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RÉFORME DOCTRINES, LA MESSE


de la croix. Les chrétiens ne peuvent offrir à Dieu qu’un sacrifice au sens large, le sacrifice de la mortification et de la prière.

Malgré cette destruction de l’essence de la messe, Luther ne se hâta point de toucher aux cérémonies traditionnelles de la messe catholique. Sa Formule de la messe et de la communion de décembre 1523 est encore en latin. Ce n’est qu’en décembre 1525 qu’il public sa Messe allemande. Il y conserve, quoique avec répugnance, le nom de messe et aussi les vêtements sacres, les cierges, l’autel. Il se contente de supprimer, à partir de l’offertoire, tout ce qui rappelle la notion de sacrifice. Il maintient l’élévation qui ne sera supprimée qu’en 1542. La consécration est chantée en allemand. La communion au corps du Christ se fait aussitôt après la consécration du pain. Ce n’est qu’après le chant du Sanclus et d’un cantique en allemand que vient la seconde consécration, celle du viii, et la seconde communion. Mais cette séparation des deux communions parut trop compliquée et fut supprimée en 1533.

Tout cela explique comment Mélanchthon a pu dire, dans la Confession d’Augsbourg : « C’est à tort que nos Églises sont accusées d’avoir supprimé la messe, nous avons au contraire conservé la messe et nous la célébrons avec un souverain respect. Nous avons conservé de même la plupart des cérémonies. »

Il développait ensuite contre la notion de sacrifice quatre arguments principaux : 1. L’Écriture ne dit pas que l’eucharistie soit un sacrifice, mais une commémoration et un testament ; — 2. Elle atteste que notre rédemption s’est faite par l’unique sacrifice de la croix ; — 3. Elle affirme que nous sommes justifiés par la foi seule ; — 4. La messe a engendré, dès qu’on l’a considérée comme sacrifice, d’innombrables abus, car rien n’a été vénal comme la célébration de la messe.

Zwingli contre la messe.

On trouve, chez Zwingli,

la même argumentation que dans la Confession d’Augsbourg. Deux preuves surtout lui paraissent décisives : 1. L’épître aux Hébreux enseigne que Jésus n’a été immolé qu’une fois ; — 2. Les textes de l’institution eucharistique prouvent que la cène n’est qu’une commémoraison. Il est donc impossible qu’elle soit un sacrifice. Dans l’épître aux Hébreux, le semel qui apparaît à plusieurs reprises : vii, 27 ; ix, 12 ; ix, 26, lui paraît absolument décisif. Il ne réfléchit pas que le même argument vaudrait contre les sacrifices de l’Ancienne Loi, qui étaient pourtant institués par Dieu lui-même. Que s’il était bon qu’il y eût des sacrifices « annonciateurs », pourquoi n’y aurait-il pas un sacrifice « commémoratif » ? Non, pour lui, il y a incompatibilité entre une commémoraison et un sacrifice. « De quel front, écrit-il, a-t-on osé faire d’une commémoraison une oblation ? Pour nous, qui sommes fidèles, toutes les fois que nous mangeons et buvons le corps et le sang du Christ, claironnons la mort du Seigneur, aussi longtemps que le monde subsistera. La cause de cette proclamation est assez ample, à savoir que le Christ nous a délivrés par sa mort et par l’effusion de son sang. De canone missæ epicheiresis du 29 août 1523. C. H., Opéra Zuinglii, t. ii, p.."> : > : > 608.

3° Les placards de l r > : 14 contre la Messe. - - Nulle part, on ne semble avoir été aussi animé contre la messe que dans cette Suisse romande où Guillaume Fard promena son zèle impétueux et conquérant. Le document où la haine de la messe s’étale de la façon la plus frappante est ce tract fameux, rédigé par Antoine Marcourt et Viret, à Neuchàtel, puis affiché, dans la nuit du 17 au 18 octobre 1534, en divers lieux de la ville de Paris, et jusqu’à la porte de la chambre à coucher du roi, à Amboise.

Les arguments que l’on y trouve, auprès d’énormes injures, sont les mêmes que chez Zwingli : 1. « A tout

fidèle chrétien est et doit être très certain que notre Seigneur et seul Sauveur Jésus-Christ, comme grand évêque et pasteur éternellement ordonné de Dieu, a donné son corps, son âme, sa vie et son sang pour notre sanctification, en sacrifice parfait : le quel sacrifice ne peut et ne doit être réitéré par aucun sacrifice visible… Car par le grand et admirable sacrifice de Jésus-Christ, tout sacrifice extérieur et visible est aboli et évacué et jamais autre n’est demeuré. Ce qui… est très amplement démontré en l’épître aux Hébreux, vii, 26 sq. ; ix, 12 ; x, 10, 18. » 2. « En cette malheureuse messe, on a non seulement provoqué, mais aussi plongé et du tout abîmé quasi l’universel monde en idolâtrie publique. »

Tout l’esprit des placards se trouve résumé dans cette conclusion qui, par sa violence, laisse pressentir les futures guerres de religion : « Par elle (la messe), disaient-ils, toute connaissance de Jésus-Christ est effacée, la prédication de l’Évangile est rejetée et empêchée, le temps est occupé en sonneries, hurlements, chanteries, vaines cérémonies, luminaires, encensements, déguisements et telles manières de sorcelleries, par lesquelles le pauvre monde, comme brebis et moutons, est misérablement trompé, entretenu et promené et par ces loups ravissants mangé, rongé et dévoré. Et qui pourrait dire les larcins de ces paillards ? Par cette messe, ils ont tout empoigné et tout détruit, tout englouti. Ils ont déshérité princes et rois, seigneurs et marchands et tout ce qu’on peut dire mort ou vif. » Ces dernières lignes mettaient a nu des motifs fort peu théologiques en faveur de la destruction de la messe. Ce ne furent pas les moins forts.

Calvin contre la messe.

Luther avait conservé le

mot de messe. Les zwingliens et les calvinistes l’ont rejeté avec horreur et la cène, telle qu’ils ont voulu la célébrer, ne ressembla que de très loin à l’office traditionnel catholique. A part cela, Calvin ne montre aucune originalité dans sa critique de la théorie du sacrifice de la messe. Ce sacrifice fait injure à celui de la croix. Voilà ce que développe son Traité de la sainte cène, quand il aborde la question de la messe.

Calvin concède sans doute que les anciens Pères ont appelé la cène un sacrifice. Mais il veut que ce soit uniquement parce que « la mort de Jésus-Christ y est représentée ». Il reconnaît que les sacrifices de l’Ancienne Loi étaient d’origine divine. Il les regarde comme légitimes en temps que figuratifs de celui de la croix. Mais ce qui a pu être figuré ne doit pas être renouvelé. « Depuis qu’il a été parfait, écrit-il, il ne reste plus sinon que nous en recevions la communication et c’est chose superflue de le figurer encore. »

A plus forte raison, pense Calvin, n’était-il pas permis d’imaginer un sacrifice non seulement commémoratif, à la façon des anciens Pères, mais propitiatoire, comme on l’a admis dans la suite. On a ainsi transféré à la messe tout ce qui ne pouvait appartenir qu’à la croix, à savoir de satisfaire pour nos dettes et de nous réconcilier avec Dieu. Sans doute les mérites de la mort du Christ doivent nous être appliqués. Mais Calvin ne veut pas que ce soit par la messe. Ce ne pourra être que par la prédication de l’Évangile et par la foi. « Voilà donc, conclut Calvin, comment il n’y a rien de plus contraire à la vraie intelligence de la cène que d’en faire un sacrifice, lequel nous détourne de reconnaître la mort du Christ comme sacrifice unique, duquel la vertu dure à jamais. »

En outre, la messe est condamnable en raison de ses conséquences désastreuses. L’assistance passive à la messe a pris la place de la communion. Le prêtre a communié seul. Or, pour Calvin, toutes les messes « auxquelles il n’y a point de communion, telle que le Seigneur l’a instituée, ne sont qu’abomination ». De plus, on a célébré la messe en l’honneur des saints de