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RÉGINALD (ANTONIN)

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thomisme un étudiant de théologie qui suivait les cours de ces Pères, il lui fit faire une sorte de rétractation publique, imaginant une dispute solennelle dans la salle de théologie de l’université. Réginald y fit semblant de soutenir la cause des jésuites, se donnant le rôle d’objectant, afin de les rendre plus ridicules. A. Auguste, Les origines du jansénisme dans le diocèse de Toulouse, p. 36. Antonin Réginald refusait de considérer les membres de la Compagnie de Jésus comme des religieux véritables. Il les appelait religiosi bullati, religiosi taies quales et allait jusqu'à lire dans des salons les plus beaux passages des libelles composés contre eux. Ibid, p. 37.

Dès 1638 Antonin Réginald composa un petit ouvrage sur « le sens composé et le sens divisé » : Opusculum de vero sensu composito et diviso compositum ab uno ex studiosis scolæ tolosanæ conventus S. Thomee Aquitains ord. prsed. se i quæstio de vera et légitima intelligentia distinctionis sensus compositi et divisi juxta anliquos et recentiores philosophos ac theologos maxime vero juxta D. Thomam et ejus discipulos, Paris, 1638, in-4°, 43 p. Antonin Réginald ne devait pas changer d’avis sur ce point, puisqu’il réédita l’ouvrage à Grenoble en 1661. Déjà il s’agissait de rabrouer un théologien jésuite et déjà le P. Réginald se tenait à une distinction de points de vues qui, pour être exposée par les scolastiques d’une manière sèche et peut-être trop étroitement logique, n’en est pas moins indispensable par exemple pour exposer les libertés et dépendances de l’homme à l'égard de Dieu.

C’est en 1644, au début du carême, que le sieur Pélissier, professeur royal, doyen de la faculté de théologie de Toulouse, avait cédé sa chaire, « quant à l’exercice des lectures quotidiennes », au P. Réginald déjà uni au corps professoral universitaire à titre de docteur conventuel. Antonin Réginald commença par changer le sujet du cours qui roulait sur les sacrements. Il traita de la science moyenne, matière qu'à l’issue de la congrégation De auxiliis on avait demandé de ne traiter qu’avec la plus grande prudence, de crainte de froisser par des railleries injustes les susceptibilités des jésuites, lesquels tenaient pour l’existence d’une science moyenne, opinion inconciliable avec celle des dominicains concernant la manière dont Dieu connaît les actes futurs des hommes. Avec une verve toute méridionale, Antonin Réginald se mit à attaquer les jésuites sur ce terrain dangereux. Voir Mémoire touchant le P. Fr. Ant. Réginald, ms. 238 de la bibliothèque universitaire de Toulouse (l’auteur du Mémoire paraît être le P. Annat, jésuite). Antonin Réginald, s’il faut en croire les doléances de ses adversaires, traitait les jésuites tantôt de pélagiens, tantôt de semi-pélagiens. Il lisait publiquement des morceaux de leurs auteurs, choisis de manière à exciter l’hilarité ou l’indignation de ses auditeurs. Il avait dressé ses écoliers à siffler chaque fois qu’il prononçait le nom d’un théologien de la Compagnie de Jésus et à crier à tue-tête : « joro Molina, joro Suarez, /oro Loyola. » Cette dernière apostrophe contre un saint canonisé passait les bornes de l’inconvenance. Le cas était d’autant plus grave qu' Antonin Réginald, grâce à son entrain, avait groupé autour de lui un public si nombreux qu’on dut, pour ses leçons, agrandir la plus vaste des salles du fameux couvent des jacobins de Toulouse, lequel avait pourtant été bâti selon d’amples proportions. Ces écoliers, de plus en plus nombreux, ne manquaient pas d’insulter ceux des écoliers qui tenaient encore pour les idées des jésuites.

Le P. Annat était alors, de tous les jésuites de Toulouse, le plus capable de s’opposer à ce dénigrement systématique dont le P. Antonin Réginald se rendait coupable. Il était déjà l’un des religieux les plus marquants de sa Compagnie et un jour viendrait

où il serait le confesseur du roi Louis XIV. Pascal l’a d’ailleurs choisi comme souffre-douleur dans ses Provinciales ; car, bien entendu, ce Père suivait en théologie les doctrines des siens, avec un cachet personnel de mauvaise humeur combative. Entre Annat et Antonin Réginald le conflit qui commençait doublait d’une opposition de personnes l’opposition des doctrines. Tant que la polémique resta orale, faite de lazzis ou de syllogismes, on ne peut savoir à qui imputer les premiers torts. Mais, lorsqu’elle s'échangea en des libelles écrits, le premier tort fut assurément du côté du dominicain, puisque c’est lui qui attaqua par le premier faclum. Dès cette année 1644, pendant ce carême où il abordait ses cours officiels publics de l’université, Antonin Réginald publie et répand à Toulouse une brochure anonyme de 17 pages intitulée : Quæstio theologica historica et juris pontificii : quæ fuerit mens concilii Tridentini circa gratiam efficacem et scientiam mediam juxta exemplar impressum anno ldOr. En datant de « Venise, 1607°, au lieu de « Toulouse, 1644°, non seulement le P. Réginald croyait dérouter les soupçons qui eussent pu le faire deviner comme l’auteur, mais il entendait tourner le décret de Paul V, relatif aux congrégations De auxiliis, par lequel, entre ces deux dates, il était devenu interdit d’agiter de vaines querelles sur ces matières trop contestées. Le trait du P. Antonin Réginald était donc noir. Sa ruse était d’ailleurs trop facile à percer. Sa verve dénonçait son anonymat et, comme il était question, dans ce libelle, d’ouvrages parus entre 1607 et 1640, on voyait assez qu’il était antidaté et pour quelle cause (Comte Bégouen, A propos de la sciencia média, dans Bulletin de la Société archéologique du Midi, 1913, p. 73). Le P. Réginald ne tarda pas à aggraver son cas. Trois mois après il fit imprimer son opuscule en français allant jusqu'à dire que c'était « afin que les femmes pussent le lire… ». Le P. Annat, ou plutôt son parti, attaqué avec violence répondit par un libelle intitulé Solutio quæstionis. Sans retard, Antonin Réginald répliqua par un ouvrage déjà plus considérable Thèses apologelicæ adversus solutioncm quwslionis theologicæ historicæ ac juris pontifteis : quæ fuerit mens, etc., Paris, in-4°, 51 p. De l’officine rivale sortit un Appendix ad solutionem… Le P. Réginald polissait doucement sa riposte intitulé Vindiciœ… Mais il n’eut pas le temps de la faire paraître. En effet le P. Annat était si bien décidé à avoir le dernier mot qu’il ne lui en coûtait pour ainsi dire pas de faire passer les torts de son côté. Pour écraser Antonin Réginald avant qu’il ait eu le temps de parler à son tour, et de se défendre, toutdesuiteaprèsl'.A/)/)erK/(xadso/(i{ione/n…, le P. Annat faisait paraître un nouvel ouvrage qui n'était plus un simple appendice, mais qui amènerait l'élargissement du débat par une contre-offensive de grand style. Il avait obtenu pour cet ouvrage important l’approbation de son provincial, le P. Richard Mercier, en date du 2 janvier 1645. Le titre en est surprenant : Scientia média contra novos ejus impugnatores dejensa. Hoc est contra : Guillclmum Tuissium Calvinistam, auctorem libri de Ordine, etc., iheologum collegii Salmanticensis, Joannem a S. Thoma, propugnanle P. Francisco Annat, S. J. Ainsi étaient mis sur le même plan dans un même titre pour un volume in-4° de plus de 600 pages : le dominicain Jean de Saint-Thomas, l’anglican Wiliam Twissc (1575-1646), le jésuite dissident Claude Tiphaine (1571-1641), auteur du livre De ordine deque priori et posteriori liber, et les Salmanlicences. Cette salade de noms et de doctrines qui avait pour but de compromettre des orthodoxes avec des hérétiques — - c’est du moins ce que crurent les contemporains — allait susciter contre le P. Annat de vives représailles.

Le livre du P. Annat sur la science moyenne avait