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RELATIONS DIVINES. DONNÉES DOGMATIQUES


doctrines impics. La divinité est commune ; les propriétés sont la paternité et la filiation et c’est de l’assemblage des deux, de ce qui est commun et de ce qui est propre, que nous arrivons à l’intelligence de la vérité. Contra Eunomium, t. II, n. 28, P. G., t. xxix, col. 637 BC.

Mais saint Grégoire de Nazianze est plus net. Avec Basile, il affirme que le Père, le Fils et l’Esprit-Saint ont en commun la divinité et qu’ils n’ont pas été créés. Mais le Fils et le Saint-Esprit ont leur origine du Père ; la propriété du Père est qu’il soit inengendré ; celle du Fils qu’il soit engendré ; celle de l’Esprit-Saint qu’il procède. Epist., xxv, n. 16, P. G., t. xxxv, col. 1221. Expressément, il déclare que « Père n’est pas un nom qui désigne l’essence ou l’action ; c’est un nom qui indique la relation que le Père possède à l'égard du Fils ou le Fils à l'égard du Père : Oûre oùaîaç 6voji.a ô ïloLT-qp, ouït èvspyeîotç, a'/éaeoiç Se xsl -roû ttwç éx zl 7tpôç tôv Yîôv 6 Ila-rrçp rç ô Yîôç Ttpôç tov LTaTspa. Orat., xxix (theol. ni), n. 16, P. G., t. xxxvi, col. 96 A. L’Oratio xxxi (theol. v) semble avoir pressenti les formules de la scolastique : « Que manque-t-il donc au Saint-Esprit, disent-ils (les eunomiens) pour qu’il soit le Fils ? Car si quelque chose ne lui manquait pas, il serait le Fils. Nous déclarons qu’il ne lui manque rien : car à Dieu rien ne manque. Mais la différence de leur manifestation, pour ainsi parler, et de leur mutuelle relation a fait qu’ils doivent être différemment nommés. Car il ne manque rien au Fils pour qu’il soit le Père (la filiation n’est pas un défaut), et il n’est pas le Père pour autant. Pour le même motif, il faudrait dire qu’il manque quelque chose au Père pour qu’il soit le Fils, et cependant il n’est pas le Fils… C’est parce que l’un est inengendré, l’autre engendré, le troisième procédant qu’il en résulte que le Père est un autre, un autre le Fils, un autre le Saint-Esprit et qu’ainsi la distinction sans confusion des trois personnes est conservée dans l’unité de nature et de perfection…, n. 9, P. G., t. xxxvi, col. 141 C. Cf. n. 14, col. 148 D-149 A ; Orat., xxxix, n. 12, col. 345-348.

Le traducteur latin de la confession d’Acace de Bérée écrit : Modus subsislenliæ, seu nomen, est habitus, non autem subslantiæ simpliciter signi/icatio. Et sans aucun doute le mot habitus traduit ici le terme grec axstnç, habitude, relation, rapport. Cf. P. G., t. xciv, col. 838, note 33.

Saint Grégoire de Nysse adopte les mêmes raisonnements pour démontrer que la pluralité des personnes ne nuit pas à l’unité de la nature : « Si nous confessons la nature en Dieu sans variation, nous ne nions pas la différence de la cause et du causé, et c’est en cela seul que nous saisissons que l’un se distingue de l’autre, parce que l’un est cru être cause, l’autre provenant de cette cause. Quod non sint 1res dii, ad Ablabium, P. G., t. xlv, col. 133. Cf. De comm. notion, , ibid., col. 180.

Saint Athanase lui-même avait exposé que « le mot Père se rapporte à Fils… ; qui appelle Dieu le Père, conçoit aussitôt et reconnaît Dieu le Fils ».Oral. contra arianos, n. 23, P. G., t. xxvi, col. 79.

On lira également Didyme l’Aveugle, De Spiritu Sanclo, n. 37, commentant Joa., xvi, 15, P. G., t. xxxix, col. 1065 C : S. Kpiphane, Ancoralus, n. 8, P. G., t. xliii, col. 29 ; S. Cyrille d’Alexandrie, Thésaurus, assert. 11, P. G., t.Lxxv, col. 141 C, et surtout De sancta et consubslantiali Trinilate dialogi, dial. iv, où il parle expressément des noms divins relatifs, zà 7rpoç Tt ttôjç s}(ovt* twv ôvofxcicTcov : « Père est un nom relatif et Fils aussi… Qui nie le Père, nie le Fils. C’est juste, car si le Père n’existe pas parce qu’il a naturellement engendré, si le Fils n’est pas en tant qu’engendré, il n’y aura plus de Père. » P. G., t. lxxv, col. 868.

Saint Jean Damascène résume et explique toute cette tradition grecque dans De jide orlhodoxa, 1. 1,

c. viii, P. G., t. xciv, col. 816-828, et surtout c. x : « Tous ces noms (absolus) s’appliquent à toute la divinité d’une façon commune (aux trois personnes) ; …mais les noms de Père, de Fils et d’Esprit-Saint, de cause et de causé, d’inengendré et d’engendré et de procédant désignent des personnes distinctes ; car des noms de cette sorte ne désignent pas l’essence, mais la relation réciproque et le mode d’existence, axtva oôx oùaîaç elai StjXojtixoc, àXXà TÏjç 71pôç oîXXrjXa axsæcûç, xal toù TÎj ; ûnrâpÇscoç rpÔTrou. P. G., t. xciv, col. 837 ; cꝟ. t. III, c. v, col. 1000.

2. Les Pères latins.

Saint Hilaire, qui a subi l’influence des Grecs, s’exprime à peu près dans les mêmes termes que Grégoire de Nazianze : « La foi apostolique ne reconnaît pas deux dieux, pas plus qu’elle ne reconnaît deux Pères ou deux Fils. En confessant le Père, elle a confessé le Fils ; en croyant au Fils elle a cru au Père, car le nom de Père appelle en soi le nom de Fils… Mais elle n’accorde pas à chacun une nature diverse… Pour pouvoir prêcher deux dieux, ou n’admettre qu’un seul(une seule personne), il faudrait rayerdel'Évangile la profession que le Fils fait de lui-même : Je suis dans le Père et le Père est en moi (Joa., x, 38). Il ne faut pas chercher à mettre diverses natures en raison de la propriété qui appartient à une unique nature et la vérité d’un Dieu de Dieu ne fait pas deux dieux et la naissance d’un Dieu (la génération du Fils) ne peut s’accommoder de la singularité (de personne) en Dieu ; ils sont un seul (Dieu) ceux qui s’opposent entre eux (en Dieu). Et ils s’opposent, parce que l’un procède de l’autre : Nec non unum sunt qui invicem sunt. Invicem autem sunt, cum unus ex uno est. De Trinilate, t. VII, c. v, n. 31, P. L., t. x, col. 226 AB. Cf. Traclalus super psalmos, In ps. CXXZVIII, n. 17, t. ix, col. 801. Saint Ambroise, De fide, t. I, c. ii, n. 16, P. L., t. xvi (éd. 184.")), col. 532 C, parle dans le même sens.

Saint Augustin est revenu bien souvent sur la doctrine de la relation dans l’exposé du mystère de la Trinité. « Père, Fils et Saint-Esprit ne signifient en Dieu que ce par quoi les personnes se réfèrent l’une à l’autre, mais non la substance qui fait leur unité, his appellationibus hoc signi/icatur, quo ad se invicem referuntur, non ipsa subslanlia, qua unum sunt. Epist-, cc.xxxvin, c. ii, n. 14 ; c. iv, n. 24, P. L., t. xxxiii, col. 1043, 1047. Cf. De doctrina christiana, t. I, c. v, n. 5, t. xxxiv, col. 21 ; De civilale Dei, t. XI, c. x, n. 1, t. xli. col. 325. Mais c’est tout naturellement dans le De Trinilate qu’il développera ces considérations : les théologiens scolastiques pourront même y puiser leur doctrine de la relation subsistante : « Dans les choses créées et changeantes, ce qui n’est pas affirmé de la substance doit nécessairement être conçu comme un accident… Mais en Dieu, on ne peut rien concevoir d’accidentel, puisque rien en lui ne peut changer. Et cependant tout ce qui est dit de Dieu ne l’est pas toujours selon la substance. On nomme selon un rapport (dicitur enim ad aliquid), par exemple, le Père par rapport au Fils, le Fils par rapport au Père… Quoique être Père se distingue d'être Fils, la substance pourtant (de l’un et de l’autre) n’est pas distincte, parce que ces termes ne se rapportent pas à la substance, mais à la relation (non secundum substanliam dicuntur, sed secundum relalivum), laquelle toutefois n’est pas un accident, vu que rien n’est changeant dans la divinité. » L. V, c. v, n. 6 ; cf., c.xii, n. 13 ; t. VIII, proœmium, n. 1 ; t. IX, c. i, n. 1, P. L., t. xlii, col. 914, 919, 946, 961.

On se reportera également à saint Léon le Grand, Serm., lxxv, c. ni, P. L., t. liv, col. 401 ; à Gennade, Liber ecclesiaslicorum dogmalum, c. I, P. L., t. Lvin, col. 979, et à Fulgence qui, dans ses Responsiones contra arianos, reprend la doctrine et les expressions mêmes de saint Augustin : « Père et Fils sont des noms