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REFORME — RÉFORME CATHOLIQUE


Untersuchungen der Lehrengegensâlze zwischen den Katholiken und Protestanten, 5° éd., 1900, publiée par P. Schanz ; Paul Wernle, Der evangelische Glaubenachden Hauplscliriften der Reformatoren, t. i, Luther, t. ii, Zwingli, t. iii, Calvin, Tubingue, 1918-1919. Les nombreux autres ouvrages à consulter ont été indiqués, soit dans la 1™ partie de cet article, soit aux articles spéciaux sur Calvin, Luther, l’anglicanisme, etc.

L. Cristiani.

    1. RÉFORME CATHOLIQUE ou CONTRE-RÉFORME##


RÉFORME CATHOLIQUE ou CONTRE-RÉFORME. — L’usage s’est introduit, à une date récente, d’appeler la Réforme catholique du xvie siècle « Contre-Réforme ».

Cette expression est inexacte au point de vue histotique et tendancieuse au point de vue théologique. Si le Dictionnaire de théologie n’a pas à présenter l’histoire détaillée de cette réforme, la seule que nous tenions pour véritable, il a du moins à préciser le sens périlleux que peut avoir le mot de contre-réforme et à établir que ce mot fausse la perspective historique.

L’emploi du mot contre-réforme tend à faire croire deux choses : que la révolution protestante fut la « vraie réforme » ou du moins une vraie « réforme », et qu’elle précéda dans le temps la réforme catholique, qui n’en aurait été que la réplique du reste tardive.

De fait, lorsque nos contemporains veulent se représenter l’histoire religieuse du xvie siècle, ils l’aperçoivent communément sous forme d’une sorte de triptyque, dont voici les trois panneaux successifs : 1. Écroulement de l'Église médiévale dans une corruption irrémédiable : cette Église, dévorée d’abus de toute nature, était languissante et moribonde, aucune voix ne s'élevait dans son sein pour proclamer la nécessité de la réforme, aucune action ne s’y dessinait dans ce sens. Ses chefs, les papes, n'étaient plus guère que de brillants petits princes italiens, protecteurs des arts et des lettres, diplomates rafïînés, comme Alexandre VI, ou hommes de guerre énergiques, comme Jules IL L'épiscopat, complètement sécularisé, est devenu le refuge des cadets de la noblesse. Le peuple fidèle est entretenu en de grossières superstitions par une nuée de moines dégénérés, et grugé honteusement par la fiscalité pontificale, tout imprégnée de simonie. Dans les universités, la science catholique agonise. Elle se perd en de vaines subtilités scolastiques, tandis que la Bible demeure ignorée et négligée. 2. Au milieu du silence général, un moine se dresse. Il dénonce la tyrannie des papes, l’avilissement des membres du clergé tant régulier que séculier, la dégradation de la science religieuse éloignée de sa source nécessaire, l'Écriture. Il élève la Bible au-dessus de son siècle. Et comme Rome veut le faire taire, il entraîne au schisme une partie imposante de la chrétienté. Aux réformes de Wittenberg répondent celles de Zurich, de Strasbourg, de Bàle, de Genève. Les voix de Zwingli, Bucer, Œcolampade, Farel, Calvin viennent renforcer celle de Luther. 3. Alors seulement, l'Église catholique se réveille. Les ordres religieux se remettent à fleurir. La papauté elle-même cède à la pression générale. Le concile de Trente est réuni. La discipline est restaurée au sein du clergé et dans les cloîtres. Les séminaires sont institués. La science catholique se reforme. La politique s’en mêle et de sanglantes guerres de religion aboutissent à une stabilisation finale des positions. La chrétienté demeure divisée. Le catholicisme est resté debout, mais les Églises dissidentes aussi. Seulement, on peut se demander si le catholicisme « tridentin » est bien le catholicisme du Moyen Age. Si l'étiquette reste la même, l’esprit n’estil pas entièrement différent ? Entre la religion d’Ignace de Loyola et celle de Thomas d’Aquin n’y a-t-il pas eu rupture de continuité? L'Église en un mot n’a-t-elle pas défailli ? Sa perpétuité prétendue n’estelle pas une simple perpétuité nominale ? De graves

esprits posent la question et veulent la résoudre négativement. Voir sur ce point, L. Febvre, Une question mal posée, dans Revue historique de mai-juin 1928.

On voit toute l’importance qu’il peut y avoir à admettre ou à repousser le mot de contre-réforme. Cependant, il est clair qu’il ne suffit pas de prouver que la prétendue réforme de Luther et de ses émules ne fut qu’une révolution, pour établir que la réforme catholique ne mérite pas le nom de contre-réforme. Il faut encore prouver que la continuité la plus stricte n’a jamais cessé d’exister entre l'Église médiévale et l'Église tridentine, d’une part, et que, de l’autre, le mouvement de réforme catholique n’a pas été créé par la révolution, mais seulement rendu plus pressant par elle.

Pour ce qui est du premier point, on peut dire qu’il est établi à chaque page du présent Dictionnaire. Pour chacun de nos dogmes, nous pouvons démontrer que les théologiens du concile de Trente n’ont fait que continuer leurs prédécesseurs, qu’ils n’ont rien innové, en matière doctrinale, qu’ils ne s’en reconnaissaient pas le droit. La soi-disant réforme fut bien une " novation ». Ses chefs furent appelés à juste titre novatores. En face de leurs inventions discordantes, la tradition catholique ne présente pas une fissure. Il n’y a pas plus de nouveauté dans le concile de Trente qu’il n’y en avait eu dans le concile de Nicée par rapport à l'époque anténicéenne.

En ce qui concerne le second point, les meilleurs historiens de la réforme catholique sont là pour proclamer que la réforme catholique n’a pas attendu la révolution protestante pour se dessiner et suivre son cours. Ainsi Maurenbrecher, un protestant cependant, ayant entrepris, autour de 1880, de décrire le grand mouvement de restauration disciplinaire et morale qui s’achève par le grandiose monument du concile de Trente, avait pris soin d’intituler son ouvrage, malheureusement resté inachevé : Geschichte der katholischen Reformation et non pas Histoire de la contre-réforme. Cette appellation est en effet la seule qui ne fausse pas les perspectives de l’histoire. Maurenbrecher avait constaté, ce que tout le monde peut constater après lui, qu’il est impossible de raconter l’histoire de la réforme catholique, sans aller chercher ses racines en un temps où il n'était nullement question de Luther et de ses tumultueuses innovations. La réforme catholique du xvie siècle prolonge en effet des tentatives, des ébauches, des efforts, des réussites partielles qui avaient rempli le siècle précédent. Dans la réforme catholique les éléments qui ont agi avec le plus de force n'étaient nullement en dépendance du mouvement révolutionnaire de Wittenberg ou de Zurich. La Compagnie de Jésus, notamment, aurait sans doute été fondée, même si Luther n’avait jamais arraché une grande partie de l’Allemagne à l’unité de l'Église. La grande différence qui se serait produite c’est que la Compagnie aurait été, suivant toute vraisemblance, une congrégation missionnaire, tandis que son orientation fut nettement infléchie vers la défense de l'Église menacée. On peut en dire tout autant des diverses congrégations dont la création marque le début du renouveau catholique, théatins, barnabites, somasques, ursulines, capucins, etc.

En plein accord avec Maurenbrecher, dont le livre date de cinquante ans, et Gustave Sehnûrer, dont l'étude sur la civilisation chrétienne au Moyen Age est de 1930, nous dirons donc, à l’opposé de la thèse vulgaire résumée plus haut : le Moyen Age a suivi, sans déviation catastrophique, la ligne de son évolution. Il n’a pas été détruit, il n’a pas même été interrompu par la révolution protestante, pour une bonne raison, c’est que le passage insensible, mais réel, l’aboutissement normal du Moyen Age à ce que nous appelons