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RELATIONS DIVINES ET PERSONNES DIVINES


sa préférence la justification suivante : « L’esse ad divin, qui exprime explicitement un être distinct, exprime également d’une manière implicite l’esse in ; bien plus, il est et il est connu être réellement cet esse in de telle sorte qu’en raison de l’esse in qu’il signifie implicitement, l’esse ad est tout ensemble et distinct et subsistant. Au contraire, l’esse in divin, qui certes signifie un être indivisé en soi, ne devient à aucun titre, par son identité réelle avec l’esse ad, distinct et incommunicable. En effet, même en le considérant comme signifiant implicitement les trois esse ad, il est conçu et doit être conçu comme étant commun aux trois relations. En conséquence, l’esse in des relations est absolument insuffisant à rendre raison des deux éléments qui constituent la personne. »

4° Subsistences relatives ou subsistence absolue ? — La nuance qui sépare les théologiens dans la question précédente vient sans doute de leur divergence sur l’ultime précision que voici : Les relations subsistantes constituent-elles en Dieu une seule subsistence absolue ou trois subsistences relatives ?

1. Terminologie.

a) Sens concret. — Le terme subsistence, voir Hypostase, col. 408, a été inventé pour rendre, quant au sens, le terme grec ù-kôgtolgiç dont la traduction littérale latine substantia n’exprimait pas l'équivalent. Aussi trouve-t-on, dans les documents officiels de l'Église, subsistentia comme l'équivalent d'ÛTc6aTa(Ti.ç ou de persona. Cf. Jean II, Epist., iii, Denz.-Bannw., n. 201 ; Cav., n. 705. Ainsi on parle des trois subsistences divines, Denz.-Bannw., n. 213, 254 ; Cav., n. 564, 572, comme on parle de l’unique subsistence de Jésus-Christ. Denz.-Bannw., n. 216, 217, 288, 292 ; Cav., n. 708, 709, 736, 744. On trouve cette signification jusqu’au Moyen Age et saint Thomas emploie encore en ce sens subsistentia. Voir, par exemple, I a, q. xxix, a. 2, ad 2um ; III a, q. ii, a. 6.

Mais on trouve aussi chez saint Thomas un sens concret qui n’est pas nécessairement le sens d’hypostase ou de personne, mais plutôt celui de substance concrète, considérée comme existant en soi et non en autrui. Subsistentia désigne en ce cas la substantialité même de l'être par opposition aux accidents et aux parties. Exemples : l a, q. xxix, a. 2 ; De potentia, q. ix, a. 1, c. ; In f™ Sent., dist. XXIII, q. i, a. 1 et ad 4°m : dist. XXVI, q. i, a. 1, ad 3um et 4 Q m. cf. Hypostase, col. 409-410.

b) Sens abstrait. — Le concept que Cajétan s’est fait de la subsistence introduisit un sens abstrait dans la signification de ce terme. Cajétan envisage, dans l’incarnation du moins, la subsistence comme « un mode substantiel dont l’effet est de rendre incommunicable la nature, en la terminant en elle-même et en la disposant immédiatement à être actuée par son existence propre ». Hypostase, col. 416. Analogiquement appliqué à Dieu, ce concept de la subsistence prend un aspect abstrait et désigne l'élément formel conçu en Dieu comme principe de l’existence personnelle, distincte, individuelle. Et ainsi, dans la Trinité, ce principe doit être à la fois d’ordre substantiel et incommunicable.

2. Les opinions.

La terminologie ainsi exposée nous permet de mieux comprendre les trois opinions qui se partagent le monde des théologiens.

a) Première opinion : il n’existe en Dieu qu’une subsistence unique, absolue. — Cette opinion correspond à l’opinion, précédemment rappelée, qui considère qu’en Dieu les personnes se distinguent par leur esse ad, et sont constituées par leur esse in. « Ou bien les relations personnelles sont subsistantes par là même qu’elles sont relations, ou bien elles ne sont subsistantes qu’en raison de la subsistence même de l’essence ou substance absolue. Or, le premier terme de

l’alternative est inconcevable en raison de multiples répugnances ; subsister est la même chose qu’exister en soi : donc, le principe de la subsistence ne peut être qu’un absolu, précisément sous l’aspect où l’absolu se distingue du relatif. Si les relations étaient subsistantes par là même qu’elles sont ad alterum, nous aurions une contradiction dans les termes. De même, si les relations étaient subsistantes en tant que relations elles s’opposeraient entre elles en tant que subsistantes, et ainsi la difficulté tirée du principe d’identité comparée appliquée aux personnes divines deviendrait insoluble. Enfin, si les relations comme telles possédaient la subsistence, le Père subsisterait par un autre principe que le Fils et le Fils par un autre principe que le Père, ce qui poserait en chaque personne une perfection différente. En ce cas, comment sauvegarder l’infinité et la plénitude de perfection en chacune des personnes ? » Billot, th. xi, corol. Ces auteurs acceptent néanmoins de dire — ce que d’ailleurs tout le monde affirme, puisque telle est la foi catholique, — qu’il y a en Dieu trois subsistences concrètes, c’est-à-dire trois personnes subsistantes, trois hypostases.

b) Deuxième opinion : il n’y a en Dieu que trois subsis tences relatives, mais pas de subsistence absolue. — C’est la contre-partie de l’opinion qui tient qu’en Dieu la personne est constituée par la relation divine considérée formellement selon son esse ad. C’est aussi la conclusion logique de ceux qui trouvent dans l’esse ad un principe de perfection relative. Voir ci-dessus, p. 1011. Galtier, qui adopte cette opinion, cite en sa faveur Suarez, op. cit., t. III, c. iv ; Billuart, op. cit., dissert. IV, a. 4 ; Gonet, op. cit., disp V, a. 2, n. 42-74 ; Franzelin, De Deo trino, p. 378 ; Pesch, De Deo trino, n. 605. On doit ajouter Vasquez, De Lugo, et de nos jours A. d’Alès, De Deo /mio, th. ix.schol. ii, p.233 sq. Il faut remarquer toutefois que, dans le sens exclusif donné à l'énoncé de l’opinion, bon nombre des auteurs cités doivent être récusés, car ils sont partisans, en plus des trois subsistences relatives, d’une subsistence absolue en Dieu. La deuxième opinion, entendue en son sens strict, est propre à Vasquez, de Lugo, Galtier, d’Alès, Pesch, Franzelin. Elle est défendue par un grand nombre de théologiens, major pars, dit Diekamp, Monnaie, t. i, p. 383. On trouvera dans Pesch, n. 605-611, une bonne discussion sur le sujet, tout d’abord en ce qui concerne la façon dont Giinther a détourné de leur vrai sens les assertions de saint Augustin, dans Vorscliule zur speculativen Théologie des positiven Christenthums, Vienne, 1829, t. r, p. 119 ; t. ii, p. 537 ; ensuite, relativement à la manière dont les anciens théologiens scolastiques posaient le problème, dont les données sont totalement changées par Durand de Saint-Pourçain et Cajétan. Cette mise au point est fort utile pour comprendre les divergences d’opinions.

c) Troisième opinion : il ij a en Dieu trois subsistences relatives et une subsistence absolue. — C’est l’opinion de Suarez, des dominicains disciples de Cajétan (exception faite pour Pègues, dans son Commentaire littéral, t. ii, p. 172-177 et 260-261). Cette opinion est rejetée avec véhémence par les partisans de la première opinion ou de la deuxième, entendue en son sens strict : la subsistence absolue est une conception « nouvelle et arbitraire », écrit Galtier, n. 325. « Aucune place pour la quatrième subsistence de la substance divine », dit Billot, loc. cit. Voir dans A. d’Alès une vive attaque contre cette conception d’une subsistence absolue. Sans adopter cette opinion. Franzelin montre en quoi elle est acceptable. Il ne s’agit pas d’une subsistence entendue au sens abstrait du mot (tel qu’on l’entend après Cajétan), mais d’une subsistence entendue au sens large de substance ou essence, par opposition à l'être accidentel. En ce sens, on ne voit pas trop quelle