal religieux complet, avec ses trois vœux, ait existé dès les premiers temps de l’Église, même comme une organisation embryonnaire ; aucun document ne nous révèle quelque chose de semblable. Mais nous savons de façon certaine que, dès l’âge