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RÉFORME. DOCTRINES, LA PÉNITENCE


parole de Dieu tombant du ciel, et que cette foi obtient vraiment et reçoit la rémission des péchés. »

L’institution pénitenticlle gardait donc une certaine importance dans la théologie luthérienne, au début, mais elle était vidée de son contenu pour être ajustée à la théologie nouvelle. Mélanchthon osait dire cependant que les « adversaires eux-mêmes » étaient contraints d’avouer que la doctrine de la pénitence était fort bien traitée par son Église. Et cependant, la Confession d’Augsboura reconnaissait que les luthériens n’admettaient plus la satisfaction, qu’ils n’exigeaient pas l’intégrité de l’aveu des fautes.

Elle ne parlait pas des indulgences. Mais à la même date, Luther, enfermé au château de Cobourg, écrivait une Exhortation aux ecclésiastiques réunis à la diète d’Augsbourq, où il renouvelait sa condamnation contre les indulgences et ne dressait pas moins de quinze chefs d’accusation contre elles, notamment celui de faire injure à la rédemption réalisée par le Christ, et celui d’être la source d’un brigandage au détriment des fidèles auxquels on vendait le pardon de leurs fautes.

Quant à l’extrême-onction, Luther refusait d’y voir un sacrement. C’était, selon lui, un simple usage fondé sur des textes de saint Marc et de saint Jacques, mais ne contenant aucune « promesse ». Cet usage, au surplus, peut être toléré, à condition que l’on n’y voie pas un sacrement.

Doctrine pénilentielle deZivingli.

 La doctrine de

Zwingli, sur la pénitence est contenue dans les thèses 50-56 de la dispute de Zurich de 1523. « Dieu seul remet les péchés et cela par le seul Christ Jésus, Notre-Seigneur ; celui qui attribue la rémission des péchés à une créature dépouille Dieu de sa gloire et fait acte d’idolâtrie. » Thèses 50 et 51. Pour Zwingli, il n’y a qu’un péché proprement dit : celui de ne pas croire à la Parole de Dieu. Ce péché ne peut être remis que par Dieu. Il n’existe pas de « pouvoir des clefs », comme Luther le croyait encore. Les mots qui furent dits à Pierre : « Tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans le ciel », sont adressés à tous les chrétiens, car tous nous sommes « pierres », étant les disciples du Christ qui était la « pierre », petra autem erat Christus. En promettant à Pierre de lui donner les clefs du royaume des cieux, c’est à tous les chrétiens que Jésus les a promises. Mais de quelles clefs s’agit-il ? Évidemment de celles qui ouvrent la porte du ciel, donc de la prédication évangélique. L’image des clefs signifie donc tout simplement que la prédication de l’Évangile délivre les hommes de leurs péchés, les réconcilie avec Dieu et leur ouvre la béatitude close pour eux auparavant.

La grande découverte de Zwingli est donc celle-ci : l’identification du pouvoir des clefs à la prédication de l’Évangile. Du coup, tout le système pénitentiel de l’Église et cela même que Luther avait cru pouvoir en conserver s’écroulait. On comprend dès lors le sens de la thèse 52 de Zwingli : « La confession donc, qu’elle soit faite à un prêtre ou au prochain — ces derniers mots semblent viser le système de Luther — ne peut être regardée que comme une consultation privée, non comme la rémission des péchés. » Quand on possède [a vraie foi, selon Zwingli, on ne va pas se soumettre aux hommes, mais « on entre chaque jour dans sa chambre personnelle, pour y parler à Dieu, on y gémit de ses fautes et on sait en toute certitude que quiconque recourt à Dieu avec loi est sauvé ». Luther était un scrupuleux et un mystique. Zwingli n’était ni l’un ni l’autre. La confession ne lui rappelle aucun souvenir « consolant ». Il la supprime purement et simplement ou ne l’autorise que comme « consultation » facultative. De fait, à la dispute de Marbourg, Zwingli accepta la confession, à condition qu’on y ajoutât les mots « ou consultation », et Lut lier se cou l en l a de cette concession.

Naturellement, Zwingli n’admet ni la satisfaction, ni les péchés réservés, ni les indulgences. Son idéal c’est la confession faite à Dieu seul. Un bon ministre doit conduire ses ouailles au contact direct avec Dieu. La confession faite à son curé n’est que pour les « imbéciles » au sens étymologique du mot. « Il se confesse assez, celui qui se confie à Dieu », conclut Zwingli.

Au sujet de l’extrême-onction, il admet comme Luther que c’est un usage vénérable, non pas une institution divine. L’onction ne vaut pas la prière qui l’accompagne. Mais ne croyons pas que rien puisse remettre les péchés en dehors de la foi.

Doctrine pénitentielle de Calvin.

Si Zwingli

avait aboli à Zurich tout le système pénitentiel de l’Église, il n’en avait pas moins maintenu le principe de ce que nous appelons la « vertu » de pénitence. En homme responsable de l’ordre au sein d’une cité bourgeoise, il montre le plus grand souci de la discipline morale. Cette préoccupation est encore beaucoup plus marquée chez Calvin. On a vu qu’il tendait à faire de Genève un véritable couvent laïque.

Il rattache la pénitence’directement à la foi dont elle est le premier fruit. On sait en effet que la vraie foi, celle qui atteste la prédestination, et qui est le propre des élus, est celle qui se prouve par les œuvres. « Que la pénitence, écrit Calvin, non seulement suive pas à pas la foi, mais qu’elle en soit produite, nous n’en devons faire aucun doute. » Mais n’allons pas pour cela confondre foi et pénitence. La foi proprement dite, c’est la confiance filiale en Dieu. La pénitence découle de la crainte. Calvin est formel sur ce point. Son puritanisme, expression de l’esprit de pénitence, est donc à base de terreur en face des jugements de Dieu. « C’est une vraie conversion de notre vie, écrit-il, à suivre Dieu et la voie qu’il nous montre, procédant d’une crainte de Dieu, droite et non feinte, laquelle consiste en la mortification de notre chair et notre vieil homme, et vivification de l’esprit. »

Calvin ne veut pas pour autant que « l’homme régénéré » se confie en sa sainteté. Le « puritain » selon son cœur doit au contraire constamment se prosterner devant Dieu, en reconnaissant son abjection. Sa sainteté n’est qu’une grâce, qui lui fournit la preuve enivrante de son élection. Qu’il se garde bien de s’en glorifier ! Il garde la concupiscence. Tous ses désirs sont mauvais et Calvin les condamne comme de vrais péchés, qui toutefois ne lui sont pas imputés.

Mais quand il a, de la sorte, mis en sûreté la « vraie > doctrine pénitentielle, Calvin, si l’on peut dire, tombe à bras raccourcis sur les « sophistes », c’est-à-dire les théologiens catholiques. II n’a pas assez de mépris et d’injures pour le système pénitentiel de l’Église. Parlant des théologiens, il écrit : « Ils gergonnent assez de contrition et attrition. Et de fait, ils tourmentent les âmes par beaucoup de scrupules et les enveloppent de beaucoup d’angoisses et molestes, mais quand il semble qu’ils aient bien navré les cœurs jusqu’au fond, ils guérissent toutes les amertumes par quelques aspersions de cérémonies. » Calvin rappelle la division classique de la pénitence : contrition, confession, satisfaction. Sur la contrition, la doctrine catholique n’est que découragement et hypocrisie : « Qu’ils en montrent un seul, s’écrie-t-il, qui, par cette doctrine de contrition, n’ait été jeté en désespoir, ou bien n’ait opposé une feintise de douleur au jugement de Dieu, au lieu d’une vraie componction. » Les théologiens ne donnent pas la certitude du salut. Voilà précisément leur tort. Ils fixent les regards du pécheur sur ses propres larmes. En a-t-il assez versé ? Ses larmes sont-elles assez sincères ? Il ne le saura jamais. Calvin, lui, veut qu’on no regarde que la miséricorde infinie de Dieu. Avec cela on est sûr du pardon.

Passons à la confession. « Je m’émerveille, écrit Cal-