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REFORME. DOCTRINES, LA PENITENCE


chaque jour, ce qui était un abus insupportable. On a vendu les messes. Tout ce mouvement de foire autour de la cène est intolérable. Enfin, n’est-il pas évident que c’est le diable qui a inventé, à la place de la doctrine, dans la cène, toute cette foule de cérémonies et de grimaces que l’on appelle liturgie ? « La messe, écrit Calvin, n’est que pure singerie et batellerie. Je l’appelle singerie, parce que l’on veut par là contrefaire la cène du Seigneur, sans raison, comme un singe, inconsidérément et sans discrétion, imite ce qu’il voit faire… Je l’appelle aussi batellerie, à cause que les fatras et les mines qu’on y fait conviennent plutôt à une farce qu'à un tel mystère, comme est la sacrée cène du Seigneur. »

Dans l’Institution chrétienne, Calvin renouvelle tous ces arguments que l’on peut ramener à trois : 1. Dans la messe « il se fait un blasphème et déshonneur intolérable à Jésus-Christ, prêtre unique et éternel ». — 2. « La messe ensevelit et opprime la croix et passion de Jésus-Christ », en réitérant un sacrifice fait pour demeurer unique. 3. La messe a engendré d’innombrables abus. Et Calvin n’hésite pas à traiter de brutes ignares tous les chrétiens qui ont pratiqué la messe jusqu'à lui !

5° La messe duns les « 38 Articles ». — La confession anglicane est aussi radicale que les autres confessions protestantes en ce qui concerne la messe. Elle l’expédie sommairement, dans son art. 31 : « L’offrande du Christ olîerte une seule /ois est la parfaite rédemption, la propitiation, et la satisfaction pour tous les péchés du monde, originel aussi bien qu’actuels. Il n’y a en dehors de celle-là aucune satisfaction pour le péché. C’est pourquoi les sacrifices des messes où, disait-on communément, le prêtre offrait le Christ pour les vivants et pour les morts, n'étaient que fables impies et illusions dangereuses. »

On remarquera que dans ce texte, c’est surtout le caractère propitiatoire du sacrifice de la messe qui est repoussé, comme du reste dans les autres textes d’origine protestante. Un sacrifice de prière et de louanges a toujours été admis par les protestants, mais il ne s’agissait que d’un sacrifice au sens large.

VII. LA PÉNITENCE. V EXTRÊME-ONCTION. LES INduloexces. le PURGATOIRE. — 1° Luther et la pénitence. — On a vu que Luther n'était guidé au fond, dans l'élaboration de sa doctrine, que par cette mystique de la consolation qui était sa découverte propre. Tout ce qui l’avait terrorisé, il s’en délivre. Tout ce qui l’avait consolé, il le conserve. C’est cela qui explique ses hésitations en ce qui concerne le sacrement de pénitence. Il en avait gardé des souvenirs mélangés. Le conserverait-il ou le détruirait-il ? Il n’a jamais osé se prononcer. Dans son Prélude de 1520, il ne sait s’il admettra deux ou trois sacrements. Dans ses Catéchismes, il se prononce d’abord pour deux, puis il se décide pour trois. Zwingli et Calvin seront catégoriques. Luther et Mélanchthon ne seront jamais bien fixés au sujet de la pénitence. C’est qu’ils ont été souvent « consolés » par la confession. Or la « consolation » est pour eux l’indice de ce qui est biblique et divin. Ils gardent donc la pénitence en la libérant des abus qui sont venus la recouvrir et l’avilir. Le grand abus a été d’enlever à la pénitence ce qui en faisait un sacrement, c’est-à-dire la foi en la promesse. Les théologiens ne parlent ici que du pouvoir des clefs d’une part et des trois parties de la pénitence : contrition, confession, satisfaction, d’autre part. Ils ont oublié la foi, c’est-à-dire la certitude du salut. Seule, pourtant, la foi, qui conduit de la menace à la promesse, peut « contrire » le cœur. Il fallait donc avant tout éveiller la foi. Pour cela, il est vrai, point n'était besoin de torturer le pénitent en lui faisant une obligation de dire toutes ses fautes, chose impossible du reste, puisque tous nos

actes sont des péchés mortels. Il fallait l’aiguiller vers la pensée de cette corruption radicale qui est en nous, le remuer par la certitude de la damnation méritée et faire luire ensuite, devant ses yeux, la certitude du pardon gratuit. Toute la théorie de la contrition chez les scolastiques est un tissu d’erreurs. La douleur des péchés n’est rien. Il n’y a que la foi qui compte. Quant à la confession et à la satisfaction, elles n’ont été jusqu’ici qu’une affaire d’argent I

Ce n’est pas que Luther rejette la confession auriculaire. S’il était logique, il devrait la rejeter, puisqu’il déclare ne pas la trouver dans les Écritures. Mais, selon lui, elle est utile et même indispensable, … car elle est « l’unique moyen de salut pour l'âme tourmentée ». Voilà donc le grand mot lâché. Il ne s’agit pas de savoir si cela est biblique ou non, mais si le cœur de Luther en a été consolé ou non. Tout cela dans Prélude sur la captivité babylonienne, W., t. vi, p. 546.

Seulement, pour que la confession soit « consolante », il faut l’affranchir. Luther repousse la « réserve » des péchés. Il attribue à tous les chrétiens le droit d’absoudre. C’est à tous qu’il a été dit : « Tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. » On peut donc se confesser à qui l’on veut, comme on veut, quand on veut. L’essentiel, c’est de trouver la « consolation. D’autre part, Luther rejette toute la théorie de la satisfaction. Pour lui le sens du mot pwnilentia doit être ramené à celui du mot grec yzTxvo'.y., qui signifie « changement d’esprit et de sentiment ». La pénitence n’est donc rien de plus que le changement de la confiance en soi dans la confiance en Dieu seul. Elle se confond avec la foi au sens luthérien. Quant à l’absolution, elle n’est que le signe du pardon déjà accordé par Dieu au moyen de la foi et nullement l’instrument par lequel ce pardon est concédé.

Voici comment Mélanchthon traduisit ces pensées de Luther dans la Confession d’Augsbourg : « Au sujet de la pénitence, ils (les protestants) enseignent que, pour les chrétiens tombés après le baptême, la rémission des péchés est possible en tout temps, dès qu’ils se convertissent, et que l'Église doit accorder l’absolution à ceux qui viennent à résipiscence. La pénitence comprend deux parties : l’une est la contrition, c’està-dire les terreurs que la connaissance du péché donne à la conscience. L’autre est la foi, qui est conçue au moyen de l'Évangile ou de l’absolution et par laquelle on croit que les péchés sont remis à cause du Christ. Par cette foi, la conscience est consolée et délivrée de ses terreurs. Ensuite doivent venir les bonnes œuvres, qui sont les fruits de la pénitence. »

La Confession d’Augsbourg repoussait formellement l’hérésie ancienne des novatiens qui n’admettaient point le pardon des péchés après le baptême, ainsi que l’hérésie récente des anabaptistes qui déclaraient la justice inamissible. Mais elle repoussait aussi l’opinion « de ceux qui n’enseignent pas que la rémission des péchés se fait par la foi et qui prescrivent de mériter la grâce par des satisfactions ».

Au sujet de la confession, Mélanchthon s’exprimait ainsi : « La confession n’est pas abolie chez nous. L’on n’a pas coutume en effet de présenter le corps du Seigneur aux chrétiens qui n’ont pas été au préalable examinés et absous. Le peuple est instruit, avec très grande diligence, de la foi en l’absolution, de laquelle on ne parlait jamais auparavant. Nous apprenons aux fidèles à attacher le plus grand prix à l’absolution, parce qu’elle est la voix de Dieu et parce qu’elle est prononcée par l’ordre de Dieu. Nous rappelons le pouvoir des clefs et nous montrons quelle grande consolation elle (l’absolution) fournit aux consciences terrifiées. Nous enseignons que Dieu réclame la foi, en sorte que l’on croie à cette absolution comme à la