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REFORME. DOCTRINES, LA JUSTIFICATION
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est en effet le gage que nous donne l’Esprit pour nous pousser à n’aimer que Dieu, ne voir que Dieu, ne nous confier qu’en Dieu… Celui qui a cette lumière et cette force de la foi, celui-là est certain que ni la mort ni la vie ne peuvent lui enlever ce trésor. Un tel homme est tellement bien élu que son élection n’est pas connue seulement de Dieu mais aussi de lui-même. « Tout cela dans le sermon De Providentiel de 1529, C.R., Opéra Zuinglii, t. vi, p. 79-144.

La justification par la foi chez Calvin.

Ni

Luther ni Zwingli ne parlaient volontiers de la prédestination. Us avaient sur ce point des idées identiques. Mais ils jugeaient avec raison que ce n’étaient pas là des choses à proclamer en public. Calvin n’est pas de leur avis. Si on voit volontiers en lui l’auteur du prédestinatianisme le plus radical, ce n’est pas qu’il diffère de ses prédécesseurs dans le fond, c’est surtout qu’il s’est complu davantage qu’eux dans l’exposé d’une doctrine aussi difficile et aussi dure pour la conscience commune des hommes.

Quand il aborde ce sujet, au c. xxi du 1. III de l’Institution, il déclare tout net qu’il n’est pas d’avis qu’on l’évite, bien au contraire. « Je confesse, dit-il, que les méchants et blasphémateurs trouvent incontinent, en cette matière de prédestination, à taxer, caviller, aboyer ou se moquer. Mais si nous craignons leur pétulance, il faudra taire l’un des principaux articles de notre foi. » « Nous appelons prédestination, poursuit-il, le Conseil éternel de Dieu, par lequel il a déterminé ce qu’il voulait faire de chacun homme. Car il ne les crée pas tous en pareille condition, mais ordonne les uns à vie éternelle, les autres à éternelle damnation. » Pour les élus, le décret de Dieu « est fondé sur sa pure miséricorde, sans aucun regard à la dignité humaine ». Pour les réprouvés, il se fait « par un jugement occulte et incompréhensible, encore qu’il soit juste et équitable ». Chez les premiers, l’élection se manifeste par la « vocation », puis par la « justification », et elle se traduira un jour par l’entrée dans la gloire. Chez les seconds, la privation de la connaissance de la parole divine et de la sanctification par l’Esprit est le signe donné par Dieu du sort qu’il leur destine. C Uvin affirme que Dieu « veut pour sa gloire en damner un grand nombre ». Il n’ignore pas que, « quanti l’entendement humain ouit ces choses, son intempérance ne se peut tenir de faire troubles et émotions, comme si une trompette avait sonné l’assaut ». Mais il se fait fort d’avoir réponse à toutes les objections. Sa grande preuve, c’est que « tous les enfants d’Adam sont pris d’une masse de corruption ». Dieu est donc juste en les punissant. Que si on le presse, en lui demandant pourquoi les hommes ont été déchus en Adam, il est bien obligé de reconnaître que c’est parce que Dieu « l’avait ainsi ordonné en son conseil ». Mais « Dieu n’est point comptable envers nous, insiste Calvin, pour rendre raison de ce qu’il fait ». C’est pourquoi il convient de repousser toutes les critiques et de n’y voir que « grondements de pourceaux ». Ainsi se trouve liquidée toute opposition à la doctrine de Calvin.

La prédestination se révèle d’abord par la vocation, avons-nous dit. La vocation est gratuite. Elle « consiste en la prédication de la parole et illumination du Saint-Esprit ». Nous y sommes essentiellement passifs. Le propre de cette vocation, une fois acquise, c’est d’être inaniissiblc. Ceux qui « trébuchent » n’ont jamais été véritablement appelés. « Telles manières de gens, dit Calvin, n’ont jamais adhéré au Christ d’une telle lianec par laquelle nous disons que notre élection est certifiée.

La vocation aboutit immédiatement à la justification. « Nous avons ici deux choses principales à regarder, dit Calvin, c’est que la gloire de Dieu soit conser vée en son entier, et que nos consciences puissent avoir repos et assurance de son jugement. » Il aurait pu en ajouter une troisième, qui perce dans son langage de juriste : le souci de ne point affaiblir la majesté et la force contraignante de la loi. Sous ce rapport, Calvin est tout proche de Zwingli et très éloigné de Luther. Ce n’est pas lui qui dira jamais que la loi n’a d’autre but que de nous pousser au désespoir et qu’elle n’est pas faite pour être observée. En Calvin, encore plus qu’en Zwingli, nous rencontrons un directeur de république bourgeoise, qui se sent la responsabilité du maintien de l’ordre public dans la Cité et qui sait que les hommes ne se règlent pas uniquement sur des prédications éloquentes, mais sur des textes légaux.

Pour conserver en entier « la gloire de Dieu », Calvin estime, comme Luther, qu’il ne faut rien accorder au mérite humain, dans la question du salut. Il soutient donc énergiquement la justification par la foi seule. « C’est, dit-il, le principal article de la religion chrétienne… Celui est dit être justifié devant Dieu qui est réputé juste devant le jugement de Dieu et est agréable pour sa justice… Celui sera dit justifié par foi, lequel étant exclu de la justice des œuvres, appréhende la justice de Jésus-Christ, de laquelle étant vêtu, il apparaît devant la justice de Dieu, non pas comme étant pécheur, mais comme juste. » La foi est toute gratuite. C’est une œuvre que l’Esprit-Saint opère au cœur des prédestinés sans le moindre concours de leur part.

Les droits de Dieu ainsi mis hors d’atteinte, Calvin veut aussi donner aux consciences « le repos et l’assurance ». Mais, ici, il est moins heureux que Luther. Celui-ci n’a pas hésité à sacrifier la loi. Qu’est-ce qui vous empêche de croire que vous êtes sûrement sauvé ? C’est l’obsession de la loi violée par vous. Mais soyez donc tranquille. La loi n’est qu’un épouvantait. Elle n’est pas faite pour être appliquée. « Péchez hardiment ! … »

Luther ne gardait plus aux œuvres de la loi qu’une valeur d’exemple, une valeur sociale et politique. Mais il y avait au cœur de son système un noyau central d’indifférentisme moral et, comme on devait dire plus tard, d’ « antinomisme ». Calvin se sépare ici de son maître. Parlant de « liberté chrétienne », comme Luther l’avait fait, il dira que cet article est à la fois très nécessaire et très périlleux. Pour lui cette « liberté » consiste en trois choses : 1. que les consciences chrétiennes, quand il s’agit de chercher assurance de leur justification, s’élèvent et se dressent pardessus la Loi et oublient toute justice légale ; 2. que « les consciences ne servent point à la Loi, comme contraintes par les nécessités de la Loi », mais « qu’elles obéissent libéralement à la volonté de Dieu » ; 3. que l’on n’attache aucune importance aux choses extérieures, « qui par soi sont indifférentes ».

Mais comment connaîtrons-nous la volonté de Dieu ? Précisément par la loi. Il faudra donc l’accomplir, non parce qu’elle sauve, mais parce que Dieu l’impose. La nuance est faible ! En fait, Calvin insiste sur la nécessité des œuvres. Le Catéchisme de Genève de 1553 est très formel : « Mais pouvons-nous être justifiés sans faire bonnes œuvres ? — Il est impossible. Car croire en Jésus-Christ, c’est le recevoir tel qu’il se donne à nous. Or, il nous promet non-seulement de nous délivrer de la mort et remettre en la grâce de Dieu son l’ère, par le mérite de son innocence, mais aussi de nous régénérer par son Esprit, pour nous faire vivre saintement. — La foi donc, non seulement ne nous rend pas nonchalants à bonnes œuvres ; mais elle est la racine dont elles sont produites ? — Il est ainsi : et pour cette cause, la doctrine de l’Évangile est comprise en ces deux points, à savoir Foi et Pénitence. — Qu’est-ce que Pénitence ? — C’est une