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QUESNEL. LES « RÉFLEXIONS MORALES


Louvain publièrent des écrits contre les accusations des jésuites, en particulier, un Mémoire adressé à M. Van Espen, dans lequel ils disent que le pape ne semble pas avoir eu l’intention de faire porter le serment du formulaire sur les faits eux-mêmes. Pendant ce temps, à Rome, Hennebel, leur délégué, travaillait à obtenir du pape une condamnation du formulaire imposé par l’archevêque de Malines. Une congrégation procéda, écrit le biographe d’Arnauld, « avec une équité dont il n’y avait pas encore eu d’exemple depuis que les troubles du jansénisme agitaient l’Eglise ». Après de nombreuses assemblées, la congrégation arriva à une conclusion que les jansénistes regardèrent comme favorable à leur thèse : la paix de l'Église aurait été établie sur la distinction du fait et du droit ; par conséquent, on n'était point oblige de croire le fait de Jansénius. C’est sur ces principes qu'était fondé le bref d’Innocent XII, du 6 février 1694, adressé aux évêques des Pays-Bas. Ce bref demande que les évêques < n’exigent de vive voix ou par écrit, de ceux qui auront à souscrire le formulaire ou à prêter le serment, quoi que ce soit, outre la formule et les termes prescrits dans les constitutions apostoliques, qui ressente tant soit peu la déclaration, l’interprétation ou l’explication » ; il défend de discuter sur ce sujet et impose un silence perpétuel ; il défend « aussi que qui que ce puisse être soit diffamé ou décrié par cette accusation vague et cette imputation odieuse de jansénisme, à moins qu’il ne soit constant, par des preuves légitimes, qu’il s’est rendu suspect d’avoir enseigné ou soutenu quelqu’une de ces propositions, dans le sens naturel que les termes présentent à l’esprit ». Les jansénistes, et Arnauld en particulier, regardèrent le décret et le bref comme un triomphe personnel et comme un désaveu de l’archevêque de Malines. Ils auraient préféré qu’on supprimât toute signature, mais, disaient ils, le bref arrivait à la même conclusion en levant les difficultés qui arrêtaient ceux qui ne voulaient pas attester un fait regardé comme faux ou comme douteux. Le bref d’Innocent XII faisait clairement entendre qu’on n’exigeait point la croyance du fait, donc la signature ne concernait plus que le droit. On peut donc signer le formulaire, disait Arnauld, sans faire aucune distinction puisqu’il n’est plus question que de droit. Aussi, plus tard, les jansénistes n’hésiteront pas à dire que Clément XI se mit en opposition formelle avec Innocent XII, lorsque en 1702, il condamna le cas de conscience et lorsque en 1705, il publia la bulle Yineam Domini. Mais les interprétations des jansénistes, à la suite d’Arnauld, forçaient quelque peu le sens du bref du février 1094. Un second bref du 24 novembre 1094 vint préciser : « Notre intention expresse a été et est encore de nous attacher à la constitution d’Alexandre VII et de ne permettre en aucune manière qu’on ajoute ou on retranche quoi que ce soit dudit formulaire. Nous ordonnons qu’il soit exactement observé dans toutes et dans chacune de ses parties. » La plupart des écrits qui se rapportent à cette question sont groupés au t. xxv des Œuvres d’Arnauld.

Durant son séjour en Hollande, Arnauld continua à multiplier les écrits en faveur du jansénisme, mais il ne faut pas songer à analyser ni même à indiquer tous les écrits polémiques qui remplissent les dernières années d’Arnauld : « la liste seule de ces factums théologiques rebuterait et ferait un fagot d'épines ». Sainte-Beuve, op. cit., t. v, p. 451.

V. Le livre des « Réflexions morales ». — Dès avant la fin du xvii° siècle, le jansénisme prit une nouvelle allure sous l’influence de Quesnel. Beaucoup d’ouvrages avaient déjà paru de lui, mais c’est seulement à partir de 1093 qu’on peut parler du quesnellisme. L'écrit de Quesnel qui est à l’origine de ce

mouvement et qui allait provoquer de si vives polémiques au xviiie siècle avait été publié depuis plusieurs années, mais il subit alors des modifications capitales. Dans son Explication apologétique des Réflexions, Quesnel raconte que c'était une coutume à l’Oratoire, de faire lire et méditer beaucoup le Nouveau Testament : les jeunes gens devaient, pour leur usage personnel, faire un recueil des paroles de Notre-Seigneur qui les avaient le plus touchés. Pour faciliter cette tâche, l’Oratoire fit imprimer ces paroles dans un livret spécial. Le P. Nicolas Jourdain, supérieur de la maison de l’institution, ajouta au texte lui-même quelques réflexions fort courtes, en latin, comme le texte ; ces réflexions étaient insérées entre les versets. L'écrit était intitulé : Verbi incarnati J.C.D.N. verba, ex universo ejus Testamento collecta, adjutis argumentis, chronologia et locorum similium designatione, Paris, 1650, in-24. Quelques années après, en 1664, M. de Loménie, comte de Brienne, ministre et secrétaire d'État, entra à l’Oratoire et demanda au P. Quesnel de traduire cet ouvrage en français. Le Père lit cette traduction et y ajouta quelques courtes réllexions ; l’ouvrage parut sous le titre : Les /tarâtes de la Parole incarnée, Jésus-Christ, Notre-Seigneur, tirées du Soliveau Testament. La l ri édition parut en 1668 et bientôt après, en 1009, une 2e édition, corrigée et augmentée d’un grand nombre de paroles omises dans toutes les précédentes, de celles de la très sainte Vierge et de plusieurs réllexions, qui en découvrent l’esprit, Paris, 1009, in-1K. Cette traduction faite par Quesnel peut être regardée comme la première ébauche des Réflexions mondes.

Le marquis de Laigue, qui résidait à l’institution de l’Oratoire, demanda à Quesnel de faire le même travail pour le texte complet des quatre évangélistes. Lorsque l'écrit fut rédigé, le marquis de Laigue le mordra à l'évêque de Châlons-sur-Marne, Félix Vialart, qui fut enthousiasmé a la lecture et envoya à M. de Laigue un mandement, daté du 9 novembre 1671. Il décida de le faire imprimer sous le privilège qu’il avait pour ses propres instructions » et il demanda à l’archevêque de Paris, qui y consentit, que l’ouvrage fût imprimé à Paris. Dans le mandement, placé en tète, le prélat s’adressait à ses curés : i Nous avons cru ne pouvoir mieux vous engager à la lecture des Livres saints qu’en vous faisant part de cet excellent ouvrage, que la Providence nous a mis entre les mains et que nous avons examiné avec beaucoup d’application et de soin… Celte lecture ne vous sera pas seulement utile pour votre propre édification, mais aussi pour faciliter les instructions chrétiennes que vous devez à mis peuples. Mais il faut pour y trouver tous ces avantages, que VOUS apportiez à cette lecture une grande pureté intérieure, sans laquelle, dit un Père, l’homme ne rencontre que des ténèbres et des précipices dans cette source de lumière et de vie. » De plus, Vialart faisait l'éloge de Quesnel : « Il faut que l’auteur ait cette charité lumineuse dont parle saint Augustin et qu’il ait été longtemps disciple dans l'école du Saint-Esprit, qui a dicte ces divers livres, pour avoir pénétré avec tant de clarté et d’onction dans l’intelligence des mystères et des enseignements du Verbe incarné. » Il faut dire ici un fait que Quesnel passa sous silence, c’est que Jacques Seneuze, imprimeur de Vialart, affirme, dans une déposition mise entre les mains de M. Grossard, avocat du roi à Chàlons, que l'évêque « axait fait beaucoup de corrections, que l’on appelle des cartons en termes d’imprimerie », 7 nov. 1713. L’ouvrage parut sous le titre : Abrégé de lu morale de l' Évangile, ou Considérations chrétiennes sur le texte des quatre évangiles, pour en rendre la lecture et la méditation plus faciles à ceux gui commencent à s’y appliquer, imprimé par ordre de M. l'évêque de Chà-