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RELATIONS DIVINES ET ESSENCE DIVINE


entre perfections simplement simples et ncn simplement simples paraît bien avoir été inventée pojr les besoins de la cause. Ensuite, elle est non seulement difficile à concevoir, mais véritablemen. inconcevable parce qu’entachée de contradiction. Toute négation de perfection implique une limita ion en celui qui ne possède pas cette perfection : c’est le bon sens lui-même qui l’indique. Et donc, il convient de chercher une autre solution. Cf. Billot, op. cit., p. 397, th. vi, ad 2um.

L’école thomiste apporte une solution en conformité avec les principes qu’elle pose. Ce n’est pas l’esse ad qui donne perfection à la relation qu’il constitue ; c’est l’esse iii, aspect différent de la même réalité, qui confère à la relation toute la perfection qu’elle peut avoir. « La relation comme telle ne met rien de positif dans le sujet, puisqu’elle est formellement l’esse ad, l’aspect vers un autre. Or la relation de paternité, considérée en son fondement, en ce qui la fait réelle, selon son esse in, son aspect vers le dedans, c’est identiquement l’essence divine infinie et toute sa perfection, que le Père possède ainsi tout entière ; et de même le Fils et l’Esprit. « A l’objection proposée : le Fils n’a pas la perfection qu’est la paternité, il ne possède donc pas toute perfection, nous répondrons : le Fils n’a pas la paternité formellement considérée selon son esse ad, son aspect vers le Fils, assurément ; mais cet aspect ne dit aucune perfection absolue. Quant à l’esse in de la paternité, son fondement, qui est la nature infiniment parfaite, le Fils la possède tout entière, puisque le Père engendre son Fils… précisément en lui communiquant toute la nature divine. » A. -A. Goupil, Dieu, 1. 1, p. 151.

Par là, on voit que, si les relations divines comportent une perfection réelle, la perfection divine infinie, ce n’est qu’en raison de leur identité avec l’essence divine qu’elles sont parfaites. Les trois personnes divines n’ont donc pas plus de perfection qu’une seule, toutes trois ayant la même nature infiniment parfaite. Voir le développement de cette thèse dans Billot, th. vu et viii, et dans Van Noort, De Deo uno et trino, p. 172-184. Ch. Pesch, Prwlectiones, t. ii, prop. « 3, n. 629-631, et P. Galtier, op. cit., p. 203, adoptent une solution moyenne : la relation divine est une réelle perfection et cependant n’ajoute rien à la perfection de la substance. Cette solution ne paraît intelligible qu’à la condition de la comprendre dans le sens de Cajétan, des thomistes, de Billot et de Van Noort. On trouve un bon exposé de l’opinion thomiste dans Genêt, Clgpeus theologiæ llwmistiæ tract. VI, De sacro Trinitatis mijste.rio, disp. III, a. 5, n. 157-194 ; et dans les Salmanticenses, De Trinitate, disp. VI, dub. n.

III. Rapports des relations et de l’essence divines. — Les rapports des relations divines avec la divine substance sont déjà implicitement indiqués dans le concept théologique de « relation subsistante ». Il est nécessaire cependant de les dégager explicitement.

Point de départ dogmatique.

Dans cet exposé

qui est principalement, pour ne pas dire purement, scolastique, un double point de départ dogmatique s’impose.

1. Le premier est la condamnation des erreurs de Gilbert de La Porrée et de Joachim de Flore, non moins que le raisonnement théologique, d’où il appert qu’en Dieu, qui est la simplicité parfaite, relations et substance ne peuvent se distinguer entre elle réellement, puisque ce serait placer en Dieu une véritable composition. Les relations divines s’identifient donc dans la réalité avec la substance divine, à l’égard de laquelle elles n’ont pas d’opposition. Le texte du IVe concile du Latran ne laisse aucun doute à ce sujet : queelibel trium personarum est illa res. videlicet substantia. .. divina.

2. Le second est la réprobation de l’ancienne hérésie des anoméens, ariens rigides, voir t. i, col. 1324, pour qui ]’àyziMr t aioL de Dieu est l’essence même très simple de la divinité, de telle sorte qu’aucun concept différent de Vaséité ne peut être admis. Les Pères, notamment Basile et Grégoire de Nysse s’efforcent de démontrer qu’au contraire des rapports différents peuvent exister en Dieu, sans que cependant l’unité de la substance divine soit compromise. Il est donc faux que tout en Dieu se résolve dans le concept d’aséité.

La conclusion immédiate de cette double constatation dogmatique est que, s’il faut admettre, d’une part, que la relation ne se distingue pas en Dieu réellement de la substance, d’autre part il est nécessaire d’établir entre l’une et l’autre une distinction de raison. Sur ce double point de départ dogmatique, on consultera Galtier, De Trinitate, p. 194, n. 278 279.

Les opinions.

1. Opinion irrecevable : L’opinion

de Durand de Saint-Pourçain estime qu’en Dieu relation et substance se distinguent entre elles d’une façon simplement modale, c’est-à-dire, non comme une chose et une chose mais comme une chose et son mode d’être, tanquam modum ab ipsa re. In Ium Sent., dist. XXXIII, q. i, n. 23 sq. Les théologiens estiment unanimement qu’une telle distinction, même simplement modale, impliquerait composition réelle en Dieu. Ils rappellent qu’un mode, en Dieu, ne peut être qu’incréé, c’est-à-dire acte pur et par conséquent pleinement identique à la substance. Enfin, ils font valoir contre l’opinion de Durand les déclarations doctrinales du IVe concile du Latran contre la quaternité instaurée en Dieu par Joachim de Flore, quaternité que ressuscite véritablement Durand de Saint-Pourçain. On trouvera l’exposé et le développement de ces arguments dans Gonet, op. cit., disp. 111, a. 1, § 2. Plus brièvement, une bonne mise au point dans Ch. Pesch, Prerlectioncs, t. ii, n. 617.

2. L’opinion de Duns Scot est connue : c’est la fameuse distinction « formelle ex natura rei », appliquée aux relations divines et à la substance. On trouvera ici un exact exposé de cette opinion à l’art. Duns Scot, t. iv, col. 1884 : « En dehors du travail de l’esprit connaissant, objectivement a parte rei, il existe des réalités qui s’identifient l’une avec, l’autre véritablement, mais non totalement. La personne du Père s’identifie vraiment avec l’Être divin, parce que le Père est vraiment l’Être divin. Et pourtant l’identification n’est pas totale, parce que le Père engendre le Verbe ; or, l’Être divin n’engendre pas le Verbe… La distinction entre des réalités qui s’identifient vraiment, mais incomplètement, n’est pas une distinction réelle, les réellement distincts ne s’identifient point. Elle n’est pas une distinction viituelle, parce que les virtuellement distincts s identifient complètement a parte rei. A cette distinction très spéciale, Duns Scot donne le nom de formelle. »

Nous n’entendons infliger à cette opinion aucune note théologique. Mais il nous semble, au point de vue dogmatique, qu’elle est difficilement conciliable avec les déclarations doctrinales de l’Église, et. au point de vue rationnel, qu’elle implique contradiction.

Difficilement conciliable avec les déclarations doctrinales de l’Église : Licet igitur alius sit Pater, alius Filius, alius Spiritus sanctus, non tamen aliud : sed id, quod est Pater, est Filius, et Spiritus sanctus idem omnino. Conc. Later. IV, Denz.-Bannw., n. 432 ; Cav., n. 601. Identification non totale, dit Scot ; identification parfaite, dit le concile, idem omnino. Au point de vue de la raison, on peut se demander comment des réalités peuvent s’identifier qui cependant ne s’identifient pas totalement ? N’y a-t-il pas ici une contradiction in terminis ?

Outre ces deux arguments fondamentaux, les théo-