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RELATIONS DIVINES. DONNÉES PHILOSOPHIQUES


dogm., t. ii, p. 124, etc. D’autres se contentent d’affirmer la certitude absolue d’une telle doctrine. Cf. Diego Ruiz, De Trinilale, disp. IX, sect. vi, n. 14 ; Bafiez, In / am part. Sum. iheol. S. Thomæ, q. xxviii, a. 1, etc.

II. Conclusion théologique : les relations subsistantes divines. — 1° Préambule philosophique. — 1. Notion de la relation prédicamenlale.

La relation

se définit : l’ordre ou le rapport d’un être envers un autre. D’où, en toute relation, il y a quatre éléments à considérer : le sujet du rapport, le terme du rapport, le fondement ou raison du rapport et plus particulièrement le rapport lui-même.

Selon son concept formel, la relation est essentiellement vers (ad) un terme et pour un terme. Sans doute, dans les êtres créés, les relations peuvent être considérées sous l’aspect d’accidents inhérents à la substance qui en est le sujet ; mais ce n’est pas d’être dans un sujet qui fait [que la relation est relation ; ce qui la constitue telle, c’est d’être un rapport ou un ordre vers un autre. Cf. S. Thomas, De potentia, q. vii, a. 9, ad 7um. Aristote la définit d’un terme expressif : tô 7rp6ç tî, ad aliquid. D’où il suit que le constitutif essentiel de la relation comme relation est, non pas le point de vue être dans (esse in), mais le point de vue être vers (esse ad).

Saint Thomas indique trois motifs d’admettre la relation « comme un genre d’être existant dans la nature des choses » : la division des êtres par Aristote en dix catégories, dont le prédicament de relation ; l’ordre même que la simple raison nous fait découvrir entre les choses ; la révélation qui nous montre en Dieu des relations, positivement distinctes entre elles et cependant ne faisant qu’un avec la substance divine, celle-ci devant être conçue, non comme appartenant à la catégorie de substance, mais « comme existant au-dessus de tout genre d’être et renfermant en soi les perfections de tous les genres ». De potentia, loc. cit., et q. viii, a. 2, ad lum.

2. Diverses sortes de relations.

« La relation dilïère des autres genres d’êtres, en ce que ceux-ci sont essentiellement quelque chose. Mais la relation, par sa raison essentielle, est non pas quelque chose, mais vers quelque chose (non habet quod ponat aliquid, sed ad aliquid). D’où il suit que certaines relations sont dans les choses, d’autres seulement dans notre raison… » S. Thomas, Quodl., ix, a. 4. Relation réelle, quand les deux extrêmes existent et sont ordonnés réellement entre eux : ainsi, la relation de père à fds. Relation de raison, quand les deux termes existent, mais ne sont pas ordonnés entre eux indépendamment de notre esprit : il manque alors le fondement réel objectif, à la relation que notre esprit place entre les deux extrêmes : ainsi, la relation que les conventions humaines établissent entre le drapeau et la patrie. Relation mixte, si le fondement existe réellement dans l’un des deux termes et seulement d’une façon logique dans l’autre : ainsi, la relation entre le connaissant et l’objet connu, le fondement réel n’existant que dans le sujet qui connaît en raison de la modification réelle produite en lui par la connaissance même.

3. Distinction de la relation et de son fondement. — C’est sur cette question que s’affirment certaines préférences et, par voie de conséquence, certaines divergences des auteurs.

Deux opinions principales existent. La première nie toute distinction réelle entre la relation et son fondement et n’établit ici qu’une distinction de raison. C’est l’opinion de Suarez, suivi en cela par plusieurs auteurs récents. La seconde affirme une distinction réelle, tout au moins une distinction mineure, comme celle qui existe entre la chose modifiée et son mode. C’est l’opinion attribuée à saint Thomas et défendue par bon nombre de thomistes.

L’argument de la thèse suarézienne est qu’au cas où la relation réelle apporterait une modification nouvelle à l’être qui la reçoit, modalité réellement distincte du fondement de la relation, il y aurait en cet être une modification réelle qui apparaîtrait ou disparaîtrait en même temps que la relation. Or l’expérience montre qu’il n’en saurait être ainsi : être père ajoute une relation réelle en celui qui engendre ; mais cette relation n’est rien en dehors de l’action même qui fait du père un générateur. Cf. Suarez, Disp. metaph., disp. XLVII, sect. iii, n. 14 ; Lepidi, Elementa philosophiæ christianse, t. i, p. 232 ; Reinstadler, Elementa philosophiæ scolaslicæ, t. i, p. 359 ; Lehmen, Lehrbuch der Philosophie, t. i, p. 426 ; Descoqs, Sur la . relation dans l’être créé, appendice n à Thomisme et Scolastique, Paris, 1935, p. 218 sq.

L’argument principal de l’école thomiste est qu’au cas où la relation n’apporterait pas une modalité nouvelle à l’être qui la reçoit et s’identifierait ontologiquement avec son fondement, il n’y aurait, dans la nature des choses, aucune relation réelle, puisque le fondement de la relation (quantité, action et passion, mesure et mesuré) est déjà nécessairement colloque dans une catégorie autre que la catégorie de relation. Cf. Hugon, Metaphysica, t. ii, p. 74-76 ; J. Gredt, Elementa philosophiæ, t. i, n. 743-744 ; Remer, Summa prœleclionum philosophiæ (Metaphysica generalis) n. 181 ; Mercier, Métaphysique générale, p. 367 sq., etc.

Cette divergence, qui peut sembler bien subtile, a cependant une certaine importance quant au concept de relation et quant à la solution à donner à la difficulté formulée contre le mystère de la Trinité au nom du principe d’identité.

Pour Suarez et son école, des deux aspects de la même réalité-relation — l’esse ad et l’esse in — le premier implique nécessairement le second, non seulement dans la réalité objective, ce que tout le monde doit concéder, mais encore dans le simple concept qu’on peut s’en former, de telle sorte que, par lui-même, esse ad comporte perfection et réalité : nihil juvat illa distinclio de relatione secundum « esse in » vel secundum « esse ad ». Nam si « esse ad » sit verum et reale, necessc est ut officiât subjectum quod refert ad terminum ; unde, sicut relalio, etianx secundum « esse ad », ponil in subjecto aliquid reale, ila etiam ponit aliquid bonilatis et perfectionis. Suarez, loc. cit.

Pour les partisans de l’autre opinion, des deux aspects de la même réalité-relation — l’esse ad et l’esse in — le premier n’implique pas, dans son concept, le second. Ce sont là, si l’on veut, deux aspects inadéquats de la même réalité qui tout entière est esse ad et tout entière esse iii, mais le concept ad, comme tel, ne renferme pas le concept iii, lequel cependant rend raison de toute réalité et de toute perfection dans la relation réelle.

On verra plus loin les répercussions de ces deux systèmes.

La relation subsistante.

1. Possibilité. — Laissé

aux seules données de l’expérience, l’esprit humain n’aurait jamais envisagé sans doute la possibilité de relations subsistantes. Cette possibilité n’a été conçue par les philosophes catholiques que consécutivement à la révélation de l’existence des relations divines. « La relation comme telle, écrit le cardinal Mercier, fait abstraction de ce que sont, à un point de vue absolu, les termes de la relation ; elle ignore même s’ils sont subsistants en eux-mêmes ou inhérents à autrui ; elle consiste uniquement en ce qu’un des termes corrélatifs est pour l’autre. Les prédicaments absolus, substance, quantité, qualité, sont quelque chose, aliquid ; le prédicament relatif est pour quelque chose, ad aliquid. La substance subsiste in se ; l’accident absolu existe in alio ; la relation est ad aliud. » Mélaph. gén., p. 368.