Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.2.djvu/339

Cette page n’a pas encore été corrigée
2091
2092
RÉFORME. DOCTRINES, LE MARIAGE


sacrements, prêchent, surveillent les mœurs, exhortent et corrigent, et des savants qui enseignent la Bible, voilà, selon Calvin, les deux sortes de ministère que Dieu a voulues dans son Église. Ces ministres on peut les appeler indifféremment « évêques, prêtres, ministres », à condition de ne faire pas de l'épiscopat un degré supérieur à la simple prêtrise. Au-dessous d’eux il y a les diacres, qui sont préposés au soin des pauvres. On ne peut arriver au titre de pasteur, docteur ou diacre sans vocation. Cette vocation est interne et publique à la fois. On reconnaît cette vocation à deux traits : « saine doctrine et sainte vie ». Calvin fait proclamer cette vocation par les pasteurs en exercice, « avec consentement et approbation du peuple », mais non par voie d'élection populaire. La désignation des ministres se fait donc par cooptation. En tout cela, Calvin suit davantage ses inspirations de conducteur de cité que les textes bibliques. Au dire du protestant Paul Wernle, toute cette partie de l’Institution est étonnamment faible, erslaunlich schwach, au point de vue scripturaire. Der evangelische Glaube, Calvin, Tubinge, 1919, p. 3(59. Ce qui est sûr, c’est que Calvin a rétabli, autant qu’il était en lui, la distinction des clercs et des laïques. On trouve chez lui la remarque faite par Mélanchthon, car il va jusqu'à dire, au c. xix du 1. IV de l’Institution (éd. de 1559), que pour « le presbytérat, comme il est recommandé de la bouche du Christ », il accepterait volontiers le nom de « sacrement », parce que l’imposition des mains qui le confère est un rite sanctionné par la Bible. Il ne se retient, dit-il, que par la pensée que ce rite n’est fait que pour les « serviteurs de la parole » et non pour tous les croyants.

Comme on l’a dit, chacun des articles de l’exposé de Calvin servait de point de départ à de furieuses attaques contre le papisme. Au lieu du ministère de la parole, il ne voit dans l'Église catholique, qu’un gouvernement pervers et confit de mensonges, au lieu de la cène, un sacrilège exécrable. « Le service de Dieu y est déformé par diverses formes de superstitions. » Bref, Daniel et saint Paul « ont prédit que l’Antéchrist serait assis au temple de Dieu : nous disons que le pape est le capitaine de ce règne maudit et exécrable. »

Selon Calvin, « toute la forme ancienne du régime ecclésiastique a été renversée par la tyrannie de la papauté ». Il passe en revue toutes les institutions ecclésiastiques de son temps et rien ne trouve grâce devant lui. Sa conclusion est tranchante : « Si on regarde bien et qu’on épluche de près la façon du gouvernement ecclésiastique, qui est aujourd’hui en la papauté, on trouvera qu’il n’y a nulle briganderie tant désordonnée au monde. » Mais c’est surtout à la primauté du pape qu’il en veut à mort. A l’entendre, ce serait l’empereur Phocas qui aurait, le premier, en 607, reconnu le pape Boniface III comme « chef de toutes les autres Églises ». Il résume en trois points la théologie des papes de son temps : « Le premier article… est qu’il n’y a point de Dieu. Le second que tout ce qui est écrit et tout ce qu’on prêche de Jésus-Christ n’est que mensonge…, le troisième que tout ce qui est contenu en l'Écriture, touchant la vie éternelle et la résurrection de la chair, ne sont que fables. < Tel était son esprit critique !

Rappelons en terminant que Calvin attachait la plus grande importance a la discipline ecclésiastique. Il ne se bornait pas à la confier comme Luther et Zwingli à l’autorité séculière. Il plaçait bien plutôt au-dessus même du pouvoir civil l’autorité du consistoire, formé par les anciens et présidé par les pasteurs et chargé de la surveillance des mœurs dans la cité. Ce consistoire avait deux armes redoutables : l’admonestation privée pour les fautes courantes, l’excommunication pour les failles graves, el l’exemple célèbre de Michel Servel prouve qu’il ne craignait pas de

recourir au bras séculier, qu’il considérait en somme comme entièrement à ses ordres.

4° L’organisation ecclésiastique dans l’anglicanisme. — C’est surtout en matière d’organisation ecclésiastique que l’anglicanisme croit différer du protestantisme pur et simple. C’est par le maintien de la hiérarchie épiscopale qu’il se flatte de continuer l’ancienne Église et se donne le droit de prétendre au titre d'Église catholique anglicane. En fait, le personnage revêtu du sacerdoce dans l'Église anglicane ressemble infiniment moins au sacrificateur catholique qu’au prédicant luthérien ou calviniste. La notion de sacrifice ayant été exclue, l’ordination anglicane n’a plus le même sens qu’elle avait antérieurement et qu’elle garde dans l'Église catholique. La lecture attentive des articles consacrés à l’organisation de l'Église conduit au résumé que voici : Selon les 39 Articles, il y a une Église visible que l’on reconnaît à la prédication du pur Évangile et à l’administration des sacrements. Seulement cette Église peut errer. Elle est déclarée gardienne des Écritures, mais ce n’est pas nécessairement une gardienne fidèle. Elle peut trahir son mandat. En fait les Églises les plus anciennes et les plus vénérables se sont trompées. L’art. 19 dit en effet : « Comme l'Église de Jérusalem, l'Église d’Alexandrie et l'Église d’Antioche ont erré, l'Église de Rome, elle aussi, a erré ; elles se sont trompées non-seulement en ce qui regarde les mœurs et les cérémonies, mais aussi dans les matières de foi. » Selon l’art. 21, les conciles généraux eux-mêmes, réunion de tout ce que l'Église compte de plus savant et de plus élevé dans la hiérarchie, peuvent se tromper, « et quelquefois ils se sont trompés, même sur des points ayant rapport à Dieu ».

La hiérarchie compte trois degrés : les évêques, les prêtres et les diacres. Si l’ordination n’est pas un vrai sacrement, il n’en est pas moins certain que l’on entre dans cette hiérarchie par une véritable consécration et un appel légal. Art. 23 et 36. Mais tout cela n’est pas une garantie sûre. Le fidèle fera bien de se méfier et de n’en croire que l'Écriture et son sens propre !

IX. LE MARIAGE. LE CÉLIBAT. LA FAMILLE. —

Luther et le mariage.

Une chose dont Luther s’est

constamment glorifié c’est d’avoir réhabilité le mariage et le foyer domestique. Il a résumé sa doctrine à ce sujet dans son Grand catéchisme. Il proclame en premier lieu la noblesse et la grandeur du mariage. « Dieu a béni cet état, dit-il, au-dessus de tous les autres. »

Cet état est si honorable que Dieu l’a voulu obligatoire. « Dieu l’impose à tous, en sorte que tous, hommes et femmes, à quelque état qu’ils appartiennent, doivent contracter mariage. » Il y en a bien peu qui aient reçu le don extraordinaire de la chasteté. « Suivant le cours de la nature, déclare Luther, il n’est pas possible d'être chaste hors du mariage ; la chair et le sang demeurent la chair et le sang et le penchant et l’excitation de la nature ne peuvent être réprimés et contraints, comme chacun le sent et le voit. » Enfin, ce n’est pas assez d’observer la fidélité conjugale, Luther insiste sur l’amour mutuel que les époux doivent exercer. Donc, sa doctrine tient en trois mots : Dignité et nécessité du mariage qu’embellit l’amour conjugal.

Il n’y a pas de doute que Luther ait eu l’intention d’honorer sincèrement l'état matrimonial. Dès 1519, il parlait dans un sermon de la « noble fonction du mariage » et il disait, avec beaucoup de raison : « Ni les pèlerinages à Rome ou à Jérusalem, ni les constructions d'églises, ni les fondations de messes ne valent cette œuvre unique : bien élever ses enfants. » Sermon von dem ehelichen Stande, V., t. ii, p. 166-171.

Seulement Luther ne veut pas seulement dire en faveur du mariage des choses justes et louables, il veut