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RÉFORME. DOCTRINES, L’ORDRE


sollicitude pour les morts, l’on implore leur grâce auprès de Dieu ou si l’on prie, je ne le condamne point ; mais fixer des dates pour cela et mentir pour un profit, cela n’est pas humain, mais diabolique. » Thèses 57-60. Dans son Explication des thèses, de juillet 1523, il passait au crible d’une impitoyable critique les textes invoqués au sujet du purgatoire : Matth., v, 20 ; xii, 32 ; xviii, 34 ; I Cor., ni, 13 sq. Il n’y aurait eu qu’un texte décisif selon lui, c’est celui du IIe livre des Machabées, xii, 43, mais il n’est pas authentique ! Bien mieux, Zwingli prétend prouver, par la parabole du mauvais riche, que l'Écriture exclut le purgatoire, car elle ne.connaît que le sein d’Abraham et l’enfer. La notion même du purgatoire est opposée à la doctrine de la foi. Aussitôt après la mort, les croyants vont auprès de Dieu, les incrédules auprès du diable, ainsi que le prouvent de nombreux textes : Joa., ni, 16 sq. ; Luc, xxiii, 43 ; Phil., i, 23 ; II Cor., v, 4 sq.

Enfin l’article 12 de la Ratio fidei de Zwingli (1530) dit sèchement : « Je crois que l’invention du feu du purgatoire est une chose aussi outrageante pour la rédemption gratuite accordée par le Christ, qu’elle a été lucrative pour ses auteurs. »

Calvin n’est pas moins radical que lui. Il réédite les mêmes arguments. C’est le Christ qui a satisfait pour nous ; donc, s'écrie Calvin, « qu’ils ne nous rompent plus la tête de leur purgatoire, lequel est par cette cognée coupé, abattu, et renversé jusqu'à la racine ».

La confession anglicane s’exprime en ces termes : « La doctrine de l'Église romaine, en rc qui concerne le purgatoire, les indulgences, le culte et l’adoration tant des images que des reliques, ainsi que sur l’invocation des saints, est une invention frivole, qui n’est appuyée d’aucun texte d'Écriture, mais qui est plutôt contraire à la parole de Dieu. »

En résumé, par une conséquence naturelle du système de la justification par la foi seule, toutes les Églises dissidentes ont fini par rejeter la foi au purgatoire.

VIII. L’ORDRE ET I.A HIÉRARCHIE ECCLÉSIASTIQUE.

— 1° Luther et le sacrement de l’ordre. - — On a vu que les raisons principales de l’animosité de Luther contre la messe était son aversion pour toute subordination hiérarchique. Poussé par sa volonté de préserver de toute condamnation cette mystique de la consolation qui est devenue, dès 1515, mais surtout après 1518, l'âme de son âme, il rejette l’une après l’autre toutes les autorités : celle du pape, celle du concile général même. Il découvre, en décembre 1519, le principe qui va lui permettre de renverser la hiérarchie ecclésiastique : celui du sacerdoce universel.

Il écrit à Spalatin, le 18 décembre 1519 : « Je suis très frappé du texte de l’apôtre Pierre, I Pet., i, 9, qui affirme que nous sommes tous prêtres. De même Jean, dans l’Apocalypse, v, 10. Ainsi le sacerdoce qui est le nôtre ne semble pas différer de l'état laïque, si ce n’est par l’administration des sacrements et de la prédication. Tout le reste est égal, si l’on enlève les cérémonies et les lois humaines et nous sommes bien étonnés que l’ordre soit devenu un sacrement. » Briefwcchsel, éd. Enders, t. ii, p. 278-280. Le « nous » que l’on trouve dans sa dernière phrase est une allusion à Mélanchthon, avec qui il étudie alors la question des sacrements. Désormais, Luther va creuser cette idée. Dans son Manifeste à la noblesse, de juin 1520, il renverse la première » muraille » des romanistes, en ces termes : « On a découvert que le pape, les évêques, les prêtres et les moines composent l'état ecclésiastique, tandis que les princes, les seigneurs, les artisans et les paysans forment l'état séculier. C’est pure invention et mensonge. » V., t. vi, p. 407. « Tous les chrétiens, insiste-t-il, sont sans nul doute de l'état ecclésiastique. Nous sommes tous consacrés prêtres par le baptême.

L’ordination n’est donc pas un sacrement. C’est une simple désignation d’emploi. Il n’existe qu’une hiérarchie, celle de la puissance séculière. Luther revient de la sorte aux thèses du Dejensor pacis de Jean de Jandun et Marsile de Padoue. Il donne au grand débat séculaire entre le Sacerdoce et l’Empire une solution radicale. Le ministre du culte n’est qu’un fonctionnaire. Son pouvoir est essentiellement révocable. L’ordination n’imprime aucun caractère. « Ne sommesnous pas des chrétiens égaux, avec un baptême égal, une foi, un esprit et toutes choses égales ? » C’est donc au nom de la sainte égalité que Luther proclame la chute de la papauté, de l'épiscopat et du clergé tout entier. Dans le Prélude, Luther achève l’exécution du sacrement de l’ordre. Que l’ordre soit un sacrement, écrit-il, « l'Église du Christ n’en sait rien. C’est une invention de l'Église du pape ». Sans doute Denys l’Aréopagite a fait un livre sur la Hiérarchie ecclésiastique. Mais Luther conteste son autorité. L'Écriture ne permet pas d’en tenir aucun compte. « Que tous ceux qui se savent chrétiens sachent aussi, avec certitude, que nous sommes tous prêtres au même degré I » Toutefois, comme il faut de l’ordre dans une société, nul n’a le droit de se servir de ses pouvoirs sans l’appel d’un supérieur. L’ordination n’est donc qu’une manière d’appeler quelqu’un à exercer, au sein de la communauté, des pouvoirs qu’il tenait de son baptême. « La prêtrise n’est rien autre chose que le ministère de la Parole, non de la Loi, mais de l'Évangile. » Depuis que les apôtres sont morts, il n’y a plus de vocations universelles venant directement de Dieu. II n’appartient qu’au pouvoir civil de désigner les ministres du culte, suivant les régions et les lieux. Toutefois, si l’autorité civile n’admet pas l'Évangile, c’est à la communauté elle-même qu’il appartient de choisir son ministre.

Dans la Confession d’Augsbourg, Mélanchthon n’ose pas se montrer aussi catégorique. Il semble bien reconnaître qu’il y a une hiérarchie ecclésiastique à côté de la hiérarchie civile. Il enferme la première dans la fonction de prêcher l'Évangile. Il soumet les ministres au verdict des fidèles et fait un devoir à ces derniers de ne plus obéir, dès que le ministre ou l'évêque ne prêche pas l'Évangile, c’est-à-dire la doctrine de Luther. Mais, quand il en vient à des précisions sur l’ordre, il s’exprime comme Luther : « L'Église, dit la Confession, est l’assemblée des saints, congregatio sanctorum, dans laquelle l'Évangile est enseigné correctement, les sacrements correctement administrés. Et pour la véritable unité de l'Église, il suffit de s’accorder dans la doctrine évangélique et l’administration des sacrements, mais il n’est nullement nécessaire que les traditions humaines ou les rites ou cérémonies d’institution humaine soient les mêmes. » Pas un mot de la hiérarchie ni de la nécessité d'être en communion avec elle. « Au sujet de l’ordre ecclésiastique, nous enseignons, poursuit la Confession, que nul ne doit enseigner publiquement dans l'Église, ni administrer les sacrements, à moins d'être appelé légalement. » JV/si rite vocatus ! qu’entendait Mélanchthon par ces mots ? Il ne le dit pas. Il est sûr que, dans la pratique, il estimait, comme Luther, que la désignation du prince constituait un « appel légitime ». Mais il regrettait que l’on ne pût ranger l’ordination parmi les sacrements. Nous en avons la preuve dans cette phrase de ses Loci communes, éd. de 1545 : « Puisqu’on est convenu d’attacher le mot de sacrement aux cérémonies instituées dans la prédication du Christ, on ne compte que les sacrements suivants : le baptême, la cène du Seigneur et l’absolution… Mais il me plaît souverainement d’y ajouter l’ordination comme on l’appelle, c’est-à-dire la vocation au ministère de l'Évangile et l’approbation publique de cette vocation. » Une phrase