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REFORME DOCTRINES, LES SACREMENTS


tême ne peut apporter à ce sentiment aucun degré de confirmation. On l’a ou on ne l’a pas. Mais le Jourdain tout entier ne pourrait la donner. On peut très bien recevoir le baptême et ne sentir que la fraîcheur de l’eau, mais nullement la rémission des péchés ou la libération de l'âme. L’Esprit-Saint n’est lié par aucun signe, il souille où il veut, quand il veut. « S’il était contraint de se donner intérieurement, au moment précis où nous faisons le signe rituel, il serait complètement enchaîné à ce signe, ce qui est contraire à la vérité. »

Quant à l’opinion des baptistes que le baptême est

1e signe de la réconciliation déjà opérée, Zwingli la

raille sans pitié. « Qu’a-t-il besoin du baptême, s'écriet-il, celui qui est déjà assuré par la foi de la rémission des péchés ? » Est-ce une vraie foi, celle qui compte sur une confirmation de cette nature ?

Enfin, Zwingli arrive à sa propre définition du sacrement : « C’est, dit-il, un signe ou une cérémonie, par laquelle un homme se voue à l'Église soit comme candidat soit comme soldat du Christ et il est destiné à donner la certitude de ta foi à l'Église bien plus qu'à toi-même. » C’est pourquoi Zwingli préférerait le mot de témoignage public à celui de sacrement, qui n’est bon qu'à égarer les esprits. Quant à s’imaginer que le rite extérieur engendre une purification extérieure, c’est tout simplement du judaïsme ! Voir Explication des Articles (1523), Commentaire de la vraie et /ausse religion (1525) et enfin Ratio fidei, présentée par Zwingli à la diète d’Augsbourg, en 1530, art. 7.

On comprend dès lors que Zwingli soutienne que le baptême de Jean ait eu la même ellicacité que celui du Christ. Si on lui oppose le texte des Actes, xix, 1-10, où une différence est introduite entre ces deux baptêmes, il répond que saint Paul a dû se contenter d’instruire les gens d'Éphèse, baptisés au nom de Jean, en leur apprenant la confiance au nom de Jésus seul.

Il réfute les anabaptistes pour qui le baptême doit être le sceau de la conversion personnelle et qui, pour cette raison, repoussaient le baptême des enfants, en disant que le sort des enfants chrétiens serait pire que celui des enfants juifs, si on ne pouvait les agréger au peuple de Dieu. On doit au contraire les baptiser, non pour les sauver, mais pour attester leur appartenance à l'Église chrétienne en laquelle ils sont sauvés. On se souvient du reste que Zwingli nie que le péché originel soit un vrai péché qui prive du salut.

En somme, Zwingli unit dans sa pensée deux courants très différents : un spiritualisme très intransigeant qu’il croit puiser dans le Nouveau Testament et un théocratisme vigoureux qu’il extrait de l’Ancien. Son spiritualisme repousse le baptême en tant que cause de grâce. Son théocratisme par contre l’accueille volontiers, en tant que signe d’appartenance au peuple de Dieu et de soumission à la loi. Le baptême est ainsi expulsé de la doctrine du salut, pour ne garder qu’un sens politique et civil.

Inutile d’ajouter que Zwingli rejette complètement la confirmation, en tant que sacrement.

Les théories sa ramentaires de Calvin.

 Calvin

traite des sacrements au c. xiv du 1. IV de l’Institution chrétienne. Dans le premier état de son livre (1530), cette question formait le c. iv. Il définissait alors le sacrement : « un signe extérieur, par lequel le Seigneur figure et atteste sa bienveillance envers nous, afin de soutenir la faiblesse de notre foi », ou encore : « un témoignage de la grâce de Dieu, manifesté pour nous dans un symbole extérieur ». C. R., Op. Calvini, t. i, p. 102. Dans les dernières éditions il joignait à ces définitions la mention du rôle social des sacrements. « Sacrement, disait-il, est un signe extérieur, par lequel Dieu scelle en nos consciences les promesses de sa bonne volonté envers nous, pour confirmer l’imbé cillité de notre foi, et nous mutuellement rendre témoignage tant devant lui et les anges que devant les hommes que nous le tenons pour notre Dieu. »

Plus brièvement : « C’est un témoignage de la grâce divine envers nous, confirmé par un signe extérieur, avec attestation mutuelle de l’honneur que nous lui portons. »

Si Dieu a institué de tels signes c’est pour s’accommoder à notre « rudesse ». Nous sommes des êtres sensibles. Il faut des signes ou symboles pour frapper nos sens. Calvin n’est donc pas de l’avis de Zwingli. Il ne croit pas que la foi se suffise à elle-même. Il réfute son opinion qu’il résume ainsi : ou la Parole de Dieu qui précède le sacrement est pour nous la véritable volonté de Dieu ou elle ne l’est pas. Si elle l’est, le sacrement n’y ajoute rien. Si elle ne l’est pas, ce n’est pas le sacrement qui peut nous en instruire. Mais en bon juriste, il réplique : « Les sceaux qui sont apposés aux chartes et aux actes publics, pris en eux-mêmes, ne sont rien. Ils seraient bien inutiles, si les parchemins ne contenaient rien d'écrit. On ne peut pourtant pas nier que les sceaux ne confirment et ne contresignent ce qui est écrit, lorsqu’on le présente au public ». Loc. cit.

Mais si Calvin admet que le sacrement confirme la Parole, il enseigne aussi qu’il n’est rien sans cette Parole. Il attaque violemment la doctrine traditionnelle de la causalité ex opère operato. Les sacrements n’ont d’efficacité qu’en tant que témoignages de la grâce de Dieu et comme sceaux de la faveur qu’il nous porte, lesquels, la signant en nous, consolent par ce moyen notre foi, la nourrissent, confirment et augmentent… au reste, ils produisent lors leur efficace quand le maître intérieur des âmes y ajoute sa vertu, par laquelle seule les cœurs sont percés et les affections touchées pour donner entrée aux sacrements. »

Par ailleurs, Calvin s’indigne de ce que Zwingli ait cru devoir apporter des préoccupations philologiques en cette matière. « J’affirme instamment, dit-il, que les anciens, qui ont donné aux signes le nom de sacrements, n’ont pas du tout considéré l’usage que les écrivains latins avaient fait de ce terme, mais qu’ils lui ont imposé une signification nouvelle, pour leur commodité, afin de désigner tout simplement des signes sacrés. »

Pour ce qui est du nombre des sacrements, Calvin, comme Zwingli, n’en veut connaître que deux : « Le baptême, dit-il, nous rend témoignage que nous sommes purgés et lavés, la cène de l’eucharistie que nous sommes rachetés. En l’eau est figurée ablution, au sang, satisfaction. » Il déclare aussi, au passage, qu’il ne voit aucune différence d’efficacité entre les sacrements de l’Ancienne Loi et ceux de la Nouvelle.

Voici en quels termes, le réformateur de Genève expose la nature et les effets du baptême : « Le baptême, dit-il, est la marque de notre chrétienté et le signe par lequel nous sommes reçus en la compagnie de l'Église, afin qu'étant incorporés au Christ, nous soyons réputés du nombre des enfants de Dieu. »

Le baptême sert donc à deux fins : à confirmer notre foi et à la confesser devant les hommes. Son efficacité dure toute la vie. « Et ne devons estimer, dit Calvin, que le baptême nous soit donné seulement pour le temps passé… En quelque temps que nous soyons baptisés, nous sommes une fois lavés et purgés, pour le temps de notre vie. Pourtant (et c’est pourquoi) toutes les fois que nous sommes recheus en péchés, il nous faut recourir à la mémoire du baptême et par elle nous confirmer en cette foi que nous soyons toujours certains et assurés de la rémission de nos péchés. » Il n’y a que le péché originel que le baptême ne paisse remettre, puisque ce péché n’est autre chose que la concupiscence que rien n’efface.

A la suite de Luther, Calvin n’hésite pas à admettre